Raphaël Glucksmann, le Jean-Claude Dusse de la gauche - Challenges

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EDITORIAL – Le leader de Place publique semble plus avancé que ses rivaux sociaux-démocrates dans la course à la présidentielle de 2027. Mais Raphaël Glucksmann a raté la première marche après son succès aux élections européennes. Comme le héros des Bronzés, il avait une ouverture, mais il n’a pas conclu.

Raphaël Glucksmann « peut-il conclure » ? La question s’impose, ainsi formulée en hommage au plus pâle des Bronzés, le si bouleversant Michel Blanc, hélas disparu. Cette interrogation quasi ontologique mérite d’être posée à l’instar d’autres, plus célèbres encore, mais qui lui font écho, tel « être ou ne pas être ? » Le leader de Place publique affirme désormais y répondre avec clarté, trompetant à tous vents médiatiques une détermination d’airain d’aller jusqu’au plus loin, c’est-à-dire à l’Elysée en 2027, quand d’autres rivaux sociaux-démocrates, tels Bernard Cazeneuve, la présidente de la région Occitanie Carole Delga, François Hollande ou même Karim Bouamrane, le maire de Saint-Ouen, en sont encore à faire des gammes et des vocalises incertaines. Mais cette résolution affichée par le leader de Place publique laisse quand même encore dubitatif. Comme lorsque le séducteur à jamais malheureux, Jean-Claude Dusse, proclamait « je le sens, ce soir je vais conclure… » Alors, on a encore quelques doutes dans l’arrière occiput.

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Succès aux Européennes

Pourtant, la tête de liste de la gauche socialiste avait réalisé une campagne européenne dynamique, parvenant à un score plus qu’honorable (13,8 %). Il suscitait, ressuscitait même, des espoirs chez les électeurs de gauche… qu’il abandonnait aussitôt. Au lieu de mobiliser ces bonnes volontés réanimées, il disparaissait à Bruxelles, laissant Jean-Luc Mélenchon et son servant Olivier Faure, le socialiste si soumis aux Insoumis, mettre la main sur les élections législatives via le Nouveau Front populaire. Un choc. Un traumatisme que cette esquive, cette ligne de fuite qu’il adoptait à nouveau quand le nom de Bernard Cazeneuve aurait eu besoin du soutien de tous les sociaux-démocrates pour être propulsé Premier ministre.

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Revenaient alors en boucle ces images troublantes du candidat de la gauche modérée, exfiltré la tête basse d’une manifestation à Saint-Etienne en raison du harcèlement des haineux de LFI. Les interrogations gênantes étaient réactivées : l’intellectuel brillant, si policé, avait-il vraiment les tripes, la moelle, voire la sauvagerie nécessaire, sinon la folie indispensable, pour s’imposer dans cette jungle politique ? Emmanuel Macron ne s’était-il pas révélé, à lui-même comme à ses adversaires, lorsque à l’usine Whirlpool, entre les deux tours de la présidentielle en 2017, il était descendu dans l’arène affronter les militants de la CGT qui venaient de recevoir (aimablement)… Marine Le Pen. Personne ne doutait plus que « le gamin » Macron allait « conclure » ! Or là, on doute toujours.
Une gauche modérée complexée

Pourtant, Raphaël Glucksmann ne manque ni d’arguments ni d’assurance, au moins apparente. Son mouvement, Place publique, s’est étoffé (de 1 500 à 11 000 militants). Il va entreprendre « à la Chirac 1995 » un tour de France de nature à « muscler » sa réflexion. Avec la droitisation du gouvernement et le rejet de l’extrême gauche mélenchoniste, l’espace s’est ouvert pour une force de gauche modérée, de gouvernement et de changement. Il jure vouloir l’occuper, cette place, drapeau au vent, et en avoir donc fini avec sa pusillanimité.

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Car il est conscient qu’au fond, tel Jean-Claude Dusse toujours, ses « camarades » sociaux-démocrates sont bourrés de complexes aussitôt exploités par les Insoumis : « Pas assez à gauche, les sociaux-démocrates. » Pas même virils ! Rien que « des sociaux-traitres » ! Incapables de s’affirmer ! Les modérés de gauche ont même fini par croire que, comme le martèle la droite, « le pays est à droite », alors qu’il est aussi à gauche dans son imaginaire et ses aspirations. Des irrésolus donc. Des tremblants qui n’y croient pas vraiment, tandis que l’histoire nous apprend que « pour conclure, même sur un malentendu, ça peut passer ». Raphaël Glucksmann sera-t-il l’homme de ce retournement ?

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