L'UE fabrique son propre déclin
Par Yann
On peut largement critiquer les dirigeants américains pour tout un tas de raison, y compris macro-économiques. Je le fais d'ailleurs moi-même sur ce blog régulièrement, car je ne crois absolument pas à la réussite du Trumpisme. Les premiers revers électoraux commencent d'ailleurs à arriver aux USA. Le mouvement MAGA s'effondrant sous le poids de ses propres contradictions. Les Américains commençant à comprendre que le Trumpisme défend essentiellement les intérêts des plus riches exactement comme les démocrates finalement. Ils ne sont simplement pas d'accord sur l'ordre des priorités. Cependant, il faut reconnaître que Trump et son groupe ont par moment une influence positive à l'extérieur même si c'est souvent probablement involontaire. Ainsi la diatribe que Trump et Musk ont sortie contre la construction européenne a eu le mérite de remettre au centre du débat chez nous la question de la construction européenne.
C'est que nous vivons une période assez incroyable tout de même. Voilà 26 ans que la monnaie unique a été mise en place. Je rappelle que si nous n'avons eu l'euro dans les poches qu'en 2002, la monnaie unique a elle été mise en place dès 1999. Les vendeurs de nuages qui avaient présenté l'euro comme une source de croissance et de développement sont pourtant toujours à la télévision et invité dans les journaux. De Jacques Attali à Alain Minc, tous continuent de jouer les spécialistes de l'économie et de la penser. Et aujourd'hui, les mêmes qui hier vendaient cette monnaie, et la construction européenne, comme de fantastiques avancées, se plaignent aujourd'hui du décrochage européen. Et quand je dis le décrochage, je fais dans la litote. Ce qui est extraordinaire chez nos élites, ou plutôt ceux qui se pensent comme une élite, mais qui n'est en réalité qu'une bande de parasites nourris par un système de plus en plus kakistocratique et mafieux, c'est qu'ils sont totalement incapables de faire le lien entre le déclin du continent et son unification artificielle.
On ne sait pas s'il s'agit d'une réelle incompétence ou d'un aveuglement volontaire, la réalité de l'échec étant impossible à assumer, mais dans les deux cas il s'agit d'un immense problème pour notre pays et notre continent. C'est à ce titre que le rapport de Trump qui parle assez peu de l'UE en réalité, mais avec un descriptif assez violent nous est utile. Il ne s'agit pas d'adhérer aux descriptions du rapport en lui-même qui est sans doute un condensé des fantasmes de l'Amérique actuelle et en quelque sorte une évocation de ses propres démons. Rappelons que si l'Europe a un grave problème d'immigration et d'effondrement démographique, il en va tout autant des USA où le processus est même bien plus avancé. Certaines régions des USA sont déjà majoritairement hispaniques. Ceux qui ont réagi à ce rapport en pensant qu'il s'agissait d'une simple réaction aux amendes infligées à Elon Musk se trompent. Il y a un mélange de vérité, d'exagération, de peur fondée, mais aussi une marque du mépris général que les USA ont pour le continent européen. Un mépris qui ne date pas de Trump d'ailleurs. L'Amérique s'est construite en opposition à l'Europe dès sa naissance. Après tout, il ne faut jamais oublier que ce sont des extrémistes religieux d'une secte chrétienne protestante qui ont fondé ce pays en fuyant une Angleterre qui ne tolérait plus leurs excès.
À cela il faut ajouter l'échec patent de la stratégie trumpienne pour nuire à la Chine. Celle-ci s'affirme de plus en plus et pousse l'Empire US en déclin dans ses derniers retranchements. Cette violence ouverte contre l'UE que Trump avait déjà humiliée lors des accords commerciaux asymétriques signés par Von Der Leyen est aussi en partie une façon d'évacuer la défaite face à la Chine. Les USA n'acceptent pas leur défaite et s'en prennent en quelque sorte à leurs vassaux. C'est exactement la même chose pour le Japon de l'autre côté de la planète d'ailleurs. Ces derniers sont poussés à la confrontation avec la Chine par Washington. Même si les Japonais semblent un peu mieux résister que les Européens pour l'instant malgré les déclarations malheureuses sur Taïwan. D'ailleurs puisque l'on parle de l'Asie, je vous conseille la dernière émission d'Emmanuel Todd sur Frequence Populaire où il aborde justement la situation en Asie en particulier sur le Japon et la Chine.
L'UE c'est l'affaiblissement collectif
La question qui devrait pourtant faire le tour des plateaux de télévision et des médias c'est de savoir pourquoi l'UE qui est une organisation immense pesant démographiquement bien plus lourd que les USA ou le Japon, n'arrive pas aujourd'hui à faire ce que nos petites nations arrivaient à encore faire toutes seules dans les années 50-60? Pourquoi l'UE n'a-t-elle toujours pas de grands groupes équivalents à Amazon ou à Google mettant les GAFAM US à la porte? Elle le pourrait largement pourtant. Pourquoi un système qui a été vendu comme une machine à dynamisme économique est arrivé à faire du continent européen la zone du monde avec la plus faible croissance depuis plus de 20 ans ? Plutôt que d'attaquer Trump, Poutine, les Chinois, ou d'autres ennemis bien pratiques, pourquoi ne pas se poser enfin la question de l'échec massif de la construction européenne? Car c'est ça en réalité que soulève l'évolution de l'actualité récente. L'UE est impuissante, elle paralyse le continent, le rend incapable de s'adapter au moindre changement géopolitique ou économique.
Et la question ne date pas d'hier, car l'échec de la construction européenne est apparu en réalité très vite après la création de l'euro. En effet comme je l'ai déjà expliqué l'UE et l'euro poussent à la concurrence les nations membres. Loin d'être une machine de coopération, c'est d'abord une machine qui pousse les pays à prospérer aux dépens des autres. La concurrence fiscale violente qui a été produite par la libre circulation des capitaux avait déjà fait d'immense dégât à l'intérieur de l'UE favorisant les paradis fiscaux dont la gauche se plaint régulièrement sans jamais remettre en question l'acte unique européen de Jacques Delors. Mais l'euro va accélérer cette logique en particulier avec l'élargissement de l'UE aux pays de l'Est et par la pratique du dumping salarial allemand. En effet dès la mise en place de l'euro vers 2003-2005 l'Allemagne adopte une stratégie de baisse de la demande intérieure et de baisse des salaires. Entre ça et l'arrivée des pays de l'Est l'industrie Français, Italienne et Espagnole se délocalisent massivement.
Le paradoxe c'est que dans le même temps la France et l'Italie subventionnent les pays vers lesquels leurs industries se délocalisent. Une véritable aberration économique pour ces pays dont il faudra un jour comprendre la genèse. En effet, comment des responsables politiques ont-ils pu à ce point agir contre les intérêts de leurs propres électeurs ? Car les dirigeants français savaient pertinemment ce qui se passait. L'effondrement de la production automobile française est directement imputable à l'euro et aux délocalisations dans les pays de l'Est. Les marges gagnées par les entreprises françaises par ces délocalisations n'ont pas ruisselé dans le pays contrairement aux idées stupides et libérales qui ont sans aucun doute en partie justifié ces politiques idiotes. Au contraire elles ont probablement participé à l'accélération du démantèlement de l'industrie française dont il ne reste plus grand-chose aujourd'hui malheureusement. L'UE nous a enfermés collectivement dans un modèle économique dysfonctionnel basé sur des théories erronées. La recherche de l'inflation la plus faible possible. Les grands équilibres des dépenses publiques, couplées à la mécanique de concurrence interne ont enfermé le continent dans une course au néant, au sous-investissement et à la destruction de sa propre population.
Face à la situation actuelle, l'UE devrait massivement investir, taxer les importations, favoriser l'investissement et le plein emploi. Mais non, elle continue dans ses chimères, parce que ce sont ces chimères qui ont été gravées dans le marbre des traités européens. Comme l'UE n'est pas une nation et qu'il n'y a pas d'État-nation au-dessus de sa bureaucratie. Cette bureaucratie adopte systématiquement les mêmes politiques économiques, car aucune autres ne lui sont accessibles. On voit ici les limites de la bonne gouvernance à l'européenne. Aucune politique économique n'est adaptée éternellement à l'évolution du monde. Ce qui marche dans un certain cadre peut se révéler fatal dans un autre. L'incapacité d'adaptation est bien plus dangereuse que la petitesse dans notre monde. Mieux vaut être petit et adaptatif, qu'être un gros dinosaure incapable de s’adapter aux changements du monde. L'UE est un dinosaure libéral pensé pour le monde des années 70-80. Il est inadapté au monde moderne où l'occident n'est plus le centre scientifique et technologique du monde.
Si l'on devait résumer ce qu'est la construction européenne, ce serait par cette simple formule. « L'UE c'est mal faire à plusieurs, ce que l'on faisait très bien tout seul. ». L'UE qui est un immense système bureaucratique visant à imposer la concurrence libre et non faussée s'est transformée en une machine à paralyser toute initiative collective. Faisant du continent une terre à piller pour le reste de la planète qui ne se gêne pas pour le faire d'ailleurs. La Chine va pouvoir librement saccager les derniers restes d'industrie du continent sans déclencher aucune réaction, car les statuts et principes fondamentaux de la construction européenne sont le laissez-faire libéral et le libre-échange. Ceux qui attendent du protectionnisme européen n'ont simplement pas compris la nature de ce système. Il est possible bien évidemment que les nouveaux perdants acceptent moins volontiers que les Français ou les Italiens la destruction de leur industrie. La Pologne et l'Allemagne réagiront peut-être, mais ce ne sera probablement pas par plus d'Europe ou plus de Commissions européennes. Si une lueur d'espoir peut venir de là, ce sera par la mise à mort de ce grand machin nuisible.
L'UE fabrique son propre déclin
Un commissaire européen en panique face à la comète chinoise. On peut largement critiquer les dirigeants américains pour tout un tas de raison, y compris macro-économiques.Yann (Le Bondosage)
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