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Fabrice Riceputi : Le Pen et la torture. Alger 1957, l’histoire contre l’oubli
En février 2023, une série de podcasts Jean-Marie Le Pen, l’obsession nationale est diffusée sur le site de France Inter. Le producteur Philippe Colin, y affirme, en complément de propos de l’historien Benjamin Stora, que « le soldat Le Pen n’a sans doute pas pratiqué la torture en Algérie ». Fabrice Riceputi, comme d’autres, tombe des nues. Si lors de sa diffusion radio, à l’été 2023, le commentaire a été modifié disant qu’« on ne peut pas prouver que Jean-Marie Le Pen a torturé en Algérie mais c’est une possibilité », sur le fond rien ne change, Le Pen est blanchi. Pourtant lui-même affirmait en novembre 1962 : « Je n’ai rien à cacher. J’ai torturé parce qu’il fallait le faire ».
Fabrice Riceputi, ancien élève de Pierre Vidal-Naquet, co-animateur avec l’historienne Malika Rahal du site 1000autres.org qui documente les cas de violences, tortures et exécutions commises par l’armée française en Algérie, se lance alors dans une opération salutaire : documenter en historien les pratiques du député Jean-Marie Le Pen, engagé volontaire comme lieutenant au 1er Régiment étranger parachutiste en Algérie et qui pris part aux premiers mois de ce que les autorités ont appelé la « bataille d’Alger ».
Fabrice Riceputi reprend alors méthodiquement toutes les pièces du dossier qu’il restitue méticuleusement : les changements de versions de Le Pen au fil des décennies et de son ascension politique ; son séjour comme engagé volontaire durant ses quatre mois en Algérie ; son « parcours sanglant » à Alger et enfin l’entreprise, jusqu’ici relativement payante, de remise en cause de la crédibilité des témoins et victimes algérien·nes.
L’ouvrage de Riceputi illustre à merveille le racisme systémique qui perdure depuis l’époque coloniale. Racisme systémique dont Le Pen a été l’un des plus zélés promoteurs et qui, aujourd’hui encore, salit les victimes et blanchi les bourreaux. Mais désormais, une fois cet ouvrage refermé, on pourra affirmer à la suite de Pierre Vidal-Naquet que « ce serait diffamer Le Pen que de dire qu’il n’a pas torturé ».
David (UCL Savoies)
Fabrice Riceputi, Le Pen et la torture. Alger 1957, l’histoire contre l’oubli, Le Passager Clandestin & Médiapart, 144 pages, 17€