unioncommunistelibertaire.org/…
Bevañ an etrebroadelouriezh, Bretagne internationaliste
Afin de commémorer le combat d’un militant breton s’étant battu pour la révolution au Rojava, une rencontre a eu lieu en février à Rennes. L’occasion de réfléchir et débattre d’une question essentielle pour tous les révolutionnaires, l’internationalisme.
Le 10 février 2024 était organisée une rencontre internationaliste à Rennes : « Bevañ an etrebroadelouriezh » (« vive l’internationalisme » en breton). Cette rencontre est née de la volonté d’organiser un hommage à Kendal-Breizh/Olivier Le Clainche, militant breton indépendantiste et libertaire qui avait rallié la révolution au Rojava (partie Kurde du nord de la Syrie) en 2017.
Il a rejoint les combattantes et combattants des YPG-international, participé à la libération de Raqqa et à l’offensive de Deir ez-Zor contre Daesh, avant de se joindre à la défense d’Afrin alors violemment attaquée par la Turquie d’Erdogan et ses milices djihadistes.
C’est dans cette région, bastion du mouvement révolutionnaire Kurde, qu’il est tombé martyr le 10 février 2018. Afin de rendre hommage à Kendal-Breizh et à ses combats, une journée sur de l’internationalisme a été organisée.
L’initiative a été portée par sa famille, ses ami⋅es et camarades ainsi que par le réseau internationaliste francophone de soutien aux luttes kurdes « Serhildan » et le CDKR (Centre démocratique kurde de Rennes).
Elle a rassemblé plus de 200 personnes d’organisations et de localités différentes. Cette journée a démontré la force que peut avoir la lutte internationaliste et les applications concrètes qu’elle peut prendre, au-delà des grandes théories.
En son cœur : prendre soin de ses morts et connaître leurs histoires, réfléchir à nos stratégies de luttes et produire des critiques collectives. Elle a rendu compte de l’importance de construire l’internationalisme localement et matériellement.
Tisser des solidarités entre les peuples
La journée a débuté par des hommages rendus à Kendal Breizh. Le CDKR a nommé les « liens du sang » unissant Olivier à la « famille » de celles et ceux qui luttent pour la révolution. Les ami·es et camarades ont chanté et lu des poèmes en breton, en kurde, en français. Les camarades du bataillon des YPG-international ont envoyé une vidéo.
Une lettre qu’il avait écrite lui-même au cas où il venait à en mourir a été lue par une amie. Habitude dans la tradition du mouvement de libération kurde, un lieu était prévu pour commémorer les martyrs tombé⋅es dans la défense d’Afrin. Les personnes présentes ont été invité⋅es à ajouter les photos de gens auxquels ils et elles souhaitaient rendre hommage.
Ici, les défuntes et défunts ne s’oublient pas, ils et elles font partie de la trame collective et relient celles et ceux qui luttent. L’après-midi a débuté par la présentation d’un travail historique sur les luttes internationalistes en Bretagne : de l’influences des internationales à la Révolution espagnole, en passant par les liens entre luttes de libération nationale.
Des entretiens de militants et militantes ont illustré ce que peut vouloir dire un engagement internationaliste en Bretagne. La connaissance de cette histoire nous permet de perpétuer cette solidarité entre les peuples, de s’en réclamer et d’opposer ces expériences concrètes au sentiment d’impuissance qui peut nous traverser face à l’ampleur de l’offensive du capital.
Elle nous permet de ne pas oublier nos morts et mortes, d’apprendre de leurs combats et de leurs limites. C’est aussi là le sens d’entretenir la mémoire de celles et ceux qui ont perdu la vie en se battant pour des causes justes.
S’interroger sur les enjeux et les pratiques
Une table ronde a ensuite été l’occasion de faire dialoguer des acteurs et actrices de l’internationalisme d’aujourd’hui. Nous nous sommes interrogé·es sur les enjeux, les pratiques internationalistes et la complémentarité des modes d’actions des organisations invités : l’accent est mis sur la formation aux théories et pratiques des kurdes pour l’Académie de la Modernité Démocratique (association de diffusion du paradigme du mouvement confédéraliste Kurde), la solidarité concrète et politique avec les précurseurs révolutionnaires pour le Secours Rouge International (organisation de soutien politique aux révolutionnaires subissant la répression), une pratique d’échanges sous forme de voyages d’étude de brigades internationalistes, et l’investissement dans les luttes locales des pays visités pour Askapena (organisation internationaliste Basque).
Toutes ont souligné la nécessité d’apprendre des autres luttes pour renforcer les leurs.
Pour clore la journée, artistes du Kurdistan et de Bretagne se sont relayé⋅es sur scène pendant que la salle dansait sur des pas traditionnels, les danseurs et danseuses de fest-noz ne déméritant pas dans leur apprentissage des danses kurdes !
L’internationalisme : un enjeux crucial pour les révolutionnaires
Nous ressortons de ce moment politique avec de la force, des réflexions et l’envie de continuer à avancer sur ce chemin. Les capitalistes et les puissances impérialistes sont extrêmement organisés mondialement. Pour nous défendre et opposer des alternatives émancipatrices, nous devons en faire autant.
L’internationalisme s’est développé au fil du temps dans des structures aux idéologies différentes : le socialisme ou les luttes de libération nationale de gauche. Ils ont permis de mettre en commun des expériences, d’identifier des ennemis communs et de construire des analyses partagées quant à l’émancipation des peuples à une époque donnée.
Nous avons le rôle d’entretenir la mémoire, de transmettre cette riche histoire, de revendiquer cet héritage et tirer les leçons des différentes stratégies qui ont eu cours, pour penser notre pratique actuelle de l’internationalisme.
On peut questionner la période de référence quand on étudie l’Histoire de l’internationalisme : la solidarité entre les peuples a pré-existé à la théorisation du socialisme. De même, les luttes internationales débordent largement le cadre traditionnel, en témoignent les luttes écologistes et féministes construites sur des bases locales solides.
Dans un monde où l’offensive du capital est féroce économiquement et politiquement, les espaces de partage, de célébration et de réflexion tel que l’hommage à Kendal Breizh sont plus que jamais cruciaux et ouvrent des portes aux imaginaires de luttes collectives renouvelées.
UCL Finistère