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Défense des retraites : il est grand temps d’opter pour le communisme et l’autogestion
Encore une défaite de classe. Que faire à présent ? À quels saints se vouer ? Faut-il s’en remettre à la gauche parlementaire ? Faut-il déserter ce monde en perdition ? Faut-il revenir à Lénine ? Faut-il faire exclusivement du syndicalisme ? L’UCL propose un autre positionnement.
Comme après chaque défaite majeure – et l’échec de la lutte contre les 64 ans en est une – le mouvement social va être traversé de questionnements sur la suite à donner à cette vaste lutte. Plusieurs perspectives vont s’offrir à lui.
Les habits neufs du réformisme
La plus populaire sera la perspective de voter pour la gauche aux prochaines élections présidentielle et législatives, en 2027. Car on l’a vu durant la bataille des retraites : dans la Ve République, l’opposition parlementaire est essentiellement décorative. Au Palais-Bourbon, les milliers d’amendements, des coups de gueule, le gadget du « référendum d’initiative partagée », l’ultime cliffhanger du projet de loi LIOT… ont sans surprise été annihilés par les mécanismes constitutionnels prévus pour cela, et en premier lieu l’article 49-3.
Immanquablement il y aura donc, dans le grand public, aspiration à une victoire électorale de la gauche en 2027 – que la Nupes ait explosé ou non d’ici là – pour chasser un macronisme honni et stopper une extrême droite conquérante. À ce propos, dissipons tout malentendu : les révolutionnaires préféreront toujours avoir la gauche réformiste que le RN et Marine Le Pen à l’Élysée. Mais nous savons pertinemment qu’une fois au pouvoir, et passées quelques mesures emblématiques – un retour à la retraite à 60 ans (?) –, un gouvernement de gauche ne fera pas davantage qu’un accompagnement social du capitalisme. Le programme néoréformiste de la France insoumise, par exemple, ne remet en cause ni la propriété privée capitaliste ni la loi du marché – ce qui vide de substance sa prétention à initier une planification écologique pourtant vitale.
L’aiguillon de gauche du néoréformisme
Le rôle des révolutionnaires sera de dire la vérité à ce sujet, et de ne pas désarmer les travailleuses et les travailleurs en leur vendant du rêve sur « l’espoir » que constituerait un gouvernement de gauche, en espérant ensuite soit le « déborder » (logique du « front unique » des années 1930) soit en être l’« aiguillon de gauche ». Ce fut la politique de la LCR en 1996-1997 en soutenant la victoire de la Gauche plurielle (PS-PCF-PRG-Verts) ; ce fut celle des courants anticapitalistes qui, sous le nom d’Ensemble, se sont alliés à la gauche réformiste en 2013 (et s’y sont autoliquidés). Avec dix ans de décalage, le NPA « B » de Besancenot, Poutou et Poupin (qui va prochainement changer de nom) emprunte aujourd’hui le même chemin en cherchant à s’allier avec la France insoumise. L’UCL partage, avec ce courant marxiste, plusieurs préoccupations : l’anticapitalisme, l’auto-organisation des luttes, le refus de la démagogie, la dénonciation de l’anti-impérialisme sélectif (le « campisme »). En revanche, nous rejetons sa tendance à se positionner comme un « aiguillon de gauche » du néoréformisme, facilitée par le flou entretenu autour de son projet de société.
La tentation de l’avant-gardisme léniniste
La solution léniniste continue certes d’avoir ses adeptes. Il y avait l’invariante Lutte ouvrière. Depuis la crise finale du NPA, en 2022, deux organisations supplémentaires postulent au rôle du parti d’avant-garde : le CCR-Révolution permanente et le NPA « C » liée à Gaël Quirante et à la fraction Étincelle. Nous ne contestons pas la sincérité ni l’implication de ces militantes et militants dans le mouvement social. Mais le léninisme ne peut constituer une alternative politique. D’une part, parce que l’étatisation de l’économie, partout où elle a été appliquée, n’a nullement aboli l’exploitation ni de l’humanité ni de la nature : elle a signifié le passage d’un capitalisme de concurrence à un capitalisme d’État, avec à sa tête une nouvelle classe dirigeante privilégiée. D’autre part, parce que l’objectif de prise du pouvoir par le parti d’avant-garde conduit trop souvent, dans le mouvement social, à des pratiques proclamatoires, dirigistes, voire d’instrumentalisation, dont le but est moins de faire avancer la lutte que d’y affirmer le leadership du parti. Ce n’est résolument pas la voie choisie par l’UCL, qui cherche à faire de l’autogestion des luttes la préfiguration de l’autogestion de demain. D’où son insistance sur la nécessité de réunir des AG locales ancrées dans les entreprises et représentatives des salarié·es en lutte, sans lesquelles les AG « interpro » peuvent être hors sol, voire fictives.
Le repli dans les « interstices »
C’est un phénomène cyclique : dans le sillage d’un mouvement social – qu’il soit victorieux ou non –, des groupes militants vont chercher à faire défection de ce monde en perdition, à s’y soustraire pour vivre « en dehors », dans des communautés se voulant autonomes, en expérimentant des « alternatives en acte » dans les « interstices » du système. Il n’est pas question de moquer cette aspiration, au motif qu’elle tourne le dos à l’affrontement direct dans l’entreprise. Les espaces alternatifs, lieux de vie ou de travail autogérés, ne vivent certes pas en dehors de la production capitaliste – qui les ravitaille en carburant, outillage, informatique, textile… – mais ils peuvent constituer d’utiles contre-exemples démontrant qu’une autre sociabilité, une autre économie du vivant est possible. Ils peuvent même être des bases utiles aux luttes générales à condition de ne pas s’isoler, et de rester liés aux contre-pouvoirs organisés au sein du système : syndicats de lutte, groupements écologistes, féministes, antiracistes, antifascistes.
Cette contestation multiforme partage, de plus en plus souvent, un anticapitalisme rendu évident par la crise climatique. Mais cette définition négative (« anti ») est absurde si elle n’embrasse pas un projet positif. Il nous semble qu’un communisme fondé sur l’autogestion est la réponse la plus cohérente.
Faute de mieux, le syndicalisme pur
Consolider le syndicalisme de lutte, implanter des sections, développer l’organisation des travailleuses et des travailleurs, donc leur capacité à l’autodéfense face au patronat : c’est un axe stratégique que nous faisons nôtre. Mais à condition de ne pas commettre une erreur courante dans les milieux libertaires : celle de cantonner son action au « syndicalisme pur ». Être une ou un artisan dévoué, persévérant, reconnu, de l’auto-organisation des salarié·es, et penser qu’une pratique exemplaire va, à elle seule, engendrer « naturellement » une alternative anticapitaliste et autogestionnaire… C’est une illusion qui revient, dans les faits, à déléguer aux courants néoréformistes ou léninistes le soin de proposer leurs propres solutions politiques.
Politiser la voie extra-institutionnelle
Une stratégie révolutionnaire libertaire qui marche sur ses deux jambes combine deux niveaux d’intervention : d’une part l’activité dans les mouvements sociaux, pour y jouer un rôle moteur, avec une pratique autogestionnaire ; d’autre part la construction d’un courant communiste libertaire lisible et audible face aux autres courants politiques. C’est la stratégie que l’Union communiste libertaire suit depuis sa fondation en 2019. Avec son lot de frustrations et de déconvenues, il faut le dire, mais aussi de leçons à en tirer pour consolider un courant qui s’efforce d’apporter des réponses révolutionnaires et libertaires aux crises sociales et politiques qui vont aller crescendo. Le IIe congrès fédéral de l’UCL, en novembre 2023, sera un moment déterminant pour mettre l’organisation au niveau de ces enjeux.
Guillaume Davranche (UCL Montreuil)
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