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Violences intracommunautaires : Lallab, fortes et fières
Entre le marteau de l’État raciste et l’enclume de communautés religieuses ou militantes où la parole est bridée, les femmes musulmanes de l’association Lallab lancent une campagne sur les violences intracommunautaires. Contre le silence et les accusations de trahison, elles alertent aussi sur les conséquences de l’islamophobie.
Le 15 octobre 2022, se tenait une marche féministe antiraciste à Saint-Denis pour commémorer le féminicide de Souhane Benziane, brûlée vive par son compagnon à dix-sept ans. C’était l’occasion de mettre en avant les combats féministes menés dans les quartiers populaires, à l’heure d’une libération de la parole sans précédent. Les militantes de l’association de défense des femmes musulmanes Lallab – qui avaient participé à l’organisation de la marche – ont lancé en mars 2023 une campagne visant à mettre en lumière les violences sexistes, de classe et racistes « intracommunautaires » [1].
Leur objectif est de lutter contre les injonctions au silence qui émanent des hommes, des familles, des communautés religieuses ou militantes d’une part, de l’État et ses institutions bourgeoises et racistes d’autre part, parfois intériorisées depuis l’enfance. Il s’agit aussi de permettre à un maximum de femmes et de personnes LBGTQI+ de dépasser les conflits de loyauté ressentis envers ces communautés, quand on craint de participer à véhiculer une image négative de celles-ci.
Dépasser les conflits de loyauté
Comment dénoncer son agresseur quand il est un imam respecté ? à qui parler quand le cercle social proche risque d’être déstabilisé ? Comment affronter les arguments qui relèguent la lutte féministe derrière la lutte de classe ou antiraciste ? Les mêmes questions se posent dans la communauté juive française, qui a récemment vu sa plus haute institution, le Consistoire, être accusée d’avoir couvert les agressions sexuelles d’un rabbin. Le podcast « Tu ne te tairas point » des journalistes Salomé Parent-Rachdi et Lila Berdugo met ainsi en lumière les mécanismes patriarcaux qui permettent l’impunité, dans les familles, les communautés religieuses et les institutions.
Lallab dérange les forces réactionnaires
Face à ces voix qui dérangent l’ordre traditionnel, les réactions sont vives. D’un côté, celles qui se placent à gauche comme Houria Bouteldja, qui dans son dernier livre écrivait à propos des « homosexuels indigènes » que « s’ils font le choix de se rendre visibles », il faudra « qu’ils assument » que c’est « un terrain miné et corrupteur d’où ils ne sortiront pas indemnes. » De l’autre côté de l’échiquier politique, l’influenceur Bassem Braïki, connu pour son antisémitisme, sa rromophobie et surtout sa négrophobie, accumule les centaines de milliers de suiveurs sur les réseaux sociaux. Son thème de prédilection : la haine, et même l’appel à l’extermination, des femmes d’origine maghrébine qui ne sont pas en couple avec des hommes de la même origine.
La campagne de Lallab appuie là où ça leur fait mal. Face aux instrumentalisations de l’extrême droite et de l’état mais aussi face aux discours qui relèguent les luttes antipatriarcales à plus tard, tenir cette double ligne est essentiel.
Manu (UCL Paris Nord-Est)