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Une loi immigration aux relents moisis (encore)
En automne, le projet de loi Darmanin fait son retour après plusieurs reports, il sera enfin « débattu » à l’Assemblée nationale malgré la procédure accélérée − qui n’autorise qu’une seule lecture par chambre du parlement. Emmanuel Macron confiait il y a peu au Figaro qu’il envisage le recours au 49.3 pour ne pas s’encombrer des « majorités de fortune ou des blocages ». Le groupe LR veut de son côté durcir le texte, il a par ailleurs d’ores et déjà déposé deux propositions de loi, l’une tenant notamment à changer la constitution... tout est bon pour une fuite en avant vers le fascisme dans l’espoir d’attirer les électeurs du RN.
Il s’agira, si le projet de loi est adopté, de la vingt-et-unième (21e !) loi sur l’immigration depuis 1986. S’inscrivant dans une longue lignée de destruction du droit international d’asile, du droit du travail, des droits de l’accès à la santé, au regroupement familial, etc. Mais aussi le projet de loi, s’inscrivant dans le virage vers une régularisation exclusivement liée au travail et donc d’une immigration utile et docile − que l’on peut renvoyer et déplacer au gré des besoins du marché du travail −, ouvre la voix à des retraits, des non-renouvellements de titres de séjours − peu importe leur durée (1 an, 10 ans..) − sur des motifs politiques pour « non respect des principes de la République ». Mais que contient donc le projet de loi Darmanin ?
Une régularisation par le travail salarié
Le projet de loi présente sa grande nouveauté d’une carte de « Métiers en tensions » qui cherche à faire correspondre des métiers cherchant à recruter dans certains départements avec une main-d’œuvre étrangère qui se trouve déjà en grande situation d’exploitation et de vulnérabilité face au patronat et qui se verra avec cela cantonnée à certains emplois renforçant les stéréotypes racistes qui leur sont accolés.
Les JO 2024 seront par exemple l’occasion d’un grand recrutement de vigiles et d’agents de sécurité.
Les livreurs à vélos sont quant à eux ciblés dans le projet de loi, avec l’interdiction de s’immatriculer auto-entrepreneurs sans titre de séjour. Dans le plus grand des calmes la France continue − pour pallier à nos déserts médicaux notamment − de piller la main-d’œuvre qualifiée d’autres pays ayant des salaires moyens moins élevés.
Sur le regroupement familial
Le regroupement familial se verra lui aussi attaqué, grignoté petit à petit par des conditions de plus en plus strictes. Il est question ici d’augmenter le revenu minimum requis pour la demandeuse ou le demandeur : jusqu’à présent il fallait justifier d’un SMIC, ce sera désormais un SMIC + 20 %, idem pour la surface d’habitation, le nombre de mètres carrés requis pour faire venir sa famille est lui aussi revu à la hausse. Un grand nombre de personnes se verront exclues de fait.
L’extension de la double peine
On entend par « double peine » l’addition, pour les étrangers, d’une mesure d’éloignement en plus d’une condamnation pénale, rompant avec le droit à la réinsertion dès lorsque l’on a purgé sa peine. Jusqu’ici cette mesure s’ajoutait lors d’un parcours pénal, mais désormais cela s’étend à toutes les personnes passibles d’une condamnation à une peine de prison de 5 ans (soit la majorité des infractions). Les procédures d’éloignement, OQTF (obligation de quitter le territoire français) ou ITF (interdiction du territoire français) verront, elles, leurs délais de contestation raccourcis.
Une Justice au rabais
La justice, elle, continue d’être démantelée avec l’entrave au droit à l’aide juridictionnelle, la fin de la collégialité − on passe de trois juges à un seul pour décider de la vie d’une personne −, la banalisation de la visio-audience parfois dans des salles attenantes aux CRA, loin des tribunaux. Les avocat·es nous expliquent qu’ils et elles doivent faire le choix entre être présent·es aux côtés de leur client·e,ou être aux côtés du juge pour le convaincre au mieux. Pour information, et selon la Cimade, 42 % des décisions ont été prises par un juge unique en 2022, du fait de l’abus des procédures accélérées par les préfets, dont 27 % sans audience.
Cette attaque au droit d’asile est dénoncée également dans les milieux militants LGBTI, au vu de la montée de la transphobie et plus largement de la LGBTIphobie d’État dans de nombreux pays comme les États-Unis ou la Russie, forçant l’exil d’un nombre croissant de personnes. On voit la création d’un lien entre les revendications pour les droits des personnes LGBTI, notamment trans, et les droits des personnes étrangères à l’image du mot d’ordre de l’Existransinter 2023 contre le projet de loi Darmanin.
Une dérive autoritaire et raciste grave
L’article 13 du projet de loi permettra tout simplement de récupérer les empreintes digitales par la force en cas d’arrestation par la police. Jusqu’à présent, cela représentait un délit et pouvait se régler au tribunal, désormais par un simple appel au procureur la police aura l’autorisation d’être violente pour parvenir à ses fins.
La volonté du projet de loi d’augmenter et faciliter les expulsions dans une logique de réduction et de choix de l’immigration sur fond de racisme et de paniques morales conduit à des mesures racistes et autoritaires avec des concepts flous qui risquent de mener à des interprétations très dangereuses selon les contextes politiques et médiatiques.
Désormais, l’obtention du titre séjour sera conditionnée par le respect aux principes de la République et ses symboles (l’hymne national, les devises, la laïcité, le drapeau tricolore, certains symboles..) et peut être retiré ou non-renouvelé en cas de non-respect de ces derniers, soit une banalisation de l’expulsion hors-norme de l’Imam Iquioussen. Dans un contexte de très forte islamophobie jusqu’au plus haut sommet de l’État il est à redouter de voir ce qui sera considéré demain comme un non-respect des principes de la République : est-ce que refuser de se faire examiner par un médecin homme en tant que femme musulmane qui porte le foulard sera susceptible d’être signalé ?
Est-ce que ça n’ouvre pas la voie, déjà bien empruntée, de dénonciation et de signalement envers des individu·es que l’on perçoit comme dangereux, radicalisé·es ? Suite aux attentats de Charlie Hebdo, de nombreux enfants avaient fait l’objet de signalement par du personnel du corps enseignant et s’étaient retrouvés au poste, en garde-à-vue 1.
On voit à l’œuvre un véritable « Laboratoire du pire », de ce que l’on réserve aux étrangers et étrangères au vu des situations dans lesquelles se retrouvent les personnes dont la vie est rythmée par le bon vouloir de la préfecture, un avant-goût de ce que nous réserve ce gouvernement raciste et fascisant qui détruit le droit des étrangères et étrangers, le droit d’asile puis les minimas sociaux, l’accès à une justice équitable, à la santé...
C’est ce que l’on voit avec la remise en question de l’accès à l’aide juridictionnelle, à l’Aide Médicale d’État, avec les procès bâclés, avec la légalisation de la détention de « mineurs de moins de 16 ans »... la liste est longue. La campagne nationale Uni·es Contre l’Immigration Jetable et pour une politique migratoire d’accueil (UCIJ) principalement animée par Solidaires organise et donne des grandes dates de mobilisation qu’il nous appartient de reprendre et de faire exister au niveau local.
Quelques dates ont été difficilement réappropriées hors de l’île de France début 2023 même si nous avons vu l’apparition d’inter-orgas locales dans quelques villes, nous avons désormais un enjeu de taille au vu de l’arrivée imminente du projet de loi de nous organiser, de faire entendre un autre son de cloche et de faire valoir d’autres valeurs dans ce climat de racisme et de suprématisme blanc qui gagne notre pays, gavé aux théories de « grand remplacement » du discours politico-médiatique.
Ram (UCL Lyon) de la Commission Antiracisme
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