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Antivalidisme : ESAT, faux-semblants et véritable exploitation
Après le numéro d’AL de décembre qui mettait au centre les luttes antivalidistes, nous continuons de nous pencher sur les oppressions subies par les personnes handicapées. Au cœur du sujet ce mois ci, l’exploitation des travailleurs·ses des « Établissement et service d’aide par le travail » (ESAT).
Un récent décret ouvre enfin aux travailleurs et travailleuses handicapé·es des ESAT le droit à la syndicalisation et à la représentation collective. Cette avancée permet à la France de donner des gages à l’ONU qui l’a condamnée plusieurs fois aux vues des violations flagrantes du respect des personnes que produit cette institution.
Si cette loi apporte quelques avancées (nouveaux droits du travail), il en faudra bien plus pour modifier les rapports sociaux existants au sein des ESAT. En effet, l’ESAT est une institution à la fois prise dans les rapports du monde médico-social et ceux du monde du travail. Cela se traduit par des travailleurs·ses handicapé·es qui ont accès sur leur site de travail à certains services (par exemple, de la formation sur des taches administratives).
Cependant, la partie « travail » est presque totalement occultée par l’institution. Le symptôme le plus visible est que les travailleurs·ses y sont considéré·es comme de simples usagers.
Difficile de décrire à quel point ce simple mot est une source d’aliénation et de frustration pour de nombreux travailleurs·ses car il façonne leur rapport au travail et implique qu’ils et elles reçoivent un service.
Imaginez-vous accomplir un travail et voir celui-ci nié par l’institution qui vous demande de l’accomplir ?
Il est beaucoup question de la souffrance au sein des bullshit jobs : comment qualifier alors un travail nécessaire, que l’on fait passer pour un simple passe-temps qui vous est octroyé ?
Des travailleurs·ses m’ont raconté avoir déjà demandé une augmentation de salaire. Rappelons que leur salaire est largement inférieur au SMIC et ne peut le dépasser ! La direction leur a refusé cette augmentation au motif que cela entraînerait une baisse de leur Allocation Adulte Handicapé qui complète leur revenu.
L’excuse est vraie mais révélatrice du paternalisme de l’institution, vous expliquant gentiment que votre travail n’a pas de valeur.
Usagers et usagères sans salaire
Pourtant, il dégage bien une valeur ajoutée non négligeable. Une partie importante des ESAT sont spécialisés dans la sous-traitance industrielle pour tâches jugées trop répétitives ou pénibles, que les entreprises du coin préfèrent refiler aux personnes handicapés. Cette sous-traitance leur permet même de passer la barre des 5 % d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OTEH) en entreprise. Pourquoi alors les entreprises feraient-elles un effort pour employer des personnes handicapées si elles peuvent bénéficier de leur travail pour même pas un demi-salaire dans des structures subventionnées par l’ARS ?
Pour conclure, rappelons que pour beaucoup de travailleurs·ses en ESAT, le travail en milieu ordinaire constitue le Graal. L’éthique du travail de notre société leur fait comprendre que ce serait la seule façon de prouver leur complète valeur en tant qu’individu. Mais « l’ascenseur social » est saboté au départ car aucune entreprise n’a intérêt à ces embauches. Leur statut, leur salaire et la reconnaissance de la société devront s’acquérir par la lutte. La stratégie de l’État et du Capital est précisément de maintenir ces personnes isolées, il est donc important que syndicats et associations anti-validistes aient le regard tourné vers les travailleur·euses et leurs aspirations car, comme partout, la solidarité est notre arme.
Corentin (UCL Kreiz-Brezh)
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