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Mayotte : feu au colonialisme français 13/11
Nouvelle étape dans la convergence Macronie-RN : pour « lutter contre l’immigration », le gouvernement veut réviser la Constitution pour supprimer le droit du sol à Mayotte. C’est une brèche évidente pour casser ce droit sur l’ensemble du territoire français. C’est aussi un énième rappel de la zone non-droits que représente Mayotte pour l’Etat français, après l’opération Wuambushu d’avril 2023 qui prévoyait 24 000 expulsions sur deux mois, dans un climat de fureur xénophobe et de violences policières.
La situation à Mayotte est dramatique, 77% des habitant.es vivent sous le seuil de pauvreté et le taux de chômage atteint les 30 %. L’archipel connaît depuis plusieurs mois une crise de l’eau sans précédent [1]. La situation de l’éducation [2] et du système de santé [3] est critique. Mais gestion coloniale oblige : le problème, ce sera l’immigration.
Mayotte française, l’histoire d’une magouille coloniale
Les sans-papiers et « l’immigration massive » dont parle Darmanin proviennent quasi exclusivement des autres îles de l’archipel des Comores, avec lequel Mayotte forme un même ensemble géographique, historique et culturel. Mayotte n’a été séparé que très récemment dans son histoire des autres îles comoriennes, passées sous protectorat français en 1886. Lors du réferendum d’autodétermination, en 1974, l’archipel a voté massivement pour l’indépendance. Au mépris du droit international, l’Etat français a alors choisi de prendre en compte le résultat île par île, et non le résultat global puis de réorganiser un référendum illégal à Mayotte étant donné que l’île avait voté contre l’indépendance à 63,22 % lors du premier. Le drapeau tricolore y a été maintenu, en dépit de l’accession à l’indépendance du reste des Comores et des protestations de l’ONU, qui reconnait dans 20 résolutions depuis 1975 la souveraineté des Comores sur l’île de Mayotte.
Cela ne va pas sans drames. La circulation entre les îles de l’archipel a toujours existé, même pour des questions familiales, mais la création d’une frontière artificielle par l’Etat français en a fait une pratique illégale. Depuis 1995 et l’instauration du « visa Balladur » restreignant la liberté de circulation, on parle d’entre 7 000 et 20 000 de morts en mer [4] sur des kwassas, bâteaux de pêche traditionnels.
Un département français d’exception
Depuis 2011, Mayotte est reconnu 101e département français, mais sans égalité des droits [5]Le monde, 27 avril 2023. Le droit du sol à Mayotte y est déjà restreint : titres de séjour spécifiques à l’île, pas d’allocation pour les demandeurs d’asile, pas de suspension de l’expulsion en cas de contestation d’Obligation de quitter le territoire français (OQTF), délai plus court pour déposer une demande d’asile, pas d’Aide médicale d’Etat, un délai de saisine du juge en centre de rétention plus de deux fois plus long qu’en métropole et enfin un harcèlement policier permis par des contrôles d’identités quasi systématiques sur toute l’île. Mais c’est également le cas dans d’autres domaines, comme le droit du travail : le temps de travail légal était fixé à 39 heures/semaine jusqu’à la grève générale de 2016, un smic inférieur au smic métropolitain, un RSA au rabais. Le droit du travail n’est appliqué que depuis 2018 mais les conventions collectives sont encore très rares. La rentrée forcée de cette île dans le système capitaliste calqué sur le modèle français sont responsables de la misère sociale qui y règne.
Les citoyen·nes mahorais·es sont considéré·es, dans le droit et dans les faits, comme des citoyen·nes de seconde zone. C’est cette législation coloniale qui a permis l’opération Wuambushu : la destruction arbitraire de « logements informels », et donc la mise à la rue de centaines de personnes.
Le symptome d’un impérialisme français à l’agonie
La puissance de l’Etat français tient par son impérialisme, celui se bat pour ne pas se voir déclasser. Chassé du Sahel notamment par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, qui annoncent vouloir sortir du franc CFA et de la mainmise française, l’Etat français colonial cherche à conserver sa présence stratégique dans l’océan Indien. La période de décolonisation ayant fait disparaître officiellement les catégories de sous-citoyen·nes ou sous-Français·es il redouble d’efforts pour contrôler les peuples colonisés sur son sol, et utilise le droit sur l’immigration et l’accès à la nationalité pour créer et maintenir une population stigmatisée et exploitée.
Faire front contre le colonialisme
Cette politique de répression et d’exception juridique appliquée à un département français ouvre une brèche pour les 100 autres. Aujourd’hui, le projet de réviser la Constitution pour supprimer le droit du sol à Mayotte représente un danger énorme. Déjà l’extrême droite surenchérit et demande la suppression du droit du sol sur l’ensemble du territoire français. Après la loi Darmanin-Le Pen sur l’immigration, la converence de la Macronie et du RN s’accélère.
En raison du préjudice historique subi par les quatre îles des Comores, puis des multiples coups d’État orchestrés par l’Etat français depuis l’indépendance du pays, qui ont contribué à son instabilité politique et économique, il n’y a pas de solution « française » à la crise à Mayotte. La liberté de circulation doit reprendre ses droits. L’archipel des Comores devrait retrouver son équilibre géographique et économique en réintégrant Mayotte. L’Etat français devrait accompagner cette rétrocession d’une aide économique de rééquilibrage, au titre des réparations. C’est en effet l’Etat français qui, par sa politique inique, a séparé les populations, puis creusé entre elles un fossé qu’il s’agit aujourd’hui de combler.
[1] Nathalie Guibert et Jérôme Talpin lemonde.fr/politique/article/2… Le monde, 20 octobre 2023
[2] unioncommunistelibertaire.org/… Alternative Libertaire, 4 janvier 2011
[3] unioncommunistelibertaire.org/… Alternative Libertaire, 11 septembre 2023
[4] lacimade.org/quelques-elements… La cimade, 17 octobre 2017
[5] Romain Geoffroy, Pierre Breteau et Manon Romain lemonde.fr/les-decodeurs/artic…
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