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Unification syndicale : Les fondations de la maison commune
Le terme « maison commune » a émergé ces derniers mois à l’occasion du processus de rapprochement entre la CGT et la FSU. Il peut être compris comme une étape vers une unité renforcée du syndicalisme de lutte. Mais comment la traduire concrètement dans le militantisme syndical de terrain, loin des tractations entre responsables syndicaux ?
Les syndicalistes révolutionnaires de l’UCL se sont dotés lors du congrès d’Angers d’une orientation « pour une unification du syndicalisme de lutte » [1]. À ce titre, nous saluons l’écho trouvé récemment par l’idée de « maison commune » entre la CGT et la FSU. Nous souhaitons qu’à terme elle puisse accueillir les syndicalistes de lutte quelle que soit leur étiquette syndicale et qu’elle puisse préfigurer ainsi d’une recomposition plus profonde. Le mandat fédéral de la FSU de travaux à trois avec Solidaires et sans exclusive est un signal positif. Mais pour l’heure les mandats de congrès de la CGT comme de Solidaires sont de tenir Solidaires à l’écart.
Cette maison commune ne pourra pas être construite par en haut. Loin des décisions de congrès, ce sont les équipes syndicales de terrain qui doivent donner corps à cette orientation unitaire et de classe. Voici trois ingrédients qui nous semblent incontournables.
Prendre l’habitude de militer ensemble
Auprès des collègues, sur le lieu de travail, le syndicalisme de lutte est plus fort, plus crédible, plus lisible, quand il est uni. Chaque action syndicale, de l’accueil des salarié·es en détresse individuelle à l’appel à la grève en passant par la syndicalisation et la représentation des personnels, doit être l’occasion de poser la question de la collaboration entre organisations syndicales, de leur complémentarité, et d’ouvrir les initiatives aux autres partenaires syndicaux. L’arc intersyndical possible dépendra toujours plus des réalités de terrain que de grandes déclarations sur le trio CGT-Solidaires-FSU (dans le privé la FSU n’existe pas ; dans bien des secteurs, FO, la CFDT ou l’Unsa peuvent être des interlocuteurs corrects, voire même avec des pratiques de lutte ; attirer une CFDT hésitante dans une initiative peut permettre de réunir ensuite un arc intersyndical au grand complet, plus crédible auprès des salarié·es, etc.). Sans tomber pour autant dans la compromission, il s’agit de laisser chaque organisation prendre ses responsabilités face à des mots d’ordre de lutte, revendicatifs, crédibles, à l’écoute des travailleurs et des travailleuses.
Au-delà du syndicalisme sur son lieu de travail, l’intersyndicale doit être une préoccupation permanente à tous les échelons professionnels et interprofessionnels, locaux, départementaux, nationaux. L’idée reste la même : laissons les autres organisations se positionner elles-mêmes sur un axe « lutte de classe versus collaboration de classe », ne décidons pas à leur place, et gagnons nos luttes ensemble au lieu de les perdre seul·es.
Le pire ennemi du travail intersyndical généralisé, et par suite de la maison commune, c’est le sectarisme de chapelle syndicale. Celui-ci peut être motivé de différentes manières mais résulte souvent d’un historique conflictuel : mésentente entre responsables syndicaux, scissions, exclusions, construction « contre » le syndicat voisin, dénonciation de la mainmise d’un parti politique, etc.
Le rejet du sectarisme syndical
Ces divisions peuvent avoir été légitimes, et l’être encore, mais elles ne peuvent en aucun cas justifier un affaiblissement du syndicalisme de lutte au détriment des travailleurs et des travailleuses. Quand les conditions sont réunies pour que ces conflits soient dépassés, ils doivent l’être, au nom de l’intérêt supérieur de l’unité de classe. Il est donc de la responsabilité des militant·es révolutionnaires de se comporter de manière à reconstruire des ponts, et pas au contraire de brûler les ponts subsistants. Reconstruire entre organisations de lutte d’abord, et entre toutes les organisations syndicales ensuite, sans exclusive, pour que le pôle de lutte puisse reprendre du terrain sur le pôle cogestionnaire. Reprendre du terrain en convainquant les collègues perplexes devant la division syndicale en même temps que les équipes syndicales « d’en face ».
Ainsi il faut s’interdire les blagues entendues sur telle confédération qui serait experte en trahison ou telle autre confédération qui serait perméable à l’extrême droite, et ne pas alimenter de manière superflue la concurrence identitaire entre Solidaires et la CGT. Il faut encourager ses camarades syndicalistes à comprendre que chaque organisation a ses intérêts à défendre, ses stratégies, ses contradictions et tensions internes aussi, et que les jugements à l’emporte-pièce ne rendent pas compte fidèlement de ces réalités complexes et contrastées.
Une réflexion de fond sur nos outils syndicaux
Une bonne « praxis » syndicale quotidienne, articulée autour des deux ingrédients précédents, est indispensable mais insuffisante. En effet le syndicalisme nous met le nez dans le guidon des défenses individuelles, des élections professionnelles, de la logistique de manifestation, des réunions d’instance, etc. Dans ces conditions, difficile de poser les débats de fond. Or la fondation d’une maison commune est précisément un débat de fond.
Les moments de respiration dans ce syndicalisme du quotidien, que sont les congrès syndicaux, les assemblées générales de sections, les congrès confédéraux ou de l’union, doivent être exploités pour poser ces enjeux sur la table, dans le respect de la démocratie interne et sans développer de positions théoriques ou absolutistes hors sol. Ces moments doivent être l’occasion de rappeler les fondamentaux du syndicalisme révolutionnaire, la double besogne, la distinction cruciale entre indépendance syndicale et neutralité politique, la légitimité du syndicalisme à proposer un projet de société et à s’exprimer sur tous les sujets qui concernent les classes laborieuses, et ainsi de suite. Interroger l’outil syndical, tirer des bilans et des perspectives, dans un contexte de renforcement des crises du capitalisme, de montée en puissance de l’extrême droite et d’affaissement du syndicalisme de lutte, doit nous permettre de désacraliser les formes syndicales que nous connaissons aujourd’hui et de nous demander : « que ferions-nous si nous repartions aujourd’hui d’une table rase ? ». Il y a fort à parier que si nous repartions d’une table rase, on bâtirait dessus une maison commune.
Auguste (UCL Lyon)
[1] « Réflexion syndicaliste révolutionnaire », IIe congrès de l’UCL (Angers, 3-5 novembre 2023).
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Réflexion syndicaliste révolutionnaire
Le Manifeste de l’UCL a défini la pratique syndicaliste révolutionnaire de notre courant politique. Mais reste une question importante : dans quelles organisations l’inscrire ? Quelle logique d'intervention libertaire développer ? Une analyse du pays…www.unioncommunistelibertaire.org