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Mobilisations agricoles en Allemagne : La graine de l’austérité fait pousser un champ de contestation
Nous traduisons ici un texte publié par l’organisation anarchiste allemande Die Plattform. Elle y dénonce l’austérité menée par le gouvernement, austérité qui touche en ce moment la paysannerie allemande chez qui la colère gronde.
Économiser, économiser, économiser : cet agenda du gouvernement Ampel [1] ne date pas seulement de la fin de l’année dernière. Avec la décision budgétaire de la Cour constitutionnelle fédérale en novembre dernier, la rigueur avec laquelle ce projet est poursuivi s’est accrue de manière drastique. Le chauffage des logements coûtera plus cher et le régime de sanctions, qui harcèle déjà chaque mois les bénéficiaires du Bürgergeld [2], sera encore durci. Il était également évident que le salaire minimum ne serait augmenté que de quelques centimes. Parallèlement, les dépenses pour l’armée allemande ne sont pas touchées. Des milliards continuent donc d’être investis dans le réarmement de l’impérialisme qui veut s’affirmer à une époque où les contradictions entre les blocs impérialistes s’intensifient.
Les victimes de cet agenda d’austérité sont avant tout nous, les salarié·es. Nous devons accepter de plus en plus de détériorations de notre niveau de vie et être poussé·es à accepter des emplois misérables. Pour nous faire avaler cela, le gouvernement a déclaré pendant des semaines qu’il ne voulait pas toucher aux dépenses sociales. Soyons réalistes : ce n’est qu’une question de temps avant que d’autres pans de l’État social ne soient démantelés pour nous rendre plus compétitifs sur le plan international en tant que classe, et donc pour le capital allemand qui exploite notre travail.
L’austérité jusque dans les champs
Mais l’agenda d’austérité du gouvernement n’est pas seulement dirigé contre les salariés. La suppression de deux subventions dans l’agriculture – le remboursement du diesel agricole et l’exonération de la taxe sur les véhicules – touche durement les agricultrices et agriculteurs. Alors que les grandes exploitations peuvent encore faire face à quelques milliers d’euros manquants, les petites fermes sont parfois gravement menacées. Pourtant, le quotidien des petits exploitants agricoles et de leurs salarié·es est déjà marqué depuis des décennies par le surmenage et des conditions de vie et de travail précaires.
Récupération de la droite et de l’extrême droite
Contrairement à ce que prétend le gouvernement, la suppression des subventions ne contribue en rien à la protection du climat. Elle masque le véritable motif de l’agenda d’austérité, creuse le fossé entre les activistes de l’environnement, les petites exploitations et les salarié·es de l’agriculture et fait ainsi le jeu du gouvernement. La suppression des subventions ne réduit donc pas les émissions, mais augmente la charge économique des paysannes et paysans les plus précaires. En résulte une précarisation accrue pouvant aller jusqu’à la possibilité de grandes vagues de licenciements.
Une transformation écologique de l’économie est nécessaire de toute urgence. Mais elle ne sera vraiment possible que dans une société qui oriente la production et la distribution en fonction des besoins et de la compatibilité écologique plutôt que de la maximisation des profits. La transformation écologique doit être réalisée par le bas ; de manière démocratique, à la base, par les exploitantes et exploitants modestes qui collectivisent les exploitations et se fédèrent au niveau régional avec d’autres exploitations, branches et communes.
Nous ne nous faisons pas d’illusions. Cette perspective n’est pas partagée par la plupart des personnes concernées. Elles se mobilisent actuellement au niveau local, régional et national pour défendre leurs intérêts économiques directs, contre la suppression des subventions. Comme ces mesures sont dirigées contre toutes les agricultrices et agriculteurs, les mobilisations englobent aussi bien les propriétaires de petites que de grandes exploitations.
Parallèlement, des forces non-paysannes se solidarisent avec les protestations. Outre les secteurs bourgeois de droite, de la CDU [3] aux Freie Wähler [4], ce sont des forces politiques ouvertement réactionnaires, de l’AfD [5] aux forces néonazies, qui passent à l’offensive afin d’exploiter la colère des agricultrices et agriculteurs contre le gouvernement Ampel pour leur propre profit politique. Et dans une partie de la paysannerie, ils peuvent s’appuyer sur les attitudes réactionnaires existantes.
Il est particulièrement perfide de la part des forces d’extrême droite d’établir un lien superficiel entre les revendications économiques et la haine des personnes migrantes, qui représentent elles-mêmes une part considérable de la main-d’œuvre de l’industrie agricole. Si les mouvements réactionnaires parviennent à se frayer un chemin dans la protestation, c’est aussi parce qu’ils s’adressent depuis longtemps au monde agricole et qu’ils sont capables de se coordonner en peu de temps.
Se joindre au mouvement, contrer les réactionnaires
Le fait que les forces progressistes soient relativement faibles est également dû au fait que la gauche radicale en RFA s’est désinvestie en grande partie du secteur de l’agriculture au cours des dernières décennies. Mais le moyen le plus prometteur de changer cela est de se solidariser avec la protestation, de s’y joindre activement, d’y renforcer les positions progressistes et d’en chasser les réactionnaires. Car la protestation contre la suppression des subventions est légitime et mérite d’être soutenue. Nous sommes toutefois conscients que la paysannerie n’est pas une masse homogène. Notre solidarité va avant tout aux petites exploitations dont l’existence est menacée et bien sûr aux salarié·es des secteurs concernés.
Nous saluons le fait que les travailleuses et travailleurs agricoles, par le biais de leur initiative syndicale sectorielle [6], appellent à soutenir les prochaines manifestations et le font déjà par endroits. Soyons présents en tant que membres et sympathisants de la FAU, militants et militantes écologistes ou tout simplement en tant que travailleuses et travailleurs solidaires. Diffusons notre perspective anticapitaliste et écologique et repoussons les récupérations réactionnaires ainsi que les positions bourgeoises !
Die Plattform, le 12 janvier 2024
[1] Coalition politique entre le SPD (sociaux-démocrates), le FDP (libéraux-démocrates) et Die Grünen (verts).
[2] « Allocation citoyenne », équivalent de l’allocation chômage de base.
[3] Union Chrétienne Démocrate.
[4] Parti libéral de droite.
[5] Alternative für Deutschland, parti d’extrême droite nationaliste.
[6] L’Initiative des métiers verts de l’Union libre des travailleurs (FAU).
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