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Reconnaissance faciale : Le pouvoir veut activer les téléphones à distance
Tandis qu’à l’occasion des JO, sous couvert de prévenir des risques terroristes, la majorité votait , avec l’appui des députés LR et RN, le principe de la vidéosurveillance algorithmique, le Sénat approuvait de son côté mi-juin le principe de la reconnaissance faciale. Le 22 juin dernier le tribunal de Niort condamnait un manifestant de Sainte-Soline grâce à la reconnaissance faciale, déjà largement utilisée par la police.
Un article vieux de près de trente ans, paru au Monde diplomatique, montrait comment l’île de Singapour cumulait « tableaux d’honneur économiques et financiers » tout en « imposant à la population une discipline de chaque instant » en se « cantonnant aux signes extérieurs de la démocratie » [1]. Y étaient décrits par le menu le programme de l’État libéral-autoritaire qui semble être aujourd’hui le modèle plébiscité par les capitalistes. Dès 1994, ce modèle cumulait nombre de traits que l’on peut aujourd’hui retrouver mis à l’œuvre dans de nombreuses « démocraties libérales » notamment grâce à un usage intensif des nouvelles technologies de l’information et de la communication, à des fins de contrôle social .
Cette dystopie technologico-autoritaire décrite dans l’œuvre de George Orwell, 1984, ne cesse d’être convoquée par les militant·es politiques face à l’intrusion toujours plus importante dans nos vies privées des services de police et autres organismes de sûreté plus ou moins liés aux États. Malgré le travail de nombreux collectifs, dont la Quadrature du net, ou de campagne comme « Dégooglisons internet » qui informent, mettent en garde et proposent des alternatives au capitalisme de surveillance et à une vision uniformisée, et pas franchement portée vers l’émancipation et la solidarité, imposée par les Gafam, notre technophilie et notre technodépendance tendent à s’accroître chaque jour davantage. Quelques rappels d’événements récents devraient pourtant nous inciter à repenser collectivement nos usages et notre autodéfense numériques.
En mars dernier, en plein mouvement de contestation sociale, les députés de la majorité avec leurs alliés LR et RN adoptaient, à l’occasion du « projet de loi olympique », le principe de la surveillance algorithmique. Cette technologie à propos de laquelle la Commission nationale de l’Informatique et des Libertés dénonçait dans un rapport publié en 2022 « les risques pour les droits et libertés des personnes » [2] est déployée à grand échelle en Chine depuis le milieu des années 2010, à des fins de contrôle social. Son efficacité judiciaire – qui ne notre point de vue est de toute façon irrecevable –, qui est l’argument mis en avant pour justifier sa mise en œuvre, n’a pour sa part jamais été démontrée « Damien Leloup, « Adoptée pour les JO de Paris 2024, la surveillance algorithmique n’a jamais fait ses preuves », Le Monde, 10 mars 2023. ».
Le projet de loi « Orientation et programmation du ministère de la Justice 2023-2027 » actuellement en discussion au Sénat va encore plus loin dans la cybersurveillance légale puisqu’il propose ni plus ni moins que la possibilité pour les forces de l’ordre d’activer à distance les objets connectés ainsi que « l’expérimentation » de la reconnaissance faciale dans l’espace public votée le 12 juin dernier. Reconnaissance faciale qui est déjà mis à l’œuvre dans les faits puisque c’est elle qui a permis dix jours plus tard de faire condamner une personne pour sa participation à la manifestation contre les mégabassines à Saint-Soline, pour « jet de pierre au cours d’une manifestation interdite » grâce à la reconnaissance faciale [3] !
Derrière ce déploiement à grande échelle de la technosurveillance se cachent de gros enjeux financiers. Dans une enquête de 2020 des journalistes de la cellule investigation de Radio France montraient que « des sociétés se positionn[aient], avec dans leur viseur les Jeux olympiques de Paris en 2024, et à la clé un marché de sept milliards d’euros » [4]. Le capitalisme de surveillance [5] n’est plus une dystopie, c’est notre quotidien.
David (UCL Chambéry)
[1] « Singapour vers le meilleur des mondes... », Le Monde diplomatique, août 1994.
[2] « Caméras dites “augmentées” dans les espaces publics : la position de la CNIL », 19 juillet 2022, cnil.fr.
[3] « Jets de pierres à Sainte-Soline : un ancien gilet jaune au profil atypique », La Nouvelle république, 22 juin 2023.
[4] « Quand la reconnaissance faciale en France avance masquée », radiofrance.fr, 5 septembre 2020.
[5] Shoshana Zuboff, L’Âge du capitalisme de surveillance, traduit de l’anglais par Bee Formentelli et Anne-Sylvie Homassel, Zulma, 2020
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