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Luttes trans et antifascisme, un duo indissociable
Partout dans le monde, l’extrême droite s’illustre par des attaques régulières contre les droits LGBTI et vise explicitement les personnes trans à tous les niveaux. En France, le backlash anti-trans est vigoureux, promu par l’État, et suit la fascisation de l’Occident. Il est impératif de penser un antifascisme solidaire et inclusif et d’œuvrer à une perspective antifasciste dans les luttes LGBTI.
En France, la transphobie d’État a fait du chemin et le gouvernement se fait le promoteur de cette idéologie mortifère. Lors du dernier remaniement, Aurore Bergé (qui avait déjà invité à l’Élysée, durant l’été 2022, Dora Moutot et Marguerite Stern, des personnalités publiques connues pour leurs positions anti-trans) a été nommée au ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes de la Lutte contre les discriminations.
Si l’État et la gauche réformiste mettent en avant l’homosexualité de Gabriel Attal maintenant Premier ministre, comme un gage de progrès, le message est bien celui d’une égalité qui ne se fera pas avec les personnes trans. Or ce discours irrigue l’ensemble de la société et l’on retrouve des relais transphobes dans le milieu écologiste ou chez des mouvements dits féministes.
Aujourd’hui, la transphobie s’inscrit directement dans les lois. Un arrêté du 19 décembre instaure pour une durée de six ans le fichage systématique des personnes changeant de nom ou de prénom. En complément de la loi Immigration, ce texte entérine la surveillance policière des immigré·es et des personnes trans, deux populations parmi les plus susceptibles de changer de nom, et scelle l’association du racisme et de la transphobie.
Au niveau étatique, la transphobie ne se limite plus à un aspect de communication : cela marque un premier pas rejoignant l’impulsion des législations transphobes déjà établies dans d’autres pays où les fascistes sont au pouvoir, tel que l’Italie ou la Hongrie.
Une image réactionnaire et globale de la société
Les personnes trans sont une cible de premier plan des fascistes. La construction d’un ennemi intérieur, que l’on retrouve à travers l’histoire des mouvements fascistes, est un outil stratégique pour faire bloc et édifier une union des droites.
C’est également un levier pour recruter des militants et pour imposer leur vision réactionnaire de la société. Pour l’extrême droite, l’existence des personnes trans met à bas le modèle de la famille patriarcale et la division genrée et sexuelle de la société. Ce modèle actuel de la famille patriarcale s’inscrit dans une vision blanche et occidentale, qui s’est imposée par le colonialisme en passant par l’invisibilisation et s’accompagnant parfois de génocides d’autres cultures et sociétés.
Les attaques transphobes s’illustrent par l’offensive contre l’IVG et s’étendent à l’ensemble des droits reproductifs en particulier ceux des personnes trans. Le but affiché est de provoquer une panique morale qui s’impose dans le débat public. La droite capitalise sur l’identité et développe sa rhétorique autour de cette idée, notamment l’identité trans, tout en faisant pression sur plusieurs questions simultanément. Le noyau de la haine anti-trans est fasciste, il prend racine dans la suprématie blanche.
Les mouvements fascistes profitent largement du relais médiatique et institutionnel ; ils exploitent également les réseaux sociaux dont ils ont une maîtrise quasi professionnelle comme en témoigne le Gamergate (une campagne de harcèlement sexiste en ligne visant des journalistes et développeuses).
Le courant fémonationaliste les rejoint, construit sur un essentialisme biologisant qui reprend le discours confusionniste porté par l’extrême droite. Ce confusionnisme allie ces nouveaux tropes aux rhétoriques classiques de l’antisémitisme, par exemple en diffusant l’idée que Georges Soros financerait le mouvement trans et serait lui-même à l’origine de complots à l’échelle mondiale. Devant cet état de fait, nous avons besoin d’un antifascisme intersectionnel.
Allier les luttes trans et antifas
Si l’antifascisme se doit de prendre une part active dans les luttes trans, il y a également nécessité de porter une vision antifasciste de la lutte LGBTI. Cela passe par le dialogue et la construction avec les associations et collectifs de luttes LGBTI ainsi que par la mise en avant des droits des personnes trans chaque fois que cela est possible. Ce travail est encore à construire.
Des collectifs antifascistes comme La Horde regrettent un manque de coordination entre les acteurs des luttes pour les droits LGBTI et les antifas. Historiquement, l’antifascisme a été dominé par le virilisme et par un manque d’inclusion. Les collectifs antifas se sont impliqués tardivement dans les combats pour les droits des personnes trans et plus largement pour les droits des personnes LGBTI et les luttes féministes. En 1984, le Scalp (Section carrément anti Le Pen) faisait déjà état d’un machisme ambiant dans ses rangs.
Ces dernières années, la conquête de nouveaux droits pour les LGBTI et la montée du fascisme ont mis en avant la nécessité de penser ces luttes en complémentarité. Face au vécu d’invisibilisation dans les milieux militants, des collectifs revendiquant une appartenance à l’antifascisme et aux communautés LGBTI tel Paris Queer Antifa se sont créés.
L’image véhiculée par les médias de l’antifa correspond à celle du black block, soit un homme cagoulé allant à la confrontation physique. Cela donne à voir une vision très viriliste, où la violence prédomine et finalement une vision binaire et spectaculaire de l’affrontement entre fascistes et antifascistes. L’antifascisme pâtit de cette image romancée du guérillero urbain et une vision déformée du concept d’autodéfense, compris ici seulement sous l’angle de la confrontation physique.
Cela a conduit à un isolement du mouvement antifasciste qui ne profite à aucune lutte sociale. La réalité de l’antifascisme est la diversité des moyens d’actions et registres allant de l’éducation populaire à la mobilisation de rue et les liens avec d’autres mouvements d’émancipations. En ce sens, il est impératif de penser les luttes trans et les luttes antifas pour permettre une organisation du mouvement social et donner une perspective politique commune.
Les luttes trans ont construit des savoirs militants, une culture trans partagée entre ses différents acteur·ices afin de survivre et combattre la haine qu’ils et elles rencontrent. Faire vivre une culture commune et la mémoire collective des luttes fait partie intégrante de l’antifascisme.
Des bases théoriques solides sont également nécessaires. Dans ce sens, la motion « Pour une contre-offensive trans » [1] est une étape majeure dans les réflexions portées par l’UCL pour un matérialisme trans non dogmatique. C’est aussi une étape majeure pour l’élaboration d’une stratégie unitaire dans notre camp social et la construction de solidarités concrètes. En tant qu’organisation, il sera impératif de faire vivre ce texte sur le terrain.
Sarah (UCL Montpellier)
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