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Or vert : L’avocat, subtile saveur pour un commerce amer
L’avocat est actuellement consommé massivement partout dans le monde. Si sa consommation peut avoir de multiples intérêts, son système de production, lui, a de multiples effets dramatiques.
Traduction d’un article d’une camarade de l’Unión AnarcoComunista.
L’avocat est aussi à la mode que la banane et le chocolat l’ont été en Europe après la chute du mur de Berlin en 1989. Symboles de liberté. « Bienvenue dans le monde libre » avec les bananes et le chocolat. Aujourd’hui, l’avocat est « l’or vert ».
Techniquement, il s’agit d’un fruit riche en nutriments qui permet de préparer des plats délicieux et variés. Mais avant d’en arriver là, il faut remonter à la fin des années 1980, lorsque le marché états-unien commence à renforcer la production nationale parce qu’il considère l’avocat comme un élément d’un régime alimentaire sain.
Le plus grand producteur d’avocats, le Michoacán (Mexique), s’est vu interdire l’exportation d’avocats pendant soixante-dix ans, jusqu’aux années 1990, quand la culture a pris la direction opposée. La production états-unienne s’est développée, transférant son activité vers les terres mexicaines, ce qui a donné lieu à une culture locale conforme aux normes de qualité états-uniennes et, l’accord de libre-échange nord-américain (Alena) de 1994 revêtant un aspect crucial, mettant fin au veto sur le produit mexicain. Les coûts de production ont baissé, les conditions climatiques du Michoacán étant idéales pour cette culture.
Les différentes recettes de plats préparés avec ce fruit ont atteint une portée mondiale, via la télévision ou la publicité qui l’ont promu comme le petit-déjeuner préféré de ce siècle. New York, la France, l’Allemagne proposent une cuisine innovante à base d’avocat.
En 2021, le journal Milenio estimait que toutes les sept minutes, un camion partait du Michoacán vers les États-Unis. À la fin de la saison, le chiffre de 1,27 million de tonnes a été atteint. D’autres pays comme le Pérou, le Chili et la République dominicaine rivalisent pour figurer parmi les premiers producteurs, mais c’est l’État mexicain qui est le « roi de l’avocat ».
Une forte consommation d’eau
Les semences d’avocat nécessitent jusqu’à quatorze ans avant de pouvoir commencer à être récoltées, mais si des arbres sont plantés, l’attente est réduite à cinq ans et les conséquences sont indéniables et destructrices.
Un avocat a besoin de 0,75 tonne d’eau, soit sept fois plus que d’autres fruits et jusqu’à 40 fois plus que l’ananas, par exemple, ce qui entraîne d’énormes pénuries d’eau dans les régions utilisées pour les plantations d’avocats. Les avocatiers ne peuvent être cultivés à grande échelle sans irrigation. Bien que l’irrigation réduise les besoins en eau de 20 %, l’impact sur l’environnement conduit à la déforestation en raison des grandes portions de terre nécessaires pour une production suffisante et pour couvrir le marché mondial d’avocats.
Les agriculteurs acquièrent de plus en plus de terres, abattent les arbres et brûlent les forêts pour gagner toujours plus d’espace. Le rapport de l’Observatoire mondial des forêts indique que 98 % de la déforestation au Mexique est due à l’expansion agricole et montre également la superficie du couvert forestier perdue par le feu, soit plus de 340 km² de terres.
L’abattage des arbres de la forêt provoque un changement climatique intense. La culture de l’avocat ne peut pas compenser la perte d’autres arbres car l’avocatier n’absorbe que des quantités minimes de carbone. Par ailleurs la production d’avocats est une monoculture (la pratique de cultiver une seule culture de façon répétée) ce qui endommage le sol en le dépouillant de ses nutriments, réduit la matière organique et provoque son érosion.
Les agriculteurs utilisent des engrais chimiques. Les herbicides détériorent à long terme les sols, mettent les pollinisateurs en danger d’extinction, modifient le paysage microbien du sol et laissent une empreinte carbone, c’est-à-dire des émissions de gaz à effet de serre. La recherche It’s Fresh a montré que deux avocats émettent 846 grammes de CO2 [1].
Le transport des avocats sur des milliers de kilomètres, appelés « food miles », pollue et ajoute à l’impact négatif sur l’environnement. Les émissions de CO2 accentuent fortement le réchauffement de la planète et le changement climatique. De surcroît, les producteurs utilisent des emballages non biodégradables pour protéger les avocats pendant le transport.
Ces emballages comprennent des sacs en plastique et des caisses également doublées de plastique qui ne sont pas recyclables et qui, par conséquent, augmentent encore les émissions de gaz à effet de serre.
La demande mondiale d’avocats nuit à la sécurité alimentaire des pays producteurs en provoquant une inflation des prix.
La saveur amère
Les producteurs d’avocats du Mexique subissent l’exploitation par les cartels, qui menacent régulièrement les inspecteurs lorsqu’ils visitent les plantations et intimident les agriculteurs en extorquant de l’argent pour leur protection. Les récoltants travaillent de longues heures et sont victimes de violences dans un commerce de plusieurs millions de dollars. Le centre de « l’or vert », le Michoacán, est également un centre de production de drogues synthétiques et naturelles, principalement des méthamphétamines et de la marijuana.
La cocaïne voyage sur toutes les routes du Michoacán. Ces activités illégales s’accompagnent inexorablement d’extorsions, de disparitions, de vols, de meurtres, de trafics d’armes, de collectes d’impôts officieuses avec la complaisance des autorités. Quiconque s’oppose aux cartels est en danger, les agriculteurs qui ont résisté aux cartels ont été torturés et tués.
Selon le Food Empowerment Project, en 2019, 19 personnes ont été assassinées et leurs corps ont été retrouvés dans la ville d’Uruapan, dans le Michoacán, certains corps ayant été exposés sur un pont en guise d’avertissement de la part du Cartel de Jalisco - Nouvelle Génération, qui a revendiqué les meurtres. La production d’avocats dans d’autres endroits attire également l’attention en raison des violations des droits humains, comme la ferme Kakuzi au Kenya ou Petorca au Chili.
Ces nouvelles organisations sont nées de la scission du groupe criminel La Familia Michoacana qui a donné naissance en 2011 à un groupe connu sous le nom de Los Caballeros Templararios, en imitant leurs vêtements et leur religion. Ils semaient la peur et facturaient aux producteurs des millions de dollars de frais.
En 2013, ce groupe a été maîtrisé grâce à des soulèvements armés.
Actuellement, ces entreprises sont aux mains de nouvelles organisations qui ne s’attaquent pas aux grands entrepreneurs de l’avocat, mais aux petits producteur. Ceci afin de leur prendre leurs terres, les récolteurs, les travailleurs qui en vivent, en leur imposant des salaires minimes, des journées de travail de 12 heures pour 120 dollars.
La demande mondiale d’avocats rend difficile une production 100 % durable, mais les avancées en matière de développement durable comprennent la restauration de la couverture forestière par la reforestation, la conservation de l’eau dans les communautés, des matériaux d’emballage recyclables, des changement dans l’utilisation d’engrais et d’insecticides toxiques.
Quel avenir pour l’avocat ?
En 2019, il a été possible de séquencer le génome de l’avocat Criollo afin de le modifier génétiquement, d’épaissir sa coque, de réduire sa taille pour diminuer sa forte consommation d’eau (Laboratoire national de génomique pour la biodiversité, Iruapato).
Il est indéniable que l’avocat est un fruit très sain en raison de la quantité de nutriments qu’il contient. Un avocat de 190 grammes en contient, des graisses et des hydrates de carbone sains qui améliorent le système immunitaire, stabilisent le taux de sucre dans le sang. Les fibres augmentent le nombre de bactéries saines dans le système digestif. L’avocat contient également trois types de bactéries productrices d’acides gras à chaîne courte : Faecalibacterium, Lachnuspira et Alistipes. Il est très riche en composés antioxydants et anti-inflammatoires et constitue une excellente matière première pour les produits de beauté. Cette grande polyvalence augmente sa commercialisation.
Il existe plusieurs types d’avocats tels que le Bacon, le Reed, le Zutano, le Lamb, le Pinkerton, le Nabal, le Lachnuspira et l’Alistipes. Les principaux types d’avocats destinés à l’exportation sont le Hess et le Fuerte.
Bien que la production biologique ait augmenté, elle n’est pas suffisante et le prix du marché pour le consommateur est élevé.
Si la plantation, l’irrigation et la fertilisation continuent d’être effectuées de manière inconséquente afin d’augmenter la production, les maladies et les parasites des avocatiers deviendront de plus en plus fréquents. Le problème le plus important et le plus répandu est la pourriture des racines causée par le pathogène Phytophthora cinnamomi. La lutte contre ce pathogène est extrêmement difficile. Un mauvais drainage et des sols qui retiennent l’eau favorisent la propagation des agents pathogènes.
Une autre maladie des avocatiers est le cancer bactérien causé par des agents pathogènes fongiques. Les principaux ravageurs de l’avocatier sont les mouches méditerranéennes des fruits, les araignées rouges et les poux.
Si des mesures ne sont pas prises pour assurer le processus d’irrigation et de fertilisation afin que les plantations d’avocats reçoivent des minéraux et des vitamines de manière saine, le risque est plus que considérable.
Les problèmes liés à cet « or vert », également appelé « le nouveau diamant de sang », sont nombreux et graves. La première chose à faire est de soutenir l’agriculture biologique en achetant des produits biologiques et de réduire la consommation de ceux qui sont les « nouveaux diamants de sang ».
Ana López Khi, Unión AnarcoComunista España
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