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Syndicalisme étudiant : Le renouveau ou l’impasse ?
Le syndicalisme étudiant est aujourd’hui en pleine recomposition. Ces dernières années ont en effet vu la création de nouveaux syndicats, dont une majorité se réclamant du syndicalisme de lutte. Malgré cela les étudiant·es n’ont pas été une force fortement impliquée dans les mobilisations du mouvement social contre la réforme des retraites. Dès lors, cette recomposition montre-t-elle les faiblesses du militantisme étudiant ou est-elle annonciatrice d’une nouvelle dynamique ?
Un retour récurrent de la dernière mobilisation contre la réforme des retraites est le faible niveau d’investissement des étudiant·es. Bien que l’intersyndicale ait réalisée des chiffres records de mobilisation depuis 1995, sa contrepartie étudiante n’a pas su montrer un même niveau d’unité ni de mobilisation. Pourtant, depuis 2019 ce n’est pas les syndicats étudiants qui manquent : avant 2019 il y en avait deux (SESL et l’UNEF) en 2023 il y en a cinq !
Ces différentes organisations présentent plusieurs approches du militantisme étudiant qui se distinguent. D’abord, l’Union Étudiante (UE) se place dans la continuité réformiste de l’UNEF. La FSE, aussi issue de l’UNEF, incarne une ligne d’avantage idéologisée et revendiquée communiste. Les CGT-SELA montrent une certaine dynamique mais cette structure souffre de divisions en interne menant à l’existence de deux entités nationales : la CN-SELA et l’UN-SELA.
Enfin, Solidaires Étudiant-e-s, (SESL) peine à se renouveler depuis 2013. Porteuse du syndicalisme autogestionnaire et rattaché à l’Union Syndicale Solidaires, SESL incarnait un syndicalisme de lutte face à la vieille UNEF. Mais aujourd’hui SESL semble ne plus arriver à suivre les nouveaux enjeux du syndicalisme étudiant.
Solidaires Étudiant-e-s dépassé
Née de la fusion de SUD étudiant et de la première FSE, SESL n’a depuis pas réussit à s’accaparer une victoire d’ampleur. Alors que son prédécesseur SUD étudiant avait réussi à sortir son épingle du jeu en 2006 lors de la mobilisation contre la loi LRU en étant les derniers à ce mobiliser jusqu’au bout. SESL est depuis en manque de victoire et ce malgré sa participation à plusieurs mouvements sociaux étudiant. Cela peut s’expliquer par une incapacité de SESL de se doter d’une stratégie commune en pleine mobilisation, menant à devoir naviguer à vue et laissant les syndicats locaux s’organiser de leur côté.
De plus, il existe un profond problème de formation au sein de SESL, que ce soit les nouveaux et nouvelles militant·es qui ne suivent pas toujours de cycle de formation de base ou les secrétaires fédéraux/locaux qui n’ont pas besoin d’avoir suivi de formation adéquats pour prendre des responsabilités. Créant de nombreux et nombreuses primo-militant·es à SESL, ce qui s’explique, entre autres, par le fort turn-over que connaît le syndicalisme étudiant, qui mène à la montée de prise de responsabilité trop rapidement, mais également par le manque de politique de formation fédérales forte.
Toujours à la recherche d’une identitée propre
Ce manque entraîne une confusion sur ce qu’est le rôle de SESL, beaucoup s’y investissent comme si elles et ils étaient dans une organisation politique et non dans un syndicat. Solidaires étudiant-e-s con-naît également une division politique interne que l’on pourrait illustrer dans un clivage « Autonomiste vs Fédéraliste ». Les deux s’opposent sur la nature du fédéralisme de SESL, les « autonomistes » défendent son décentralisme et l’autonomie des syndicats locaux. Alors que les « fédéralistes » souhaitent plus de centralisme et faire de la fédération l’entité principale de SESL.
Cette opposition née d’un repli localiste que connaît un certain nombre de syndicats SESL se désintéressant des affaires fédérales, cette dérive ne fait qu’amplifier les problèmes structurants de la fédération tout en ne cherchant pas à les résoudre. En effet, le fonctionnement actuel de la fédération demande une participation active des syndicats en son sein et s’en éloigner entraîne un blocage structurel qui ne permet pas de résoudre ce clivage. Face à ce constat, Solidaires étudiant-e-s ne pourra sortir de cette crise que par la victoire d’une de ces lignes sur l’autre.
Une recomposition du milieu militant étudiant
Le paysage étudiant est désormais le suivant : un pôle réformiste rangé sous la bannière de l’UE, produit de la fusion de l’Alternative et des tendances réformistes de l’UNEF et un pôle de lutte divisé entre SESL, la FSE, l’UNEF-TACLE et les CGT-SELA. Néanmoins, ces différences sont complètements invisibles, rendant la multiplication des syndicats sur les universités absurdes aux yeux des étudiants, qui ne comprennent pas l’intérêt ou la différence entre chaque.
En l’absence de réelles victoires, au vu des méthodes limitées permises par le syndicalisme étudiant, les syndicats étudiants sont de plus en plus vus comme des associations de jeunes politisé∙es de gauche et non comme des structures d’entraide, d’organisation pour les étudiants face à la fac. Pour l’année scolaire 2022-2023, année de mobilisation pour la jeunesse, SESL revendiquait… 500 syndiqués (soit 0,05% des étudiant·es). SESL est ainsi plus proche d’une organisation groupusculaire que d’un syndicat. La première préoccupation du syndicalisme étudiant doit être sa massification.
Le syndicalisme étudiant est face à un triple enjeu : la transformation profonde de l’ESR et du profil étudiant avec la libéralisation de l’ESR ; la fragmentation des organisations par le militantisme libéral, et le manque d’organisation de la jeunesse dans des cadres syndicaux.
Certaines organisations semblent prendre la mesure de ces enjeux et entame des processus d’unification comme la FSE et l’UN-SELA. D’autres, comme l’UE, prennent le pari du réformisme et embrasse la dynamique du militantisme individuel. Timoré et tiraillé entre ces deux tendances SESL et à un croisement historique de son développement. SESL doit être en capacité de se réformer pour éviter les dérives localistes et promouvoir une attitude unificatrice des forces syndicales plutôt qu’une attitude sectaire et libérale et ne pas se confondre avec une simple organisation de jeunesse. Elle doit se concentrer sur la massification et les enjeux politiques touchant les étudiants pour créer une conscience « de classe » parmi ces derniers afin de pouvoir répondre efficacement en tant que syndicat sur nos lieux d’études.
Léora (UCL Nantes), Akhane (UCL Amiens) et Lou G. (UCL Grenoble) de la Commission jeunesse de l’UCL
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