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Maroc : Une sécheresse qui n’en finit pas
Au Maroc, depuis maintenant six ans, une sécheresse s’est installée. Cette sécheresse, combinée à des choix politiques productivistes, mène le pays dans l’impasse.
Le 23 janvier 2024, des mesures de restriction d’eau sont appliquées à Casablanca (capitale économique du pays avec 3,89 millions d’habitant·es). Parmi ces mesures, la fermeture trois jours par semaine des hammams. Loin d’être un lieu de bien-être luxueux, le hammam au Maroc est un lieu central de la vie des quartiers où les voisin·nes se retrouve au moins une fois par semaine. De plus, dans certains quartiers, il permet l’accès aux bains communs à celleux qui n’en ont pas dans leurs foyers. Face à la fermeture forcée de ces lieux, la résignation est de mise et les critiques marginales.
Pourtant, les choix politiques de ces dernières années n’ont fait que renforcer la crise hydrique. En quinze ans, avec avec le Plan Maroc Vert (développé par McKinsey) puis son successeur Génération Green 2020-2030, le Maroc a transformé son agriculture pour augmenter le nombre d’arbres fruitiers aux dépens des céréales. L’objectif est l’exportation des produits à « haute valeur ajoutée » [1]. Un des exemples est l’explosion de la production des avocats, en partie boostée par l’investissement du groupe israélien Mehadrin. L’avocat est l’un des fruits les plus consommateurs d’eau et assèche de nombreuses régions dans le monde [2].
Le dessalement : fausse bonne solution
De plus, des mesures inégalitaires se mettent en place, telles que le déploiement des grands canaux qui détournent l’eau des campagnes du nord vers les villes plus au sud afin d’éviter les pénuries. C’est ainsi que, le 18 décembre 2023, l’eau courante à Casablanca ne fut pas coupée [3]. Cependant, ces transferts assèchent grandement les campagnes où résident la population la plus précaire.
La solution de dessalement d’eau de mer est avancée comme solution magique. Cette posture techno-solutionniste permet de maintenir un écran de fumée sur le problème structurel hydrique. Dessaler l’eau de mer pour faire de l’eau potable présente des conséquences environnementales importantes (forte consommation d’énergie, majoritairement fossile, et rejet de produits chimiques) [4].
Ces solutions dites d’adaptabilité sont aujourd’hui courantes. Mais cette notion est doublement fourbe. Premièrement, comme les usines de dessalement, elle crée cet imaginaire où nous pourrions vivre avec les crises environnementales. Or, ce qui va s’adapter c’est bien le système productiviste et destructeur aux dépens de la qualité et de la possibilité de la vie pour la majorité du vivant. Deuxièmement, cet effort d’adaptabilité repose, de fait, sur les pays subissant et non sur ceux à l’origine des crises.
Cette posture est une illustration (parmi tant d’autres) des rapports coloniaux entre les pays du Nord global et du Sud global. C’est bien dans cette domination capitaliste et coloniale que réside la principale responsabilité de cette crise hydrique au Maroc. Au moment où les crises environnementales se font de plus en plus fortes et ne font qu’augmenter, notre camp social se doit de prendre en compte l’écologie décoloniale pour parfaire son analyse et sa stratégie.
Léo et Oum (UCL Grenoble)
[1] Mis en avant sur le site du département de l’agriculture du Maroc : Agriculture.gov.ma/fr/data-agri/plan-maroc-vert.
[2] Lopez Khi, Ana, L’avocat : subtile saveur pour un commerce amer, Alternative libertaire, no 346, février 2024.
[3] Collas, Aurélie, Sécheresse au Maroc : “Plus rien ne pousse ici”, Le Monde, 26 janvier 2024.
[4] Chauvin, Hortense, Dessaler l’eau de mer : fausse solution, vraie catastrophe écologique, Reporterre, 19 avril 2023.
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