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Lucas Taïeb n'a rien à faire ici
Rétrospective bringuebalante de décembre, 30/30. Chaque jour, un blog. Jusqu'à aujourd'hui. Après c'est fini.
http://rienafaireici.canalblog.com/
2018, vous me pardonnerez l'expression mais je me retrouve, comme qui dirait, tout con. Fin d'une longue relation amoureuse, mais pas seulement puisqu'avant ça 1) j'étais devenu un endolori officiel pour toujours, 2) avais intraitablement arrêté l'art pour me consacrer à l'étude la plus sérieuse possible sur les choses du monde extérieur. Oui, ça faisait quand même beaucoup. (On rajoutera qu'au milieu de tout ça, comme une erreur de ton dans la composition globale, on m'aura sorti pour la première fois deux petits livres, "Socles" et "On s'y retrouve tous", alors que j'étais hors de toute préoccupation se rapportant de près ou de loin à ces choses.)
Et donc là, qu'est-ce qui peut arriver en pareil cas ? Il n'y a qu'une chose proprement matérielle qui puisse donner une voie à suivre, tellement l'on est au comble de la désorientation, de l'hébétude. Cette chose, ce fut : LA TABLE À DESSIN. Pour la première de ma vie, comme un miracle divin, LE CHANT D'APPEL DE LA TABLE À DESSIN ! Et donc forcément il faut s'installer dessus et se demander, dans un premier temps (toujours revenir à l'origine, à la racine, toujours se remémorer sans cesse dans le palimpseste de la vie) : qu'est-ce qui avait fait que je m'étais mis à faire ce genre de traits et de bonhommes frénétiques avec ma main entre 2002 et 2005, quand je m'y suis mis de façon curieusement intense à ce qu'on appelle "l'adolescence" ? Si j'en viens à me reposer spontanément cette question, déjà esquissée dans d'autres remémorations précédentes (cf blog quasi-rétrospectif "Faire et ne pas faire"), c'est que je vous rappelle que je ne comprends pas ce que je fous là : 1) je ne suis plus chez moi, 2) je ne suis plus dans "mon art" (qui a bien pu le faire, c'était qui ce type ?), 3) je n'ai pas grand chose à faire d'autre qu'être ici à me demander ce que je peux bien faire de moi et de mon art tels que je les ai laissés, bref, le titre était trouvé, "Lucas Taïeb n'a rien à faire ici".
(Ce qui est drôle, c'est que l'idée du blog était née un peu plus tôt et que le "ici" ne devait renvoyer qu'à un référent artistique, au sens de "qu'est-ce que j'ai pu foutre dans cet art ?" ; tandis qu'avec le nouveau contexte affectif et matériel, le "ici" prenait désormais un sens tout à fait spatial : "qu'est-ce que je fous dans cette vieille maison avec cette table à dessin ?".)
Je vais donc chercher d'étranges vieilles pages de cette période inaugurale, pages qui me semblent particulièrement révélatrices de mon embarras face à cette situation non-naturelle chez moi qui est celle de "dessiner" (sic, c'est comme ça qu'on dit), amenant ainsi une folie langagière accrue que je poursuis dans de toutes nouvelles pages-commentaires-auto-exploratrices, sans me forcer (en les relisant aujourd'hui, je suis même surpris du fait qu'elles soient si chargées alors que je pensais faire preuve d'un esprit plus posé, puisque "revenu de tout").
Du coup je suis content que ce blog, qui était parti pour n'être qu'un énième blog d'archives comme la rétrospective que vous avez suivi ce mois-ci, ait pu voir naître des pages de BD proprement dites qui me semblent compter dans ce drôle de parcours qui m'a vu "renaître à la main" durant cet inattendu coup de massue supplémentaire de 2018, devenu nouvelle "transition" existentielle et même nouveau départ mental (avais-je d'autre choix pour rester vivant ?). Le dernier Pré Carré en aura même pris deux-trois.
Et puis je me dis aujourd'hui qu'avec tout ça, avec ce chérissement confirmé envers ma pratique (qui reste la seule chose solide à se manifester quand tout a fui), avec ces autres livres qui me seront imprimés, bien entendu, que je n'oublie pas et n'oublierai jamais quand bien même il n'y en aurait plus d'autres, j'ai acquis en 2021 un tout autre positionnement existentiel par rapport à celui de 2018. En 2018, je vous ai dit, c'était : "bon, moi qui croyais que ce ne serait plus là, que c'était derrière moi, là soudain je vois une grande table à dessin qui me fait me demander : pourquoi ça a été à ce point là, et pourquoi ça a l'air de vouloir l'être encore ?". Questionnement sous-tendu du début à la fin par la question de l'arrêt qui était encore plus ou moins d'actualité à l'époque, par la question de la distance que je n'ai pas cessé d'avoir jusqu'en 2019, même quand j'ai fabriqué les livres chez PCCBA ; c'était les livres d'un ancien type dont je me sentais encore un peu proche, certes, mais un ancien type quand même, je ne devais pas accorder trop d'importance, trop de croyance à tout ça.
Aujourd'hui, je pose les choses tout autrement, c'est en un sens beaucoup plus pragmatique, quasi froidement : C'EST LÀ, point ; c'est ce qui est le plus LÀ dans ma vie car c'est ce qui a le plus été LÀ tout le long, point ; que je veuille m'y mettre avec plus ou moins de ferveur, plus ou moins d'implication, plus ou moins d'acharnement, cela ne change rien au fait que c'est LÀ et que c'est le TRUC de ma vie, objectivement, historiquement, que je m'y reconnaisse ou pas, que je m'y retrouve ou pas. C'est le TRUC et dans ce monde chacun doit avoir un TRUC en particulier, censé être plus important que les autres, auquel il accorde un attachement particulier, qui le définisse en dernière instance, hé bien moi c'est ce TRUC, voilà, point. C'est aussi simple que ça, c'est dit sans honte comme sans passion délirante, c'est une donnée établie et qu'il me semble devoir accepter, comprendre, et à partir de là, continuer à tenir dans le temps ; dérouler son évidence dans toutes ses conséquences, dans la mesure de mes possibilités.
C'est mon programme. (Je devrais donc moi aussi agiter les bras comme le font certains en criant "aidez-moi, aidez-moi !", peut-être que ça me donnerait une contenance.)
Merci à toutes et à tous pour votre attention !
http://rienafaireici.canalblog.com/
2018, vous me pardonnerez l'expression mais je me retrouve, comme qui dirait, tout con. Fin d'une longue relation amoureuse, mais pas seulement puisqu'avant ça 1) j'étais devenu un endolori officiel pour toujours, 2) avais intraitablement arrêté l'art pour me consacrer à l'étude la plus sérieuse possible sur les choses du monde extérieur. Oui, ça faisait quand même beaucoup. (On rajoutera qu'au milieu de tout ça, comme une erreur de ton dans la composition globale, on m'aura sorti pour la première fois deux petits livres, "Socles" et "On s'y retrouve tous", alors que j'étais hors de toute préoccupation se rapportant de près ou de loin à ces choses.)
Et donc là, qu'est-ce qui peut arriver en pareil cas ? Il n'y a qu'une chose proprement matérielle qui puisse donner une voie à suivre, tellement l'on est au comble de la désorientation, de l'hébétude. Cette chose, ce fut : LA TABLE À DESSIN. Pour la première de ma vie, comme un miracle divin, LE CHANT D'APPEL DE LA TABLE À DESSIN ! Et donc forcément il faut s'installer dessus et se demander, dans un premier temps (toujours revenir à l'origine, à la racine, toujours se remémorer sans cesse dans le palimpseste de la vie) : qu'est-ce qui avait fait que je m'étais mis à faire ce genre de traits et de bonhommes frénétiques avec ma main entre 2002 et 2005, quand je m'y suis mis de façon curieusement intense à ce qu'on appelle "l'adolescence" ? Si j'en viens à me reposer spontanément cette question, déjà esquissée dans d'autres remémorations précédentes (cf blog quasi-rétrospectif "Faire et ne pas faire"), c'est que je vous rappelle que je ne comprends pas ce que je fous là : 1) je ne suis plus chez moi, 2) je ne suis plus dans "mon art" (qui a bien pu le faire, c'était qui ce type ?), 3) je n'ai pas grand chose à faire d'autre qu'être ici à me demander ce que je peux bien faire de moi et de mon art tels que je les ai laissés, bref, le titre était trouvé, "Lucas Taïeb n'a rien à faire ici".
(Ce qui est drôle, c'est que l'idée du blog était née un peu plus tôt et que le "ici" ne devait renvoyer qu'à un référent artistique, au sens de "qu'est-ce que j'ai pu foutre dans cet art ?" ; tandis qu'avec le nouveau contexte affectif et matériel, le "ici" prenait désormais un sens tout à fait spatial : "qu'est-ce que je fous dans cette vieille maison avec cette table à dessin ?".)
Je vais donc chercher d'étranges vieilles pages de cette période inaugurale, pages qui me semblent particulièrement révélatrices de mon embarras face à cette situation non-naturelle chez moi qui est celle de "dessiner" (sic, c'est comme ça qu'on dit), amenant ainsi une folie langagière accrue que je poursuis dans de toutes nouvelles pages-commentaires-auto-exploratrices, sans me forcer (en les relisant aujourd'hui, je suis même surpris du fait qu'elles soient si chargées alors que je pensais faire preuve d'un esprit plus posé, puisque "revenu de tout").
Du coup je suis content que ce blog, qui était parti pour n'être qu'un énième blog d'archives comme la rétrospective que vous avez suivi ce mois-ci, ait pu voir naître des pages de BD proprement dites qui me semblent compter dans ce drôle de parcours qui m'a vu "renaître à la main" durant cet inattendu coup de massue supplémentaire de 2018, devenu nouvelle "transition" existentielle et même nouveau départ mental (avais-je d'autre choix pour rester vivant ?). Le dernier Pré Carré en aura même pris deux-trois.
Et puis je me dis aujourd'hui qu'avec tout ça, avec ce chérissement confirmé envers ma pratique (qui reste la seule chose solide à se manifester quand tout a fui), avec ces autres livres qui me seront imprimés, bien entendu, que je n'oublie pas et n'oublierai jamais quand bien même il n'y en aurait plus d'autres, j'ai acquis en 2021 un tout autre positionnement existentiel par rapport à celui de 2018. En 2018, je vous ai dit, c'était : "bon, moi qui croyais que ce ne serait plus là, que c'était derrière moi, là soudain je vois une grande table à dessin qui me fait me demander : pourquoi ça a été à ce point là, et pourquoi ça a l'air de vouloir l'être encore ?". Questionnement sous-tendu du début à la fin par la question de l'arrêt qui était encore plus ou moins d'actualité à l'époque, par la question de la distance que je n'ai pas cessé d'avoir jusqu'en 2019, même quand j'ai fabriqué les livres chez PCCBA ; c'était les livres d'un ancien type dont je me sentais encore un peu proche, certes, mais un ancien type quand même, je ne devais pas accorder trop d'importance, trop de croyance à tout ça.
Aujourd'hui, je pose les choses tout autrement, c'est en un sens beaucoup plus pragmatique, quasi froidement : C'EST LÀ, point ; c'est ce qui est le plus LÀ dans ma vie car c'est ce qui a le plus été LÀ tout le long, point ; que je veuille m'y mettre avec plus ou moins de ferveur, plus ou moins d'implication, plus ou moins d'acharnement, cela ne change rien au fait que c'est LÀ et que c'est le TRUC de ma vie, objectivement, historiquement, que je m'y reconnaisse ou pas, que je m'y retrouve ou pas. C'est le TRUC et dans ce monde chacun doit avoir un TRUC en particulier, censé être plus important que les autres, auquel il accorde un attachement particulier, qui le définisse en dernière instance, hé bien moi c'est ce TRUC, voilà, point. C'est aussi simple que ça, c'est dit sans honte comme sans passion délirante, c'est une donnée établie et qu'il me semble devoir accepter, comprendre, et à partir de là, continuer à tenir dans le temps ; dérouler son évidence dans toutes ses conséquences, dans la mesure de mes possibilités.
C'est mon programme. (Je devrais donc moi aussi agiter les bras comme le font certains en criant "aidez-moi, aidez-moi !", peut-être que ça me donnerait une contenance.)
Merci à toutes et à tous pour votre attention !