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Dernière Rénovation : Action symbolique, répression réelle
Le 22 mars dernier, le mouvement Dernière Rénovation a organisé une action symbolique sur la préfecture d’Indre-et-Loire afin d’alerter sur l’urgence climatique. La répression que les militant·es ont subi, elle, a été bien réelle.
Le 22 mars 2023, vers 12h30, cinq citoyen·nes soutenant la campagne Dernière Rénovation (DR), mouvement de « résistance civile » ont peint la préfecture d’Indre-et-Loire en orange, à l’aide d’extincteurs et de balais. Sur leurs t-shirts, deux inscriptions : « We have 735 days left » et « Résister est vital ». Sept cent trente-cinq jours avant le point de bascule théorique au-delà duquel on ne pourra plus revenir en dessous des 1,5 °C de réchauffement planétaire (selon le rapport spécial du GIEC de 2018). La France est déjà à 1,7 °C.
Dans une posture non violente, les cinq activistes, âgé·es de 19 à 28 ans, se sont agenouillé·es et ont attendu les forces de l’ordre. L’action a été réalisée à visage découvert, les faits entièrement assumés. Leur revendication ? Un plan concret et ambitieux de rénovation thermique des bâtiments, s’inspirant d’un des axes de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Rappelons que les passoires thermiques sont responsables de 20% des émissions de gaz à effet de serre, et qu’environ 11 000 personnes meurent chaque année d’un défaut d’isolation de leur logement ! Au final, cette mesure serait une avancée non seulement écologique mais aussi une victoire sociale.
Hypocrisie de l’État
L’État pourtant doublement condamné pour inaction climatique avait jusqu’au 31 décembre 2022 pour présenter un plan d’action concret. Sans surprise, rien n’a été fait. A l’automne 2022, un budget conséquent pour la rénovation thermique des bâtiments avait enfin été voté à l’Assemblée nationale – budget coupé arbitrairement par un énième 49-3 de l’exécutif. La campagne de DR a alors posé un ultimatum à l’État : en prenant les symboles étatiques locaux de quatre préfectures (Tours, Nantes, Lyon et Toulouse) et en les peinturlurant, ils et elles ont montré que l’État est coupable.
Les cinq sont violemment interpellé·es par la police devant les médias : jeté·es dans des camions, parfois traîné·es sur le sol, avec notamment une contusion thoracique à la clé. Dernière Rénovation, Soulèvements de la terre : deux tactiques bien différentes pour une même vision avec un résultat commun : la répression en roue libre.
Emmené·es en garde à vue, ils et elles en ressortiront au bout de 28 heures, avec pour deux d’entre elles et eux une convocation le 22 août au tribunal pour un procès, et pour les trois autres des mesures alternatives aux poursuites consistant en 1700 euros de dommages et intérêts et 70 heures de travaux d’intérêt général. Les trois refusent les mesures alternatives, et décident de rejoindre leurs camarades pour un procès, dans la droite ligne des faucheurs volontaires d’OGM.
Au tribunal pour de la peinture
Le 22 août, les cinq peintres se retrouvent en fin de matinée devant le tribunal de Tours pour accueillir le convoi de l’eau, qui fait une étape dans la ville. Les luttes convergent et beaucoup de têtes se succèdent sur l’esplanade pour prendre la parole, soutenir les prévenu·es, et condamner ce procès ainsi que celui à venir de Niort pour les militant·es de l’eau. Des élu·es locaux réaffirment leur soutien mais peu essayent vraiment d’empêcher ce procès, qui est un non-sens. En dernier, ce sont les prévenu·es qui prennent la parole, suivi·es de leurs avocates, venues de Paris pour les défendre : elles demanderont la relaxe en plaidant l’état de nécessité.
Quatre heures d’audience, une salle pleine, des militant·es d’autres organisations venu·es en soutien ne pourront pas y rentrer. Les parties civiles sont à peine présentes : la préfecture n’a pas d’avocats, le conseil départemental n’est représenté que par son avocat, et Tours métropole n’est pas présente, marquant leur désintérêt sur le fonds d’un procès éminemment politique.
La préfecture ne demande pas de dommages-intérêts et s’en remet à l’avis du parquet pour une peine. Le conseil départemental fournit un devis (pas une facture, un devis !) assez flou, impliquant la réfection totale de son portail, et réclame 25 000 euros de dommages et intérêts, ajoutant quelques 2 000 euros de préjudices moraux. En clair, le conseil départemental veut facturer la réfection de son portail doré aux frais des prévenu·es (les bâtiments occupés par la préfecture appartiennent au conseil départemental et le sol devant à la Métropole).
La juge, qui reconnaît l’état d’urgence climatique, refuse de reconnaître l’état de nécessité, se voilant la face. Selon elle, de tels moyens ne sont pas nécessaires dans un état démocratique et les prévenu·es auraient dû commencer par « écrire un livre » (sic) ou « saisir l’assemblée nationale », et pourquoi pas un flashmob ? La juge en bonne spécialiste de tout ira jusqu’à dire que de telles actions aggraveraient la catastrophe climatique, riant, là, au nez de tous les consensus scientifiques et du GIEC qui s’accordent sur la nécessité de la résistance civile et appellent à la lutte pour un monde vi(v)able.
Les prévenu·es lui auront dit « l’important aujourd’hui n’est pas de nous juger mais de savoir de quel côté de l’histoire on veut se placer ». Mais la juge a choisi son côté de l’histoire, en condamnant les prévenu·es à 1 000 euros d’amende chacun·e, et 25 000 euros de dommages-intérêts in solidium. Ils et elles feront évidemment appel avec leurs avocates.
Nico (UCL Tours)
Deux questions à Swann, condamnée en première instance
Alternative libertaire : Pourquoi ce mode d’action ? Swann : Nos jours sont comptés. Nous sommes la dernière génération à pouvoir éviter la catastrophe climatique vers laquelle les gouvernements nous envoient.
La résistance civile non violente a mainte fois été prouvée efficace par le passé dans la lutte pour les droits civiques. Aujourd’hui, même des articles scientifiques prouvent son efficacité. Certains scientifiques du GIEC même appellent à la résistance civile, et d’autres scientifiques sont engagé·es dans un mouvement allié : la « scientific rebellion ».
Alternative libertaire : Quelques mots à propos de la répression des mouvements écolos ? Swann : La répression que nous subissons s’inscrit dans un cadre répressif global grandissant. Elle n’a rien d’étonnant : nous appelons à un changement de système : décroissance et justice sociale. L’écologie ne se fera pas sans la lutte sociale et le gouvernement le sait. Nous sommes réprimé·es car malgré la réalité flagrante et effrayante de notre avenir, nous mettons en péril leurs privilèges.