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Égaux, égales, personne n’est illégal - Projet de loi immigration : bosse ou crève !
Le nouveau projet de loi « asile et immigration » présenté au conseil des ministres en février, est la seconde réforme de Macron sur le sujet depuis sa première élection... et se place dans la même logique que la précédente : exploiter et expulser.
En 2018, la loi Collomb venait doubler la durée maximale d’enfermement des personnes étrangères en centre de rétention, la passant de 45 à 90 jours. La réforme venait, en plus, généraliser les interdictions de retour en France des personnes expulsées. Depuis lors, les personnes étrangères ont été impactées par la crise du Covid, prétexte à la fermeture des frontières, à un long gel de la délivrance des visas (de regroupement familial notamment) et à la transformation des préfectures en forteresses par la numérisation des procédures. Ces dernières années ont aussi été marquées par les accidents graves de nombreux travailleurs sans-papiers sur les chantiers, parmi lesquels les sites des futurs jeux olympiques et du grand Paris. Un travailleur a ainsi perdu la vie sur un chantier à Montreuil en 2021.
Malgré les apparences, le nouveau projet de loi ne vient pas changer la donne. Il prévoit bien la création d’un titre de séjour pour régulariser les travailleuses et travailleurs des métiers dits « en tension », qui fait déjà hurler la droite et l’extrême-droite (qui disent craindre une « régularisation massive »). Cette mesure ne permettra pourtant certainement pas de régularisation massive des personnes sans-papiers, puisque la carte de séjour ne sera attribuée qu’à des personnes présentes depuis plus de trois ans, et ayant travaillé au moins huit mois pendant les deux années précédant leur demande... Les travailleurs et travailleuses sans-papiers des fameux métiers dits « en tension », seront donc toujours à la merci des patrons pendant au moins trois ans avant de pouvoir demander un titre de séjour. La principale différence avec le cadre actuel sera que la délivrance du titre « métiers en tension » ne nécessitera plus d’avoir la promesse d’embauche écrite d’un employeur. Et même obtenue, cette régularisation ne donnera droit qu’à une carte temporaire d’un an, et il faudra bosser pour la renouveler... la situation des « happy few » restera bien précaire. Et pour toutes les personnes travaillant dans les autres secteurs, rien ne change.
Bref, cette mesure divise et précarise encore plus les travailleurs et travailleuses sans-papiers en fonction de leurs secteurs d’activité. Elle a d’ailleurs été largement inspirée par les employeurs des secteurs-clés de l’économie qui se lamentent depuis plusieurs mois dans les journaux sur le manque de main-d’œuvre disponible.
Régularisation : Non, ce n’est pas une faveur !
En réalité, cette petite brèche dans le mur ne fait que confirmer la logique d’exploitation des « clandestins » : pour espérer obtenir des papiers, ils et elles doivent travailler illégalement au bénéfice de leurs patrons et de l’État, sans sécurité sociale ni prestations sociales, corvéables selon le bon vouloir des entreprises. Quelques autres parties du texte témoignent que répondre aux besoins de main d’œuvre en est bien la préoccupation centrale, comme la création d’un « passeport talent » pour les « professions médicales et pharmaceutiques » (nouvelle variante de l’immigration choisie). Autre changement, les demandeurs et demandeuses d’asile, qui ont jusqu’à présent interdiction de travailler pendant l’examen de leur dossier, pourront désormais exercer un travail salarié durant cette période... Mais risqueront, si le texte est adopté dans sa version actuelle, l’expulsion dès le rejet de la demande.
Et l’expulsion, parlons-en !
En plus de systématiser l’expulsion des personnes dont la demande d’asile a été rejetée, le texte prévoit de faciliter l’expulsion de celles dont on estime qu’elles constituent une « menace à l’ordre public », notion très floue et évolutive. Le ministre de la justice, associé à la rédaction du projet de loi, a même proposé d’étendre le champs d’application des mesures d’interdiction de territoire (ITF), des peines prononcées par les juges et non par l’administration, jusque-là réservées aux personnes étrangères condamnées pour des crimes particulièrement graves. Sans surprise, Darmanin joue sur le terrain habituel de la droite et de l’extrême-droite en associant immigration et délinquance. On ne sait même plus si c’est par conviction ou dans le simple objectif de rallier les voix des parlementaires de droite... Alors que si les personnes étrangères sont sur-représentées dans les chiffres de la délinquance, elles le sont essentiellement pour des infractions liées au droit au séjour, et parce que, étant souvent racisées, elles sont plus souvent contrôlées que les blanc·hes, donc plus souvent condamnées.
Parallèlement au projet de loi, le ministère envisage de créer, d’ici 2026, 300 places d’enfermement en centre de rétention administrative (CRA), où violences et maltraitances fleurissent à l’abri des caméras. Deux centres seront construits en Gironde et dans le Loiret, et les deux CRA de Paris et du Mesnil-Amelot seront agrandis.
Cette réforme, on n’en veut pas !
Derrière l’apparente contradiction entre régularisation et expulsion, le texte est finalement d’une grande cohérence : en France, on n’a pas de place pour les personnes non productives ! Il arrivera au Sénat en mars, puis à l’Assemblée nationale en mai ; entre-temps, il est susceptible d’être largement modifié au fil des tractations entre la majorité et l’opposition – Darmanin ayant notamment mentionné la possibilité d’instaurer des quotas sur les régularisations. En tout cas, le gouvernement a bien l’intention de la faire passer en force le plus rapidement possible : l’examen du texte est engagé en procédure accélérée, le limitant ainsi à une seule lecture par le Sénat puis l’Assemblée nationale.
Face à leur logique de tri et d’exploitation capitaliste, nos revendications restent inchangées : régularisation de toutes les personnes sans-papiers, fermeture des CRA, arrêt des expulsions, et égalité des droits entre français et étrangers. Plusieurs manifestations s’organisent dès maintenant devant différents centres de rétention, et une mobilisation s’organise début mars à l’appel de nombreux collectifs et associations de l’immigration – dont le Collectif Uni·es contre l’immigration jetable (UCIJ) et la Marche des solidarités. Rejoignons toutes les actions qui se tiendront localement, créons-en, et travaillons à la convergence entre nos luttes. Contre la réforme des retraites, contre le projet de loi immigration, contre l’exploitation de toutes et tous, on se bat ensemble, on gagnera ensemble !
Clems (UCL Saint-Denis)
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