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États généraux de l’information : Des enjeux démocratiques et financiers
Poursuivant la méthode Macron des États généraux qui ne servent à rien, des États généraux de l’information se sont ouverts en octobre 2023 pour des conclusions en juin 2024. Sans illusion sur le sérieux de la concertation, les enjeux sont néanmoins considérables. Une poignée de milliardaires et deux banques contrôlent l’essentiel des groupes médias (presse-radio-télé). Et les mutations technologiques multiplient les risques d’extinction d’une information contradictoire. Un réel pluralisme est pourtant la base d’une vraie démocratie.
De nombreuses lois et règlements régentent la presse écrite et ses riches subventions. D’autres gèrent radio et télévision : attribution de canaux, contrôle des contenus... Celles qui partagent le gâteau publicitaire sont aussi complexes que les droits et devoirs des journalistes : diffamation, protection des sources… Alors quand le gouvernement annonce qu’il va « moderniser » l’ensemble, les professionnel·les se précipitent pour défendre leurs pré-carrés et les citoyens et citoyennes doivent surveiller de près les conséquences sur la démocratie. D’autant que le développement des plateformes numériques, des algorithmes et de l’intelligence artificielle pose de nouveaux problèmes dans le choix des informations mises en avant, dans la reproduction automatique des idées dominantes et la production de fausses nouvelles.
On ne sait rien des projets de Macron, sinon la réaffirmation du droit du propriétaire à choisir la ligne éditoriale des médias qu’il possède. Une même réflexion se mène à Bruxelles. Le « Comité » européen qui veille sur l’audiovisuel élargit ses compétences à la presse écrite en musclant ses prérogatives : sur le secret des sources et la cybersurveillance des médias au nom de la « sécurité nationale », sur la concentration des médias, sur le retrait de contenus au nom de la lutte contre les ingérences extérieures. Ce qui revient à l’officialisation d’une censure qui sanctionnera tout aussi bien des opinions « révolutionnaires » le jour venu.
Des États généraux de la presse indépendante
Autour de Mediapart s’est construit une contre-initiative : les États généraux de la presse indépendante. Une centaine de médias ont produit 59 mesures, présentées le 30 novembre à Paris devant mille personnes puis déclinées en rencontres décentralisées. Alternative libertaire s’est associé à cette dynamique malgré les limites du document car il comporte nombre de revendications intéressantes, contre la concentration des médias ou sur la protection des sources et l’indépendance des rédactions. Ce document est néanmoins très marqué par des revendications corporatistes (aides à la presse réservées aux médias employant des journalistes professionnels) et par une illusion sur l’éthique journalistique dont l’indépendance suffirait à l’impartialité de l’information.
Dans sa longue intervention, Edwy Plenel a enfoncé le clou en opposant médias d’information et médias d’opinion. Faut-il alors brûler la presse politique et syndicale, culturelle, littéraire, associative, scientifique qui repose sur du bénévolat ou des experts et universitaires, presse qui représente une part importante du pluralisme réel ? Faut-il croire au concept de neutralité journalistique ? Or l’attribution du numéro de CPPAP [1] qui permet d’accéder à certaines aides pourrait être réservée aux seuls médias embauchant des journalistes professionnels. Cela provoquerait une hécatombe et Alternative libertaire serait au rang des victimes.
Pour un pluralisme organisé (personne peut nous canaliser)
La liberté d’expression est une notion clé pour une société autogérée. Les révolutionnaires se déchirent sur ces questions depuis l’interdiction des journaux « versaillais » par la Commune de Paris en 1871 ! Mais en dehors d’appels haineux et discriminants, rien ne devrait empêcher que dans le débat intellectuel, politique, démocratique, toutes les opinions puissent trouver leur écho médiatique.
Pour lutter contre les tendances autoritaires de tout État nous restons défenseurs de la liberté absolue de créer un média. Mais en régime capitaliste, la liberté est toujours celle du marché. Défendre un vrai pluralisme suppose un service public organisé et financé par la collectivité. Pour défendre le pluralisme de la presse à la Libération, la France avait mis en place un système égalitaire et coopératif de distribution des journaux afin qu’ils puissent tous être présentés aux lecteurs de manière égale. Nous revendiquons la restauration de ce système aujourd’hui dévoyé, ainsi que son extension à des outils mutualisés d’impression et de distribution (kiosques et abonnés) pour les titres contribuant au pluralisme des opinions politiques, artistiques, syndicales, philosophiques, scientifiques sans publicité. Une même institution devrait voir le jour pour contrer le poids des GAFAM dans la distribution dématérialisée des informations.
Face à Bolloré et aux dérives fascisantes des médias de l’industriel catho-traditionaliste, le Conseil d’État somme l’Arcom [2] d’établir des normes plus strictes de décompte des temps de parole pour y inclure non seulement les invités politiques mais aussi les « éditorialistes » et autres « experts » qui sont en fait des militants. C’est mieux que rien mais n’assure pas un vrai pluralisme garantissant l’expression des minorités. À quand des communistes libertaires au 20h ? À quand une chaîne télé libertaire ? Le « pluralisme interne » soit l’expression garantie de tous les courants d’idées dans un média est en pratique un compromis entre centre droit et centre gauche ! Nous devons nous revendiquer du « pluralisme externe » avec des moyens égaux à tous les courants de pensée pour s’exprimer. Et donc des financements publics indispensables face la confiscation des médias par les milliardaires.
Enfin les États généraux de l’information devraient aussi traiter de la précarité croissante des salarié·es des industries médias : pigistes, auto-entrepreneur·euses en graphisme et correction, bagnard·es de la distribution de la presse… mais là c’est silence complet.
Jean-Yves (UCL Limousin)
[1] La Commission paritaire des publications et des agences de presse, composée de représentants de l’État et professionnels de la presse.
[2] L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, fruit de la fusion du CSA et de l’Hadopi le 1er janvier 2022.
Pour aller plus loin :
Etats-generaux-information.fr
Fondspresselibre.org
Acrimed.org/Medias-francais-qui-possede-quoi
Arcom.fr
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