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Analyse : L’extrême droite dans le mouvement contre la réforme des retraites
Depuis le début du mouvement social contre la réforme des retraites, que tentent par tous les moyens à nous imposer envers et contre tous et toutes Macron et le gouvernement Borne, l’extrême droite cherche à se positionner opportunément comme force d’opposition. Absente des mobilisations sociales dans lesquelles elle n’a évidemment pas sa place, l’extrême droite tente, depuis la promulgation du 49.3, de surfer sur la vague de la colère populaire. La commission antifasciste de l’UCL propose un point d’étape.
Le fort mouvement social né de la contestation de la contre-réforme des retraites a replacé au centre de l’agenda politique la question des revendications sociales. Les organisations syndicales ont été le fer de lance de cette mobilisation inédite, tant par le nombre de manifestant·es que par le nombre de manifestations (des milliers) ayant essaimé sur tout le territoire depuis le 19 janvier dernier. Les militant·es révolutionnaires ont pris leur part dans ces mobilisations et ont joué leur rôle d’animateurs et animatrices lors des mobilisations, dans les AG, sur leurs lieux de travail et d’études. L’extrême droite n’y a pas été à sa place pendant longtemps, et a cherché plusieurs moyens de s’accrocher à ce qu’elle a tout de suite senti comme une colère anti-Macron, délaissant la composante sociale majeure dans ce mouvement, colère anti-Macron dont elle espère, à terme, profiter électoralement.
Pendant toute la première partie de la contestation, l’extrême droite n’a évidemment pas été à son aise face à cette forte expression du mouvement social. Tiraillée entre sa volonté à paraître comme le premier opposant à Macron et son soutien idéologique réel à la réforme (malgré les discours, les votes à l’Assemblée nationale des députés RN confirment leur ancrage libéral et foncièrement antisocial), le RN n’a pas su comment se positionner hormis quelques expressions natalistes réactionnaires et hors-sol : quelques élus ont été vus lors des toutes premières manifestations mais ont été rapidement expulsés des cortèges malgré quelques disparités dans l’attitude des intersyndicales locales face à la présence du RN dans les manifestations.
Pas de fachos ni de confus dans nos manifs !
Eric Zemmour, en bon libéral, a quant à lui totalement assumé son soutien à la réforme, allant même jusqu’à en revendiquer une bonne part de paternité dans une tribune aux forts relents racistes co-signée par Marion Maréchal-Le Pen, Guillaume Peltier et Nicolas Bay [1]. De même des syndicats de police (dont certains classés très, très à droite !) ayant annoncé en amont se mobiliser contre la réforme ont été ponctuellement présents ou visibles dans certains cortèges lors des premières journées mais leur présence est resté très anecdotique et a rapidement été nulle. Les manifestations intersyndicales massives, avec l’appui de militant·es de collectifs antifascistes, ont globalement repoussé les quelques velléités d’attaque ou de récupération par l’extrême droite, prouvant que les mouvements sociaux sont le meilleur moyen de repousser les fascistes en mettant en avant nos revendications politiques et sociales et la solidarité de classe.
La déclaration du déclenchement de l’article 49.3 a entraîné une bascule d’un mouvement social vers une colère populaire anti-Macron plus générale, en apparence moins construite politiquement (en partie entretenue par les médias, le gouvernement et les élu·es de la majorité) et bien plus aisément récupérable par l’extrême droite. Certains mots d’ordre dégagistes, la personnalisation de la colère contre Macron/Borne plutôt que contre une réforme capitaliste et patronale, et des manifestations plus émeutières et moins encadrées par les syndicats ont permis localement de donner un nouvel élan à l’extrême droite de rue. Cet élan de colère qui se veut radical attire la jeunesse, et là aussi des syndicalistes ainsi que des militant·es de collectifs antifascistes y ont pu apporter un soutien face aux fascistes et également en prévention des violences policières.
Le 49.3, un tournant favorable à l’extrême droite
De même, face aux manifestations ou aux blocages plus radicaux menés par des travailleurs et travailleuses, ou des étudiant⋅es, les fascistes ont retrouvé leur rôle de nervis du patronat briseurs de grève par la violence. Entre le 15 et le 30 mars dernier, Libération [2] a ainsi recensé une quinzaine d’agressions sur des cortèges de manifs, des blocages, des actions de collage ou encore des locaux, dont certaines qui ont visé nos camarades : Lorient, Nancy, Avignon, Toulon, Perpignan, Paris, Albi, Chambéry, Reims, Lyon, Besançon, Amiens. Ces attaques, qui s’ajoutent à la répression policière, sont la conséquence d’années de militantisme de rue où leurs réseaux et leurs capacités d’action se sont renforcées (notamment suite à la campagne de Zemmour).
Tandis qu’un peu partout l’extrême droite joue son rôle historique de dernier rempart du Capital et de l’État face au mouvement social, à Poitiers l’Action française a revendiqué l’organisation d’un blocus de la fac [3], alors que de son côté le GUD a distribué à Paris des tracts contre la réforme mais aussi contre les blocages et les syndicats, se présentant comme la seule alternative « révolutionnaire », sachant que les groupes de fafs organisés en commandos débloqueurs de fac se sont baptisés eux-même « Waffen Assas » [4], on voit bien de quelle révolution ils parlent. De même dans la veine anti-Macron des nationalistes franciliens postent sur leurs fils Telegram des vidéos de « leurs actions » dans le cortège de tête, espérant sans doute remobiliser la jeunesse de droite comme lors de la « Manif pour tous » en 2013 ou celles des « antivax » à l’été et automne 2021. Mais ces manifs ne sont pas les leurs et les mots d’ordres restent majoritairement anticapitalistes.
Une riposte nécessaire
Hors de ces groupes de rue, on trouve également tout un tas de personnes, drapeau tricolore à la main, avec des mots d’ordre dégagistes et/ou confus. Des slogans issus même des rangs de nos syndicats tendent trop souvent à personnifier l’adversaire, Emmanuel Macron, appelant à sa démission. Certains voudraient y voir une alliance possible de tous les anti-Macron. Il n’en est rien. Notre opposition à Macron est une opposition à sa politique libérale et autoritaire, et nous ne faisons pas de confusion entre une droite libérale et autoritaire et l’extrême droite. Même si la première peut servir de marche-pied à la seconde. Il nous faut ainsi mener un travail local et parfois interpersonnel pour cadrer les mots d’ordre et les arcs de participation de nos rassemblements : affirmer des analyses et des revendications a minima de gauche, anticapitalistes et systémiques, et virer les confusionnistes et les réactionnaires de nos manifs !
L’extrême droite n’est pas qu’institutionnelle ou « de rue ». Très présents dans les cortèges parisiens, mais pas uniquement, de nombreux médias d’extrême droite ou de « réinformation » filment allègrement nos cortèges. Ces vidéos sont régulièrement diffusées sur les réseaux sociaux d’extrême droite. Une vigilance particulière est donc recommandée aux militant·es et on ne peut que conseiller de veiller localement à identifier ces faux journalistes et d’agir en conséquence. Sous toutes ses formes l’extrême droite ne doit pas chercher à intégrer nos manifs. Si à l’heure actuelle nous ne savons pas comment le mouvement va évoluer après le 1er mai, une chose est certaine, le mouvement social a montré qu’il pouvait avancer uni et que les revendications sociales et la solidarité de classe étaient des excellents antidotes à l’extrême droite. Tachons de nous en souvenir quand à l’approche des élections certains politicards se découvriront soudainement une fibre antifasciste de circonstance.
Commission antifasciste de l’UCL
Tract recto verso datant de mai 2019 de la commission nationale antifasciste de Solidaires à télécharger sur solidaires.org/IMG/pdf/2019-05…