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Football : Carton rouge… et noir ?
La question du sport comme outil d’aliénation ou d’émancipation est entrée dans nombre de foyers lors de la Coupe du monde de football organisée par la FIFA au Qatar fin 2022. Et ce sont plutôt les aspects critiques qui ont prédominé dans les débats, autour de la question du respect des droits humains et des enjeux environnementaux. Un point sur le football pris dans une réflexion plus ample sur ses implications sociales semble donc nécessaire.
Le football n’est pas un objet qui flotte hors de la société qui l’a engendré. Il est une réalité multiforme qui touche à des degrés divers : pratiquant·es, fans, organisateur·ices et financeurs eux-mêmes le façonnent, tel un prisme dont ne regarder qu’une seule facette relèverait de la mauvaise foi. Se limiter à dénoncer l’hégémonie d’un football-spectacle devenu une marchandise ne visant que le profit serait aussi réducteur et partiel que de n’en louer que les débuts dans le monde ouvrier et sa place dans la culture populaire.
Remettre les valeurs sociales au cœur du sport
Le football a pris ces dernières décennies l’apparence d’un produit dont le commerce génère des milliards de chiffre d’affaires, aberrants au regard des urgences sociales, économiques et environnementales. Il est devenu l’archétype du sport-business et d’un monde où le spectacle remplace la participation effective pour cantonner les citoyen·nes au rang de simples consommateur·ices. En ce sens il ne nous ressemble plus et se transforme en un divertissement stérile voire nuisible pour le maintien de valeurs vivantes telles que la solidarité, le partage, l’équité, le plaisir de l’effort ou de sa mise en commun. Cependant, ne se résume-t-il qu’à ça ? Non. Il suffit de se pencher en détail sur ce qui compose cet « écosystème football » mondial pour se rendre compte que des facettes bien plus intéressantes existent et méritent d’être regardées de près.
En premier lieu, évoquons la réalité militante du club professionnel du quartier rouge de Hambourg, le FC Sankt Pauli, fraîchement promu en Bundesliga, la « Ligue 1 » allemande. Celui-ci est souvent présenté comme l’archétype d’une forme de résistance au foot-business. Une résistance qui se joue à l’intérieur même du système contre lequel le club s’est érigé depuis le milieu des années 1980 lorsque le mouvement des occupations d’immeubles vacants battait son plein dans la ville hanséatique. Depuis, les supporter·ices, majoritairement issu·es des mouvements sociaux locaux, ont investi les tribunes mais aussi (et c’est là que réside l’exemplarité) les instances du club, et se sont organisés autour de mots d’ordre et de principes forts et qui dénotent dans le paysage du sport-business : antisexisme, antihomophobie, antifascisme, solidarité internationale, engagement social local, modèle de développement économique soutenable...
Des îlots de résistance face au foot capitaliste
Tout cela se manifeste au jour le jour par les décisions constantes d’une « scène des fans » hautement responsabilisée et pleinement consciente des luttes à mener, l’équipe de football professionnelle du club servant principalement de vitrine à celles-ci. Il est difficile de lister les engagements du club tant les axes et les modes de mise en œuvre sont variés : du soutien à un centre de soins palliatifs pour malades du VIH à la création de puits autonomes dans des régions du monde où l’accès à l’eau est déficient, le FC St. Pauli tente de concilier le fait d’être un îlot de résistance et celui de participer malgré tout à un « système » qui ne valorise guère ce genre de prises de position.
Il est cependant à relever l’absence totale de solidarité du FC St. Pauli envers les Gazaoui·es victimes des exactions de l’armée israélienne qui ont suivi les attaques barbares du Hamas le 7 octobre dernier. Au contraire, c’est une position très pro-israélienne qui a été exprimée par la voix des Ultras Sankt Pauli et d’autres groupes de supporters [1]. Le tout au grand dam des fanclubs internationaux dont un certain nombre ont purement et simplement cessé leurs activités en lien avec le club [2]. La faute entre autres à l’influence du courant antideutsch, mouvance en vogue dans la gauche radicale allemande, se réclamant de l’antifascisme tenant des positions radicalement sionistes... par antinationalisme allemand [3].
S’il est facile de trouver dans d’autres pays des tribunes marquées à gauche s’exprimant sous forme de banderoles ou de drapeaux en faveur d’une lutte ou d’une revendication (Rayo Vallecano en Espagne, Red Star en France, West Ham en Angleterre, Livorno en Italie, Beşiktaş en Turquie...), il est beaucoup plus rare de voir les supporter·ices parvenir à modeler la vie de leur club en fonction de leurs engagements. C’est qu’en Allemagne existe une sorte d’exception au fonctionnement habituel qui voit le propriétaire de club et son conseil d’administration décider de tout : ici, les adhérent·es à l’association FC St. Pauli sont sa base démocratique.
Construire un football libertaire
D’autre part, il existe des exemples de résistance au modèle dominant sur de toutes autres échelles. De nombreux clubs plus petits que le FC St. Pauli se battent également pour redonner au football son caractère populaire et sa dimension d’acteur social local à l’instar du CS Lebowski (Florence), de l’Atletico San Lorenzo (Rome), du Ménilmontant FC 1871 (Paris), ou encore du Clapton FC (Londres). Pour chacun d’eux l’enracinement dans la réalité de terrain et le développement d’une culture sportive inclusive sont des fondements indispensables. Ils posent un contrepoint face à la recherche effrénée et délétère de performance que promeut le football professionnel estampillé UEFA ou FIFA. Et si le FC St. Pauli se montre frileux sur la question palestinienne, c’est tout l’inverse du côté du Ménilmontant FC.
Dans les tribunes de ces réalités sportives à mesure humaine, pas de diktats, pas de censure de la solidarité entre les peuples. Les maillots de ces équipes arborent souvent des symboles reliés à l’histoire du camp politique libertaire (comme le Clapton FC et son mythique maillot aux couleurs de la République espagnole). Et surtout, les solidarités s’y organisent de manière concrète avec des actions de soutien aux réfugié·es ou à tout un ensemble de causes que les communistes libertaires appuient de leur côté au niveau de l’UCL ou d’autres organisations. Elles trouvent d’ailleurs là une application dans un champ pratique qui déborde des organisations strictement politiques.
Alors, si le prisme offre des facettes diversement séduisantes, nous avons le choix de poser notre regard là où l’horizon est le plus intéressant. Nous avons la possibilité de chercher autour de nous ces initiatives, ces clubs qui opposent une résistance de fait au modèle hégémonique et gangrené du football professionnel. Ces clubs locaux ont une forte tendance à se multiplier et il se peut même qu’il y en ait un dans votre entourage ayant besoin de joueur·euses, animateur·ices, formateur·ices... C’est donc aux passionné·es du ballon rond de chausser leurs crampons pour appuyer ces réalités et tacler l’idée reçue que ce sport serait définitivement perdu pour celles et ceux qui aiment l’engagement partagé : en d’autres termes, c’est aux libertaires de jouer !
Accattone (UCL Lille)
Pour aller plus loin :
• Éloge de la passe : le sport comme apprentissage des pratiques libertaires, Collectif, Éditions Libertaires, 2012
• Une histoire populaire du football, Mickaël Correia, Éditions La Découverte, 2018
• Le grand footoir, Collectif, Solar Éditions, 2022
• Atlas du football populaire : Europe - Amérique latine, Yann Dey-Helle, Éditions Terres de Feu, 2024
[1] « Derrière le soutien de certains groupes ultras allemands à Israël », Dialectik Football, 19 novembre 2023.
[2] « FC St. Pauli : rupture consommée avec plusieurs fanclubs solidaires des Palestiniens », Dialectik Football, 13 novembre 2023.
[3] « Le phénomène antideutsch : une singularité de la gauche radicale allemande », Anne Joly, La Revue des Livres, juillet-août 2012.
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Football : Carton rouge… et noir ?
La question du sport comme outil d’aliénation ou d’émancipation est entrée dans nombre de foyers lors de la Coupe du monde de football organisée par la FIFA au Qatar fin 2022. Et ce sont plutôt les aspects critiques qui ont prédominé dans les débats, autour de la question du respect des droits humains et des enjeux environnementaux. Un point sur le football pris dans une réflexion plus ample sur ses implications sociales semble donc nécessaire.
Le football n’est pas un objet qui flotte hors de la société qui l’a engendré. Il est une réalité multiforme qui touche à des degrés divers : pratiquant·es, fans, organisateur·ices et financeurs eux-mêmes le façonnent, tel un prisme dont ne regarder qu’une seule facette relèverait de la mauvaise foi. Se limiter à dénoncer l’hégémonie d’un football-spectacle devenu une marchandise ne visant que le profit serait aussi réducteur et partiel que de n’en louer que les débuts dans le monde ouvrier et sa place dans la culture populaire.
Remettre les valeurs sociales au cœur du sport
Le football a pris ces dernières décennies l’apparence d’un produit dont le commerce génère des milliards de chiffre d’affaires, aberrants au regard des urgences sociales, économiques et environnementales. Il est devenu l’archétype du sport-business et d’un monde où le spectacle remplace la participation effective pour cantonner les citoyen·nes au rang de simples consommateur·ices. En ce sens il ne nous ressemble plus et se transforme en un divertissement stérile voire nuisible pour le maintien de valeurs vivantes telles que la solidarité, le partage, l’équité, le plaisir de l’effort ou de sa mise en commun. Cependant, ne se résume-t-il qu’à ça ? Non. Il suffit de se pencher en détail sur ce qui compose cet « écosystème football » mondial pour se rendre compte que des facettes bien plus intéressantes existent et méritent d’être regardées de près.
En premier lieu, évoquons la réalité militante du club professionnel du quartier rouge de Hambourg, le FC Sankt Pauli, fraîchement promu en Bundesliga, la « Ligue 1 » allemande. Celui-ci est souvent présenté comme l’archétype d’une forme de résistance au foot-business. Une résistance qui se joue à l’intérieur même du système contre lequel le club s’est érigé depuis le milieu des années 1980 lorsque le mouvement des occupations d’immeubles vacants battait son plein dans la ville hanséatique. Depuis, les supporter·ices, majoritairement issu·es des mouvements sociaux locaux, ont investi les tribunes mais aussi (et c’est là que réside l’exemplarité) les instances du club, et se sont organisés autour de mots d’ordre et de principes forts et qui dénotent dans le paysage du sport-business : antisexisme, antihomophobie, antifascisme, solidarité internationale, engagement social local, modèle de développement économique soutenable...
Des îlots de résistance face au foot capitaliste
Tout cela se manifeste au jour le jour par les décisions constantes d’une « scène des fans » hautement responsabilisée et pleinement consciente des luttes à mener, l’équipe de football professionnelle du club servant principalement de vitrine à celles-ci. Il est difficile de lister les engagements du club tant les axes et les modes de mise en œuvre sont variés : du soutien à un centre de soins palliatifs pour malades du VIH à la création de puits autonomes dans des régions du monde où l’accès à l’eau est déficient, le FC St. Pauli tente de concilier le fait d’être un îlot de résistance et celui de participer malgré tout à un « système » qui ne valorise guère ce genre de prises de position.
Il est cependant à relever l’absence totale de solidarité du FC St. Pauli envers les Gazaoui·es victimes des exactions de l’armée israélienne qui ont suivi les attaques barbares du Hamas le 7 octobre dernier. Au contraire, c’est une position très pro-israélienne qui a été exprimée par la voix des Ultras Sankt Pauli et d’autres groupes de supporters [1]. Le tout au grand dam des fanclubs internationaux dont un certain nombre ont purement et simplement cessé leurs activités en lien avec le club [2]. La faute entre autres à l’influence du courant antideutsch, mouvance en vogue dans la gauche radicale allemande, se réclamant de l’antifascisme tenant des positions radicalement sionistes... par antinationalisme allemand [3].
S’il est facile de trouver dans d’autres pays des tribunes marquées à gauche s’exprimant sous forme de banderoles ou de drapeaux en faveur d’une lutte ou d’une revendication (Rayo Vallecano en Espagne, Red Star en France, West Ham en Angleterre, Livorno en Italie, Beşiktaş en Turquie...), il est beaucoup plus rare de voir les supporter·ices parvenir à modeler la vie de leur club en fonction de leurs engagements. C’est qu’en Allemagne existe une sorte d’exception au fonctionnement habituel qui voit le propriétaire de club et son conseil d’administration décider de tout : ici, les adhérent·es à l’association FC St. Pauli sont sa base démocratique.
Construire un football libertaire
D’autre part, il existe des exemples de résistance au modèle dominant sur de toutes autres échelles. De nombreux clubs plus petits que le FC St. Pauli se battent également pour redonner au football son caractère populaire et sa dimension d’acteur social local à l’instar du CS Lebowski (Florence), de l’Atletico San Lorenzo (Rome), du Ménilmontant FC 1871 (Paris), ou encore du Clapton FC (Londres). Pour chacun d’eux l’enracinement dans la réalité de terrain et le développement d’une culture sportive inclusive sont des fondements indispensables. Ils posent un contrepoint face à la recherche effrénée et délétère de performance que promeut le football professionnel estampillé UEFA ou FIFA. Et si le FC St. Pauli se montre frileux sur la question palestinienne, c’est tout l’inverse du côté du Ménilmontant FC.
Dans les tribunes de ces réalités sportives à mesure humaine, pas de diktats, pas de censure de la solidarité entre les peuples. Les maillots de ces équipes arborent souvent des symboles reliés à l’histoire du camp politique libertaire (comme le Clapton FC et son mythique maillot aux couleurs de la République espagnole). Et surtout, les solidarités s’y organisent de manière concrète avec des actions de soutien aux réfugié·es ou à tout un ensemble de causes que les communistes libertaires appuient de leur côté au niveau de l’UCL ou d’autres organisations. Elles trouvent d’ailleurs là une application dans un champ pratique qui déborde des organisations strictement politiques.
Alors, si le prisme offre des facettes diversement séduisantes, nous avons le choix de poser notre regard là où l’horizon est le plus intéressant. Nous avons la possibilité de chercher autour de nous ces initiatives, ces clubs qui opposent une résistance de fait au modèle hégémonique et gangrené du football professionnel. Ces clubs locaux ont une forte tendance à se multiplier et il se peut même qu’il y en ait un dans votre entourage ayant besoin de joueur·euses, animateur·ices, formateur·ices... C’est donc aux passionné·es du ballon rond de chausser leurs crampons pour appuyer ces réalités et tacler l’idée reçue que ce sport serait définitivement perdu pour celles et ceux qui aiment l’engagement partagé : en d’autres termes, c’est aux libertaires de jouer !
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Pour aller plus loin :
• Éloge de la passe : le sport comme apprentissage des pratiques libertaires, Collectif, Éditions Libertaires, 2012
• Une histoire populaire du football, Mickaël Correia, Éditions La Découverte, 2018
• Le grand footoir, Collectif, Solar Éditions, 2022
• Atlas du football populaire : Europe - Amérique latine, Yann Dey-Helle, Éditions Terres de Feu, 2024
[1] « Derrière le soutien de certains groupes ultras allemands à Israël », Dialectik Football, 19 novembre 2023.
[2] « FC St. Pauli : rupture consommée avec plusieurs fanclubs solidaires des Palestiniens », Dialectik Football, 13 novembre 2023.
[3] « Le phénomène antideutsch : une singularité de la gauche radicale allemande », Anne Joly, La Revue des Livres, juillet-août 2012.
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Footballeurs contre la dictature : La « démocratie corinthiane », une utopie footballistique 1981-85
« Ganhar ou perder, mas sempre com democracia » (gagner ou perdre mais toujours avec la démocratie), cette devise du club de football du SC Corinthians résume l’esprit de ce qui aura été pendant quelques années une incarnation sportive de la lutte contre la dictature militaire brésilienne.
Depuis 1964 et le coup d’état du maréchal Castelo Branco, le Brésil vit sous le joug des généraux, mais en ce début des années 1980 la contestation devient de plus en plus forte. La loi d’amnistie du 22 août 1979, prise alors que le Brésil traverse une forte crise économique qui fragilise le régime, et qui met sur le même plan les bourreaux et les victimes – puisqu’elle garantit l’absence de poursuites à la fois contre les policiers ou les militaires tortionnaires et contre les opposant·es engagé·es dans la lutte armée – marque cependant le début de la fin du régime des oligarques militaires. Les mouvements sociaux connaissent un regain de popularité. C’est donc en plein effervescence politique et sociale que naît une expérience footballistique et démocratique aussi brève qu’inédite, la « démocratie Corinthiane ».
L’autogestion dans les vestiaires et sur le terrain
« Les joueurs sont traités comme des esclaves. Le modèle autoritaire est remis en cause dans tout le pays, il doit l’être aussi dans le foot. ». C’est par ses mots qu’Adilson Monteiro, jeune sociologue de 35 ans, ayant fait ses armes militantes dans les mobilisations étudiantes des années 1970 et qui a connu les prisons de la dictature des généraux, inaugure sa prise de fonction au poste de directeur sportif du SC Corinthians, le club le plus populaire de Sao Paulo, en novembre 1981. Adilson Monteiro engage alors une révolution au sein du club : « Dites moi ce qui ne va pas, prenez vos destinées en main, ayez conscience que vous pouvez commander, nous déciderons tous ensemble ». Trois joueurs vont être les fers de lance d’un mouvement qui va profondément marquer le club : Socrates, Wladimir et Casagrande.
La démocratie est de mise dans toutes les décisions concernant le club, répartition des recettes, forme des entraînements, … sont élaborées et discutées collectivement. Socrates raconte : « Nous avons opté pour une solution d’autogestion en choisissant l’un de nos joueurs pour entraîner l’équipe ». Le club est alors vilipendé par la presse mais sur le terrain les résultats sont là, l’équipe ne perd aucun match entre novembre 1981 et juillet 1982 !
Une expérience qui dura quatre ans
La démocratie corinthienne dépasse largement le cadre sportif, c’est un modèle politique et social concret à opposer à la junte militaire. Dans son Histoire populaire du football, Mickaël Correia rappelle que « le SC Corinthians se revendique depuis sa création en 1910 comme le “club du peuple” – en opposition par exemple au plus huppé São Paulo FC –, l’équipe fournit à la société brésilienne un exemple vivant d’une expérience autogestionnaire qui tacle l’ordre établi, jusqu’à se muer en caisse de résonance des aspirations démocratiques de tout un pays » [1]. La victoire des Corinthians face au São Paulo FC en finale du championnat pauliste est une victoire autant sportive que politique, dans les tribunes une banderole géante est déployée, visible par les 80 000 spectateurs et spectatrices du stade mais aussi dans tous les pays par la télévision : « Gagner ou perdre mais toujours en démocratie ». La victoire des Corinthians signe la future défaite des généraux. Elle marque aussi l’apogée de la démocratie corinthienne et le début de la fin.
L’expérience ne durera même pas quatre années mais elle aura marquée profondément les esprits, au Brésil et bien au-delà, montrant qu’il était possible de pratiquer et faire vivre un football dans un cadre socialiste et démocratique, un sport où la victoire compte moins que la manière de le pratiquer et de le faire vivre.
David (UCL Savoies)
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Le foot palestinien dans la résistance
Le football est un champ de la résistance autant symbolique que matériel pour le peuple palestinien, ciment de son unité malgré son éclatement. À ce titre il est attaqué régulièrement par l’état sioniste, en Palestine comme à l’international.
Toute aspiration nationale palestinienne est combattue depuis la création d’Israël : la Palestine n’existe pas ! Dès lors hors de question de voir ses couleurs représentées dans les stades de foot. Pour cela Israël harcèle les équipes locales : le 10 novembre 2012 au cours de l’offensive « pilier de défense », le stade de Gaza est sciemment bombardé et 4 jeunes footballeurs âgés de 6 à 18 ans sont tués. Le 1er janvier 2014 des soldats ouvrent le feu sans sommation sur deux nouvelles recrues de l’équipe nationale palestinienne… de 19 et 17 ans. Ayant reçu des balles dans les pieds, les deux jeunes espoirs ne pourront plus jamais jouer au foot. Les blocus, check-points et barrages empêchent les sportifs de se retrouver pour jouer ensemble, les interdictions de se rendre à l’étranger sont récurrentes, des rencontres sont régulièrement annulées.
L’équipe nationale palestinienne est composée de joueurs cisjordaniens, gazaouis, palestiniens de 48 ou issus de la diaspora. Cet éclatement géographique entraîne de nombreux déplacements et incertitudes comme le confirme l’entraîneur Jamal Mahmoud « je ne sais jamais de quel joueur je vais pouvoir disposer [...] en général je compose trois équipes possibles et à la fin on voit qui on peut emmener » [1].
Des origines multiculturelles
La première fédération palestinienne de football est créée par un immigré juif biélorusse en 1928. Elle regroupe des clubs juifs comme arabes, mais dès les années 1930 les dirigeants juifs sont majoritaires au sein conseil d’administration, à partir de 1934 les clubs arabes n’ont plus leur mot à dire. Pour les coupes du monde de 1934 et de 1938 aucun joueur arabe ne fait partie de la sélection. Les Arabes créent alors leurs propres structures mais elles sont démantelées durant la Grande révolte arabe palestinienne de 1936-1939.
Après 1948 l’État d’Israël va faire mainmise sur les clubs de football des villages arabes d’Israël afin de les contrôler. Rapidement des tensions apparaissent, en 1964 un match entre deux équipes de villages juifs et arabes se termine en affrontements entre joueurs et supporters, le lendemain des centaines d’ouvriers arabes se mettent en grève. Deux mois plus tard l’Hapoël Bnei Nazareth, première formation arabe remarquée au sein du championnat israélien, célèbre son ascension en deuxième division en écrasant 8-0 l’équipe juive de Kiryat Shmona. En réaction Israël dissout la même année un réseau d’équipe de football qui tentent de former un embryon de championnat arabe entre plusieurs villes.
Mais nombre de joueurs arabes israéliens, excédés par le racisme des ligues israéliennes, sont attirés par les clubs nouvellement créés de Cisjordanie.
Carton rouge au racisme israélien
La fondation d’une ligue palestinienne est actée après les accords d’Oslo. La fédération palestinienne de foot est intégrée à la FIFA en 1998, devenant la première organisation internationale à reconnaître la Palestine comme état indépendant. Le 26 octobre 2006 se tient un match entre « les lions de Canaan » (nom de la première équipe arabe fondée en 1947) et l’équipe jordanienne. La rencontre se solde par un match nul, mais peu importe le résultat, l’important est ailleurs comme le dit le footballeur Murad Ismail Said : « une équipe qui vient jouer sur nos terres c’est une façon de reconnaître l’état palestinien » [2]. Trois jours plus tard ce sera au tour de l’équipe féminine palestinienne de se confronter à son premier match international à domicile toujours face à la Jordanie.
En termes de solidarité internationale, le football est également un espace de combat avec le boycott sportif mené par la campagne BDS. Concernant le foot, sera créé la campagne « carton rouge au racisme israélien » [3] rappelant que la Fifa avait suspendu l’Afrique du sud pendant 30 ans.
En 2016 la fédération palestinienne appuyée par une soixantaine de député·es européen·nes proteste auprès de l’instance contre 6 clubs de football installés dans les colonies. La FIFA se mue alors en arène politique pour la cause palestinienne. Le football est aussi un terrain d’inventivité de la résistance symbolique de la population. En 2010, les gazaoui·es lancent leur propre coupe du monde, la Gaza world cup avec pour mot d’ordre : « si tu ne peux pas aller en Afrique du sud, le mondial viendra à toi » [5]. Durant deux semaines, seize équipes de la bande de Gaza dont 14 clubs professionnels se rebaptiseront de plusieurs noms de pays. « Nous voulons attirer l’attention du monde sur notre isolement et montrer qu’il y a une vie ici » affirme alors Tamer Qarmout, l’un des organisateurs de cet événement [6]. La finale opposera la « France » à la « Jordanie » dans le stade Yarmouk de Gaza, retransmis sur Al Jazeera, les vainqueurs recevrons un trophée réalisé par des artisans locaux à partir du métal retrouvé sur les bombardements israéliens. Pour conclure avec Mahmoud Darwich, « nous serons un peuple lorsque le palestinien ne se souviendra de son drapeau que sur les stades » [7].
La FIFA reconnaît la Palestine
Le 23 juillet 2009, Mahmoud Sarsak, footballeur palestinien du camp de réfugié·es de Balata, est arrêté alors qu’il se rendait à son nouveau club, il est incarcéré 3 ans sans jugements ni inculpation. Il fait une grève de la faim de 92 jours pour être libéré mais sa carrière est brisée en raison des séquelles de l’internement et des tortures. Une pétition est alors lancée et signée entre autre par Eric Cantona qui, dans une lettre, enjoindra à Michel Platini, alors président de l’UEFA à se positionner « il est temps de mettre fin à l’immunité d’Israël et d’insister sur les mêmes critères d’égalité et de respect de la législation internationale que nous exigeons des États » [4]. L’ex-buteur de Manchester United s’opposera également à la tenue de la coupe européenne de football des moins de 21 ans en Israël en 2013. En 2010, Michel Platini menacera bien Israël de ne plus faire partie de l’UEFA pour toutes ses exactions, mais de la parole aux actes...
Nicolas Pasadena (UCL Montreuil)
PAS DE GÉNOCIDAIRE AUX JEUX OLYMPIQUES !
Israël se sert du sport pour se promouvoir et se blanchir, avec notamment sa participation régulière ces dernières années au Tour de France sous la marque « Israël startup nation » (alors qu’Israël ne possède aucune fédération nationale de cyclisme !). La campagne BDS France a ainsi régulièrement ciblé le tour de France ces dernières années pour dénoncer cette participation. Alors que la grande « fête » des Jeux olympiques se déroulera pendant qu’on continue à mourir à Gaza, la campagne BDS espère bien s’inviter et perturber quelque peu les réjouissances en dénonçant la participation des équipes israéliennes, réclamant que l’état colonial endosse la même sanction que la Russie, exclue des Jeux olympiques pour son invasion de l’Ukraine.
[1] Mickaël Correia, Une histoire populaire du football, La Découverte, 2018.
[2] Idem.
[3] « On peut pas s’en foot », brochure BDS, 2014.
[4] Idem.
[5] Mickaël Correia, op. cit.
[6] Idem.
[7] Mahmoud DARWICH, La Trace du papillon – Pages d’un journal (été 2006-été 2007), Actes Sud, Arles, 2009.
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Roller derby : Construire un sport féministe et queer
C’est souvent l’aspect spectaculaire du roller derby que l’on retient. Ça va vite, ça se bouscule, les couleurs sont criardes, difficile de suivre au début. Alors, sport ou spectacle ? Est-ce que ces personnes ne s’élancent sur des patins que par amour des tenues voyantes et des jeux de mots ? Ou est-ce que tout cela n’est qu’un prétexte pour étancher leur soif de compétition et de violence ? D’ailleurs est-ce qu’on pourra retrouver ce sport aux JO ?
Au commencement était le roller derby ! On fait parfois remonter les origines de ce sport au début du xxe siècle. Il s’agit là d’une longue tradition de courses d’endurance ou de jeux en patins. C’est au milieu des années 1930 aux États-Unis qu’un homme d’affaires a l’idée de faire concourir des équipes dans des courses.
Dans le contexte de la Grande Dépression, les participant·es affluent et sont désespéré·es d’emporter les prix.
Très vite les équipes se bloquent, créent des stratégies qui sont incorporées au sport. Le tout est filmé et diffusé à la télévision. La vitesse et l’agressivité servent le spectacle. Les actions sont théâtrales et le port de protections ou le respect des règles sont optionnels.
Mais ces jeux finissent par disparaître dans les années 70. Jusque-là, on est bien loin d’un sport engagé et émancipateur.
Des origines capitalistes à un sport féministe et militant
Le roller derby tel que nous le connaissons naît plus tard. Tout commence au début des années 2000 à Austin au Texas. Des femmes et personnes queers s’inspirent de cette tradition de sports en patins pour se l’approprier. Elles créent leurs propres règles, mais avant tout, elles fondent des collectifs. De cette façon, elles investissent un espace qui leur est hostile, celui du sport, qui plus est un sport de glisse et de contact.
Leur pratique reste marginale : comme pour les autres sports féminins, les financements sont rares et faibles, d’autant plus pour une discipline qui ne correspond pas aux codes marketing du sport « féminin ».
Pourtant rien n’y fait, plus qu’une appropriation, un sport est né. Pour cela, elles ont dû écrire leurs propres règles, trouver des lieux pour s’entraîner, développer des stratégies, une vraie organisation qui tend vers l’autogestion et qui repose sur la communication et le soin.
Parmi ces personnes, Shauna Cross écrit un roman sur une jeune athlète en patin : Derby Girl (2007), puis le scénario du film Bliss (Whip It !) réalisé par Drew Barrimore en 2009. L’acteur Elliot Page y joue une jeune femme qui s’émancipe des attentes de féminité de sa mère. C’est l’occasion de découvrir rapidement les règles, mais surtout la camaraderie, l’appropriation du sport par des personnes qui en sont habituellement exclues ou reléguées au rôle de faire valoir, et aussi une esthétique punk et camp.
Après la sortie de ce film, le roller derby fait presque partie de la culture populaire. À partir des années 2010, le roller derby s’implante même en France. Ce sport reste confidentiel et l’épidémie de Covid met à mal les clubs locaux, mais la magie continue.
Abracadacab
Sport basé sur des règles complexes (voir encadré) et demandant un large panel de compétences athlétiques, le roller derby c’est aussi beaucoup plus. D’ailleurs il n’y a pas forcément besoin de patiner pour « faire du derby ». Pour qu’un sport d’équipe, de contact et de vitesse se passe bien, il faut plus que deux équipes.
Il faut d’abord des arbitres, beaucoup d’arbitres ! Des arbitres à rayure sur patins et des arbitres en noir à pied. Dans une approche anti-validiste, chaque volontaire peut trouver sa place et les caractéristiques de chaque joueur·euse sont prises en compte par les arbitres, par exemple pour les personnes malentendantes. Il faut aussi des bénévoles, car chaque aspect de l’organisation d’une rencontre et de la vie d’un club est assuré bénévolement par ses membres.
De part ses origines militantes, le roller derby moderne a rapidement interrogé la séparation genrée de ses équipes. Pensé dès son origine comme un sport féminin, la plupart des équipes de derby sont aujourd’hui en mixité choisie sans hommes cisgenres. L’équipe de France se définit comme une équipe féminine + et intègre plusieurs personnes trans.
Elle n’a pas manqué d’afficher son soutien aux personnes trans dans le contexte de propositions de lois transphobes de ces derniers mois. Les contours de cette mixité choisie restent le fruit de discussions régulières aux seins des équipes avec pour objectif de préserver des espaces où chacun·e peut trouver sa place.
Il s’agit de trouver une identité et de s’exprimer politiquement, ce qui passe aussi par les numéros et les noms de maillots aussi appelés derby names. En plus des numéros 666, ou 404, on retrouve de nombreux 1312 (ACAB) et autre 161 (AFA).
De la même façon, les derby names permettent également de s’exprimer, de s’approprier une identité souvent riche de jeux de mots comme Noh’Passar’Ass et autres Abracadacab. Toujours engagé et dans un souci d’inclusivité le roller derby tolère aussi les hommes cisgenres dans des équipes « All Gender ».
Institutionnaliser mais à quel prix ?
Ce sport demande un investissement collectif et personnel conséquent. En échange, les personnes qui s’y investissent trouvent un espace bienveillant où s’épanouir. Il s’agit d’un espace ouvert pour les personnes qui ont été jusque-là exclues du sport.
Le care [1] et l’écoute active jouent ainsi un rôle central pour créer des liens de solidarité puissants.
Cette tradition à la fois militante et sportive a permis à de nombreuses personnes d’accéder au sport et parfois de le pratiquer à haut niveau, mais aussi de s’investir activement dans la vie de leur équipe et de leur club.
Mais cet investissement peut peser lourdement sur les individus, et dans certains cas un désir de reconnaissance peut se traduire par une volonté d’institutionnaliser la discipline. Ce nouveau contexte peut sembler peu compatible avec l’engagement militant qui caractérise le roller derby : si l’équipe de France peut s’engager pour les personnes trans, c’est parce qu’elle ne relève pas du ministère des Sports.
Pour les personnes qui défendent une institutionnalisation, cela devrait apporter plus de moyens, permettre à des personnes de se professionnaliser et un meilleur accompagnement des joueur·euses.
Il faudrait faire peau neuve, on porterait son nom sur son maillot et un numéro moins fantaisiste par exemple.
Il faudrait sûrement aussi se plier aux règles classiques du sport, c’est-à-dire à une distinction au sein des équipes par le sexe tel que reconnu par l’administration et non par le genre tel qu’autodéterminé par les personnes, une hiérarchie surplombante qui pourrait limiter des pratiques militantes et malheureusement mener à un accompagnement dégradé pour les personnes investies dans ce sport.
On peut aussi rappeler l’état du sport féminin dans d’autres disciplines plus établies, où les pratiquantes commencent à peine à se faire rémunérer sans pour autant vraiment se professionnaliser.
On peut également faire remarquer que le mouvement #MeToo dans le sport n’a pas épargné le roller derby.
Rien d’étonnant quand on considère les violences structurelles dans nos sociétés. En revanche, la réaction a été assez virulente pour entraîner une série de démissions au sommet de la Fédération française de roller et skateboard (FFRS) [2].
Proposer une alternative
Le roller derby reste un espace à défendre ainsi qu’un espace de débat et d’innovation. Ce sport ne cesse d’évoluer et accueille maintenant une nouvelle génération avec la création d’une ligue junior. Cette évolution a mené à de nouvelles pratiques pour protéger ces nouvelles personnes.
Une progressivité dans les contacts en fonction de l’âge et du niveau a ainsi été mise en place et de même des règles pour encadrer les interactions entre des adultes et des mineurs concernant par exemple la séparation des vestiaires.
Les clubs qui souhaitent créer une équipe junior doivent également se mobiliser pour entraîner ces nouvelles recrues, ce qui représente un investissement supplémentaire de temps et d’énergie. Il faut également communiquer avec les parent·es qui bien que de bonne volonté ne sont pas toujours militant·es ni toujours au courant de la dimension politique du roller derby.
De nouvelles personnes arrivent et investissent cet espace, ouvrant ce sport à de nouveaux défis pour se maintenir et garder sa force militante, où les rencontres sont l’occasion d’échanges riches.
Si une manifestation a lieu après un évènement, la solidarité s’organise pour rejoindre le cortège après le dernier match.
L’athlétisme et la stratégie rencontrent dans le derby des valeurs fortes d’entraide, de bienveillance et de care. Il s’agit de se dépasser dans un esprit radicalement fair-play. Mais alors, y aura-t-il du roller derby aux JO 2024 ?
Ce n’est pas au programme, et pour assister à un match il faudra plutôt se déplacer dans un gymnase municipal près de chez vous. Trop compliqué, trop engagé, trop queer, les raisons sont nombreuses et c’est sûrement là l’intérêt de ce sport : proposer une alternative.
Le roller derby, c’est développer ses capacités physiques et son humanité avec radicalité. Avec plus de 4 500 licencié·es en 2024 et plus de 50 ligues en France, ce sport va continuer d’évoluer et qui sait, peut-être que vous aussi vous serez là au match avant la manif !
Angela Merguez
Le Roller Derby, mode d’emploi
Le roller derby comporte de nombreuses règles visant entre autres à rendre la pratique aussi sûre que possible pour les participant·es. On pourrait vraiment prendre des heures pour les détailler, mais on va tenter de se limiter à quelques lignes.
Le derby c’est donc un sport de contact sur patins et en équipe qui se joue sur une piste ovale, le track !
Chaque match est divisé en jams de 2 minutes maximum. Pour chaque jam, quatre bloqueur·euses par équipe sont aligné·es sur le track. Derrière elleux, il y a les deux jameur·euses, toujours une par équipe. C’est ielles qui marquent les points !
Au premier coup de sifflet, les jameur·euses s’élancent. Dès qu’un·e des jameur·euses a passé les bloqueur·euses, il lui faut faire un tour pour commencer à marquer des points.
Chaque bloqueur·euse adverse qu’ielle dépasse lui rapporte alors un point. Un jam a beau être court, l’effort demandé est intense. Heureusement 30 secondes sont prévues pour changer les lignes : les joueur·euses qui étaient sur le track sont relayées par leurs coéquipier·ères !
Pour que tout se passe bien, il y a deux personnes à pieds : la·e line-up, qui organise les lignes, et la·e bench, qui guide la stratégie de son équipe. Après deux mi-temps de 30 minutes, c’est l’équipe qui marque le plus de points qui gagne !
Avec une mi-temps de 15 minutes, cela fait une heure quinze de concentration et d’effort physique parfois brutal. Il faut donc beaucoup d’arbitres sur le terrain pour suivre un grand nombre d’actions très rapides et assurer la sécurité sur le track : jusqu’à 17 arbitres soit 7 en patins et 10 sans patins.
Le travail se fait également en amont par la formation des joueur·euses. Pour participer à un match, le club doit s’assurer que ces personnes ont les savoirs faire et connaissances théoriques de bases nécessaires pour ne pas mettre en danger les autres et ne pas se mettre en danger soi-même, ce qu’on appelle les MS, Minimum Skills.
[1] « Soucis des autres, soin, attention, sollicitude, aucune de ces traductions possibles prises isolément ne rend justice à l’enchevêtrement des pratiques qui, à différents niveaux, permettent de “maintenir, perpétuer, réparer notre « monde », de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible” », Dictionnaire des féministes, sous la direction de Christine Bard, PUF.
[2] « Violences sexuelles : démission du président de la Fédération de roller et skateboard », Le Monde, 6 mars 2020.
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1936 : L’Olimpíada Popular contre les Jeux de Berlin
Prévues du 22 au 26 juillet 1936, dix jours avant l’ouverture des Jeux nazis de Berlin, les Olympiades populaires de Barcelone ne pourront se tenir du fait du coup d’état de Franco. Une partie des sportifs et sportives venu·es sur place restera cependant et prendra les armes pour défendre la démocratie espagnole contre les forces réactionnaires et fascistes. Si ces premiers Jeux antifascistes ne purent avoir lieu, ils restent une marque de la résistance en acte de sportives et sportifs attaché·es à promouvoir par le sport, un modèle de société émancipateur et démocratique.
Face à des Jeux olympiques devant se dérouler à Berlin, capitale du IIIe Reich, et servir de vitrine à la propagande nazie, un mouvement mondial de boycott inédit s’organise, le premier dans l’histoire des Jeux olympiques. L’attribution des Jeux en 1931 à Berlin plutôt qu’à Barcelone a tenu en partie à ce que Pierre de Coubertin et certains caciques du CIO étaient « effrayés » par la jeune République espagnole… et l’avènement d’Hitler en 1933 ne les a visiblement pas dérangés plus que ça.
Aux États-Unis et en Europe des manifestations s’organisent rassemblant plusieurs centaines de milliers de personnes, des pétitions sont lancées, l’une d’elle est signée par plus de 500 000 personnes ! Un mouvement populaire antifasciste est en marche. L’Internationale rouge sportive (IRS, organisation auxiliaire du Komintern appelée également « Sportintern ») crée à Paris un Comité international pour le respect de l’idée olympique. De son côté la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), née de la réunion fin 1934, justement sous l’égide de la lutte antifasciste, des fédérations sportives socialiste et communiste, lance le slogan : « Pas un sou, pas un homme pour les JO de Berlin ! ». Si à l’image du journal Sport nombreux sont celles et ceux qui demandent « le transfert des Jeux dans un autre pays », le CIO reste droit dans ses bottes. Pire il attribue les Jeux d’hiver de 1936, à Garmisch-Partenkirchen, en Bavière… six mois après l’accession au pouvoir d’Hitler !
La campagne de boycott, réactivée en 1935, ne parvient toutefois pas à convaincre les fédérations des différents pays de ne pas aller à Berlin. En avril 1936 une Conférence internationale pour le respect de l’idée olympique se tient à Paris prend acte de l’échec du boycott et propose un autre plan, l’IRS projette en effet la tenue de « jeux sportifs populaires » dans plusieurs pays en forme de manifestations populaires antifascistes contre « l’Olympiade hitlérienne » de Berlin. L’idée d’une alternative aux Jeux olympiques n’est pas nouvelle, l’IRS a déjà organisé des Olympiades communistes alternatives aux Jeux olympiques, les Spartakiades, dont la première édition s’est tenue à Moscou en 1928.
Après la victoire du Frente Popular aux élections législatives de janvier 1936, l’IRS donne dès février la consigne à sa section espagnole, la Federación cultural y deportiva obrera (FCDO), de « prendre les dispositions pour organiser des jeux populaires espagnols en été de cette année, au moment de l’Olympiade hitlérienne de Berlin ». Issus principalement des fédérations sportives ouvrières, on estime que 6000 athlètes appartenant à 22 pays devaient participer à ces Olympiades populaires.
La cérémonie d’ouverture prévue pour le 19 juillet, devait voir défiler des équipes représentant à la fois des États-nations et des nations sans États aux côtés des juif·ves qui avaient fui l’Europe et des peuples colonisés d’Afrique du Nord. Tout un symbole internationaliste qui ne verra pas le jour. Le soulèvement nationaliste des 17 et 18 juillet prélude de la Guerre civile espagnole empêchera les Olympiades de se tenir. Une partie des athlètes prendront les armes et iront sur les barricades avec les frères et sœurs catalan·es, un athlète français en est mort, première victime internationaliste du conflit. Les troupes militaires repoussées, on dit que les athlètes ont défilé dans les rues en chantant L’Internationale dans toutes les langues.
David (UCL Savoies)
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Felicien Faury, Des électeurs ordinaires, Enquête sur la normalisation de l’extrême droite
Félicien Faury propose dans cet ouvrage, issu de sa thèse en sciences politiques, une lecture très éclairante des ressorts du vote Rassemblement national, notamment dans le sud-est de la France, terrain qu’il a arpenté entre 2016 et 2022. L’auteur se propose d’explorer « les conditions sociales du vote RN ».
Pour comprendre les ressorts sociologiques qui motivent des électeur·ices à donner leur suffrage à l’extrême droite l’auteur s’est efforcé « par l’enquête sociologique, de descendre au niveau des expériences des électeurs, des contextes dans lesquels ils vivent, afin d’identifier les logiques au fondement du pouvoir d’attraction que peut exercer sur eux un parti comme le RN ».
Félicien Faury prend le contre-pied d’une posture universitaire qui, depuis les années 1990, dans un souci de ne pas stigmatiser des groupes sociaux populaires dont elle se sait fort éloignée, tend à minorer, voire ignorer la composante raciste du vote pour le FN/RN, au profit d’autres causalités sociales. L’auteur montre en effet que le facteur déterminant du vote RN est raciale, « l’aversion entretenue vis-à-vis des minorités ethnoraciales constitue à la fois le dénominateur commun aux différentes fractions de l’électorat lepéniste et le lien entre les différentes motivations des électeurs du RN ». Mais il s’inscrit avant tout dans un contexte d’un racisme systémique qui se déploie bien au-delà des seules électeur·ices du RN.
Les électeur·ices du sud-est de la France interviewé·es ici ont en commun de connaître « une situation économique et sociale marquée par la fragilité et l’incertitude », ils et elles contestent « la redistribution et l’usage des ressources communes ». Ainsi les questions fiscales, scolaires, résidentielles deviennent-elle « les théâtres de compétitions sociales racialisées, dans lesquelles les groupes minoritaires, construits et essentialisés en tant que tels, sont perçus et jugés comme des concurrents illégitimes ».
Rendu encore plus nécessaire du fait des derniers résultats électoraux du Rassemblement national, cet ouvrage permet de comprendre, « par le bas », les motivations les électeur·ices du FN/RN. On en ressort convaincu·e que ce vote se nourrit tout autant du racisme systémique à l’œuvre dans notre société que des politiques libérales génératrices d’un accroissement des inégalités. Une fois ces constats posés, place à l’action politique.
David (UCL Savoies)
Félicien Faury, Des électeurs ordinaires. Enquête sur la normalisation de l’extrême droite, Seuil, mai 2024, 240 pages, 21,50 euros.
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JO, Coupe du monde : Le sport au service des États et du Capital
Le sport est politique. En disant cela on enfonce évidemment une porte ouverte. Les grands évènements sportifs en sont une parfaite illustration, derrière un apolitisme souvent érigé en étendard qui va jusqu’à sanctionner les sportifs et sportives exprimant leur solidarité envers des causes politiques, et notamment l’antiracisme, ils servent de vitrine politique aux régimes politiques les pires et de vitrine commerciale aux grands groupes capitalistes.
Tout est politique, et le sport n’est pas une exception. Cependant, s’il y a un domaine de la société qui s’acharne à revendiquer un supposé apolitisme, c’est bien le sport, particulièrement à haut niveau. Ce discours est martelé par les dirigeants d’institutions sportives comme la FIFA ou le Comité international olympique (CIO) depuis leur création. Selon eux, le sport serait au dessus de la politique, parce qu’il rassemble, divertit et ne cherche que le dépassement de soi. Passons sur le fait qu’aucune de ces caractéristiques n’est véritablement neutre, bien au contraire. Ce qu’ils sous entendent c’est que le sport serait indépendant du champ politique, c’est à dire des gouvernements, des partis, de la « politique politicienne ». Au fond, ce que revendique le sport c’est d’être libre de toute ingérence politique [1].
Pour laisser à ses dirigeants de grandes marges de manœuvres, mais aussi surtout car cet « apolitisme » est lucratif. Après tout, comme le justifiait le joueur de basketball Michael Jordan pour expliquer son manque d’activisme politique : « Les républicains aussi achètent des baskets ». C’est aussi pour cette même raison que lorsque des sportif·ves de haut niveau tentent timidement de protester contre le racisme en posant un genou à terre (Colin Kaepernick dans le football américain, les joueurs et joueuses de football en Angleterre...) on leur demande de se taire et de jouer au ballon. Parce que tout conflit, toute division pourrait rebuter certains et donc faire baisser les profits...
Mais cet apolitisme revendiqué est d’autant plus faux, précisément car le sport a été instrumentalisé par les pouvoirs publics depuis son institutionnalisation au xixe siècle. Les Jeux olympiques (JO) et la Coupe du monde de football en sont les exemples les plus criants. Mégas événements globaux, ils sont aujourd’hui suivis par des milliards de personnes et jouissent d’une popularité sans égal, faisant presque croire au mythe de l’union des peuples tant déclamée. À ce titre, et ce depuis le début du xxe siècle, ils ont pu servir de moyen de propagande pour les pires régimes de la planète (Italie fasciste, Allemagne nazie, Junte militaire Argentine, URSS...). Ils sont encore largement instrumentalisés de nos jours par tout type de gouvernement, jusqu’aux moins recommandables (Chine, Russie de Poutine, Qatar, France de Macron...). En plus d’une couverture médiatique gigantesque et d’une association globalement positive avec le sport, il s’agit aussi de faire état de son soft power et de projeter face au monde sa « grandeur » [2].
Sport spectacle contre investissements sociaux
La capacité à faire de ces événements sportifs un « succès » est le moyen pour beaucoup de pays de se faire une place, ou de la consolider, dans la cour des grands comme l’a revendiqué la Chine en 2008 [3]. En effet, les immenses défis logistiques et les dépenses colossales engagées (on atteint les dizaines de milliards d’euros désormais), dues aux cahiers des charges toujours plus exigeants de la FIFA et du CIO ne sont pas à la portée de tout le monde. Et tant pis si ces sommes ne sont pas investies dans le service public. En 2014, au Brésil, pays féru de football s’il en est, de nombreux habitants et habitantes ont protesté contre le manque de financement des hôpitaux et des écoles, et le gâchis d’argent public dans la Coupe du monde. Le gouvernent préféra réprimer dans la violence plutôt que de renoncer au projet [4].
Les gouvernements en veulent donc pour leur argent et utilisent autant qu’ils peuvent ces événements pour se donner une bonne image, passer sous silence leur oppression et leur corruption, ou tout simplement faire taire les dissident·es pour ne pas ternir l’image donnée au monde, et ainsi asseoir leur puissance. Mais c’est aussi une manière de faire plaisir aux capitalistes de tous bords.
Un sport façonné pour les intérêts des capitalistes
Contrairement à l’idéal annoncé, la raison principale de ces événements, ce n’est pas la beauté du sport ou l’union entre les peuples, mais de faire de l’argent. Les marques se bousculent pour devenir « fournisseurs officiels » de ces événements, obtenant des contrats d’exclusivité qui vont jusqu’à interdire à toute marque concurrente de se revendiquer affiliée à l’événement ou de faire de la pub aux alentours des stades [5]. Tout est contrôlé, marketé, et presque chaque centimètre carré de ces événements est vendu aux intérêts capitalistes. Évidemment, ces décisions vont régulièrement à l’encontre du bien commun. Ainsi alors que l’alcool dans les stades était interdit au Brésil à cause des violences qu’il entraînait, il a été ré-autorisé pour la Coupe du monde 2014 suite à la pression de la FIFA sur le gouvernement pour soutenir leur sponsor Budweiser [6].
Malgré les sommes colossales engrangées par les marques suite à ce sponsoring, très peu reviennent aux pays ou villes organisatrices. On vante souvent les événements sportifs comme étant des opportunités économiques importantes, mais c’est rarement le cas. Les revenus des JO en général ne couvrent pas les coûts immenses engrangés, payés in fine par les populations locales. Les JO de Londres ont coûté 18 millions de dollars et n’en ont rapporté « que » 5,2... dont la moitié est allée au CIO [7].
Il n’est donc pas surprenant que pour préserver leurs intérêts économiques, les institutions sportives et leurs soutiens capitalistes préfèrent une population docile et qui consomme sans perturber les choses, et n’ont donc aucun problème à confier ces événements aux pires régimes. Après tout, Jérôme Valcke, ancien secrétaire général de la FIFA avait déclaré un jour qu’« un moindre niveau de démocratie est parfois préférable pour organiser une Coupe du monde » [8]…
Ces mots n’ont jamais été plus vrais que pour les JO de Berlin 1936 en Allemagne nazie, et la Coupe du monde 1978 dans une Argentine dominée par la junte militaire. Ces deux exemples méritent qu’on les développe. Dans les deux cas, l’organisation des événements avait été confiée avant l’installation de ces régimes autoritaires qui en ont profité pour les utiliser comme des outils de propagandes. Les institutions sportives s’en sont très bien accommodées, leur seule inquiétude étant que tout se passe bien. Pour ces états, un double objectif : montrer au monde que le régime n’est pas aussi monstrueux que sa réputation, tout en renforçant son contrôle au niveau national.
Une aubaine pour les régimes dictatoriaux
Ainsi, à Berlin, les nazis ont beaucoup investi pour garantir un succès administratif et logistique des JO, tout en atténuant officiellement leur rhétorique raciste, nationaliste et antisémite. Ainsi de nombreux spectateurs étrangers sont repartis d’Allemagne en pensant que le régime nazi n’était pas si horrible [9]. Après tout, « officiellement » aucune personne juive n’était interdite de participer, mais c’est passer sous silence l’expulsion ou les disqualifications douteuses de l’essentiel des sportifs et sportives juifs et juives de plusieurs fédérations, notamment d’Allemagne mais aussi des États-Unis [10]. Finalement, très peu d’athlètes juifs et juives participeront, même si certains, comme Ibolya Czak, Juive hongroise qui égala le record d’une athlète juive allemande disqualifiée et remporta l’or, purent briller. Pour convaincre les autres nations qu’ils n’étaient pas un régime raciste, le ministère de la propagande nazie en est même jusqu’à interdire à la presse allemande de critiquer les athlètes noir·es [11].
Il faut noter d’ailleurs qu’alors que les JO devaient consacrer pour les nazis la suprématie de la race aryenne, ce fut un athlète noir américain, Jesse Owens, qui marqua les Jeux de ses performances, mettant en théorie à mal la propagande nazie. Il a beaucoup été écrit sur la portée symbolique des nombreuses médailles d’Owens, et cela a été remarqué par de nombreux contemporains des Jeux, mais le but des nazis n’était pas forcément de convaincre les autres pays de leur idéologie, sinon que d’impressionner et d’adoucir leur image. Il est d’ailleurs particulièrement significatif qu’Owens ait été globalement mieux traité par la presse nazie que par la presse américaine.
L’opposition au fascisme et à l’idéologie nazie a entraîné d’importants débats, particulièrement en France et aux États-Unis [12]. Léon Blum renonça au boycott, mais aida à la mise en place des Olympiades populaires de Barcelone de 1936. La proposition de boycott fut largement discutée par diverses fédérations, et ce ne fut qu’après un vote très serré que le comité olympique américain participa, sous l’impulsion de son président d’alors, et futur président du CIO, Avery Brundage, antisémite notoire [13]. Plusieurs athlètes juifs renoncèrent cependant à participer. Ces débats et tentatives de boycott, mirent un projecteur sur l’Allemagne et influencèrent probablement la volonté des nazis de limiter publiquement et cyniquement leur antisémitisme pour faire patte blanche. Le bilan de l’instrumentalisation des JO par les nazis est mitigé, mais il est certain que les nazis ont tout fait pour utiliser cet événement à leur avantage.
Divertir les masses, torturer les opposant·es
Dans le cas de la Coupe du monde 1978, la junte argentine s’inscrivait dans la continuité de tous les régimes autoritaires qui ont pu organiser ce type d’événements. Sujette à de nombreuses critiques politiques, mais aussi d’investisseurs capitalistes, elle mit en place une véritable stratégie marketing, faisant appel à une grande agence de communication, Burson-Marsteller, pour un contrat de plus d’un million de dollars [14] ce qui était alors inédit pour un régime autoritaire. Armé de ce plan précis, l’idée était, comme 42 ans auparavant, de faire passer le régime pour ce qu’il n’est pas, de nier son caractère autoritaire pour rassurer les autres pays, tout en renforçant son contrôle social. De fait, alors que face aux touristes le régime s’avérera très complaisant, le plus grand camp de torture, L’Escuela de Mecanica de la Armada, se trouvait à quelques centaines de mètres du stade ou se déroulait la finale. De nombreux opposants politiques entendaient même les cris du public depuis leurs cellules [15]. Certains tortionnaires poussèrent le vice jusqu’à déambuler en voiture avec des prisonniers pour leur montrer que tout le monde se fichait de leur situation.
La propagande du régime fut en partie un succès. Le résultat sportif fut indéniable, mais entaché de forts soupçons de corruption, l’Argentine devenant championne du monde pour la première fois. Cette victoire, mais aussi la liesse qui suivit fut récupérée et instrumentalisée par le régime. Ce dernier a aussi pu se targuer d’une organisation presque sans faille, saluée par les institutions sportives [16]. Il faut aussi noter que cette victoire a sûrement permis au régime de prolonger sa mainmise sur le pays en lui donnant un peu de répit. Cependant, la Coupe du monde 1978 a aussi été au centre de nombreux mouvements de boycott et de dénonciation.
Dénoncer le sport spectacle au nom de l’amour du sport
Alors que la question de l’Argentine était auparavant très discrète, ce méga événement sportif a permis de mettre à l’agenda le sujet et à entraîné un vif débat dans le monde occidental. Cela a, comme en 1936, poussé le régime à montrer son meilleur visage devant les caméras. La Coupe du monde a été un outil de propagande ambigu pour le régime, à la fois efficace mais prêtant le flanc à la critique. Il en est cependant ressorti renforcé, l’indignation mondiale étant d’ailleurs vite retombée dans les milieux militants européens, se concentrant sur les JO de Moscou de 1980 [17].
Si aujourd’hui on parle de ces grands événements sportifs dans des dictatures avec un regard critique, il ne faut pas se leurrer sur l’incroyable potentiel propagandiste qu’ils ont constitué à leurs époques. De nos jours, les logiques sont les mêmes. Les gouvernements se servent de ces événements pour renforcer leur soft power, redorer leur image, mieux asseoir leur domination nationale et internationale, mais aussi pour renforcer les intérêts capitalistes les plus outranciers. Alors que les JO vont avoir lieu en France en 2024 il est urgent de se rappeler du passé, de voir ces événements pour ce qu’ils sont et de les dénoncer, jusqu’à lutter directement contre, même et surtout si on est fan de sports.
Sano (UCL Marseille)
[1] Jacques Defrance, « La politique de l’apolitisme. Sur l’autonomisation du champ sportif. », Politix, vol. 13, n°50, deuxième trimestre 2000, p. 13-27
[2] Jean-Marie Brohm, Le sport-spectacle de compétition : un asservissement consenti, Quel sport ? Éditions , 2020
[3] « JO : Pékin célèbre la “renaissance” de la Chine, le monde », Le Monde, 7 août 2008.
[4] « Brazilian anti-World Cup protests hit Sao Paulo and Rio », BBC, 16 mai 2014.
[5] « Fifa foils Pepsi ambush », The Guardian, 11 juin 2002.
[6] « Brazil World Cup beer law signed by President Rousseff », BBC, 6 juin 2012.
[7] « The Economics of Hosting the Olympic Games », Étude du Council on Foreign Relations, Cfr.org
[8] « La Fifa : “Un moindre niveau de démocratie parfois préférable pour organiser un Mondial” », Le Nouvel Obs, 25 avril 2013.
[9] Allen Guttmann, « Berlin 1936 : The Most Controversial Olympic », National Identity and Global Sports Events, Alan Tomlinson et Christopher Young (dir.), State University of New York Press, 2006.
[10] Ibid.
[11] Ibid.
[12] Richard D. Mandell, The Nazi Olympics, University of Illinois Press, 1987.
[13] « Racist IOC President Avery Brundage Loses His Place of Honor », The Nation, 25 juin 2020.
[14] Jean-Gabriel Contamin et Olivier Le Noé, « L’événement sportif comme opportunité : contingence et réversibilité des usages politiques du Mondial de 1978 en Argentine », Les usages politiques du football, L’Harmattan, 2011.
[15] Eduardo Archetti, « Military Nationalism, Football Essentialism, and Moral Ambivalence », National Identity and Global Sports Events, Alan Tomlinson et Christopher Young (dir.), State University of New York Press, 2006.
[16] Jorge Lanata, Argentinos. Tomo 2 Siglo xx : desde Yrigoyen hasta la caída de De la Rúa, Ediciones B, 2003.
[17] Jean-Gabriel Contamin et Olivier Le Noé, « La coupe est pleine Videla ! Le Mundial 1978 entre politisation et dépolitisation », Le Mouvement Social, 2010, tome 1, no 230, p. 27-46.
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Against fascism, let's reinvent hope
The anti-fascist electoral surge deprived the far right of a majority. That surge, however, is but a reprieve. The popular mobilization that served as a last-ditch attempt to put up a bulwark against the far-right must now turn into a long-term effort to rebuild the political,
union and associative tools for the emancipation of our social class—that of workers. Only by offering an appealing political alternative based on equality and justice can we make the far- right retreat.
With the blessing and support of conservative Catholic billionaire Vincent Bolloré and his media empire (Canal+, CNews, Journal Du Dimanche, Paris-Match, Europe 1...), the Rassemblement National has joined forces with Ciotti's Les Républicains. This alliance enabled the fascists to double their electorate and dangerously increase the number of their MPs. Additionally, Bardella has been appointed leader of the the far-right, pro-Putin group in the European Parliament.
The RN's electoral momentum is unleashing racist, homophobic and transphobic physical and verbal aggression on the streets and in the workplace... As the third-largest political force in the Assembly but the leading political party per say (with the main other political forces being coalitions), the RN will be able to reinforce its "anti-establishment" discourse in anticipation of the 2027 presidential election, as well as its "only party we haven't tried yet" narrative. The danger remains.
Parliament without a majority
The parliament is in turmoil, with much happening behind the scenes. Bourgeois democracy, in which elected representatives are virtually free of any popular control, is momentarily on hold. Whatever comes out of this situation, it won't satisfy the urgent social, economic, ecological and anti-racist demands. Nor will it live up to the aspirations for equality and justice of women, working-class neighborhoods and LGBTI minorities. At best, we may cling to the hope that the compromises that will inevitably have to be made between the three political blocs will curb the attacks against our social class.
Rekindling the flame of political struggle
“The left“ has suffered so many disappointments, from Stalinism to social-liberalism, that left-wing people have gradually but massively turned in on themselves, leaving the field to a Macronism that prided itself on supposedly “overcoming the left-right divide“—ultimately allowing the worst of reactionary ideas to flourish.
Faced with the hegemony of Bolloré's conservative media machine and pumped up far-right militants, these left-wing people have finally woken up, somewhat in panic. This awakening must be the starting point for reconquest and reconstruction. Ideological reconquest against the economic fatalism that ultraliberal capitalism is foisting on us, and reconstruction of the tools of our resistance.
Moral panic over “threats to the French identity“
While the electoral success of the far-right can be partly explained by the crisis of capitalism and the neo-liberal policies implemented over the decades, we have to face up to the ever-growing adherence, on our own side, to racist ideas and moral panics over the threat to “French identity” posed by French people of foreign origin or dual nationality, or migrants seen as “enemies from within”. This acts as fuel for the far-right, but we need to measure the responsibility of the State and decades of racist and colonial policies, stigmatization and discrimination from both the right and the left, in the name of so-called “republican values”. In order to fight the far-right, we must cut it down where it takes root.
In the face of the fascist peril and the insatiable hunger of the capitalist class, we need to rebuild our unions and our capacity to conduct serious strikes. We need to rebuild or develop our neighborhood councils and our feminist, anti-racist and environmental struggle associations on more combative foundations so as to make them fit for organizing actions that may be both radical and massive.
Making communism desirable again
The Nouveau Front Populaire (New Popular Front), if it even is to last, will not be the tool of renewal. Social democracy will not live up to its promises and to the challenges ahead. We need to move on from an anti-capitalism that's too often being reduced to vague slogans, to a bold and determined defense of communism as the only credible alternative to capitalist globalization and the wars between major imperialist powers that threaten us—as in Ukraine—and keep peoples in a state of misery and domination—as in
Mayotte, Kanaky or Palestine.
Faithful to their traditions, anchored in popular organizations and struggles, libertarian communists must, more than ever, carry high their project for society: socialization of the means of production and self-management of society with the tools of direct democracy.
Union Communiste Libertaire, July 8, 2024
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Avec tous tes frères étrangers, de la MOE aux FTP-MOI, Dimitri Manessi et Jean Vigreux
Le 21 février dernier, 80 ans jour pour jour après sa exécution, Missak Manouchian entrait au Panthéon accompagné de son épouse Mélinée. De beaux discours furent prononcés pour rendre hommage et saluer le résistant arménien « mort pour la France »… et notamment par ceux-là même qui votaient une énième loi immigration qui fut saluée par les descendant·es politiques des assassins des Manouchian et de ses autres camarades de l’Affiche rouge.
Un voile pudique a cependant été posé sur le parcours du militant communiste Manouchian et sur l’importance dans la résistance de ces militant·es communistes de langue étrangère organisé·es avant la guerre dans la Main-d’œuvre étrangère, qui devient par la suite MOI, la Main-d’œuvre immigrée au sein de la Confédération générale du travail unitaire (CGTU) et du Parti communiste. C’est cet oubli que vient réparer l’ouvrage dense et richement documenté de Dimitri Manessis et Jean Vigneux, déjà co-auteurs chez Libertalia en 2022 de l’excellent Rino Della Negra, footballeur et partisan.
De la création des groupes de langue au sein de la CGTU à la résistance armée qui donnera naissance aux FTP-MOI, en passant par l’engagement dans les Brigades internationales et jusqu’à la fin de la MOI dans les années 1952-1953, les auteurs retracent, dans ce qu’ils présentent comme une première synthèse, l’histoire sinueuse de ces militants et militantes, même si ces dernières sont victimes d’une « (double) invisibilisation ». Si la mémoire communiste a su dès le début des années 1950 mettre en avant ces militant·es résistant·es de la FTP-MOI, « frères » et « sœurs » en humanité comme ont dit alors dans le discours communiste, l’histoire des rapports entre ces groupes organisés selon la langue (plutôt que la nationalité) : Italiens, Juifs, Arméniens, etc., fut plus compliquée et parfois réellement conflictuelle.
L’ouvrage, en redonnant corps aux combats de la MOI au-delà de la seule évocation de l’Affiche rouge, replace ces militant·es dans une histoire des luttes ouvrières où se mêlent luttes sociales, xénophobie, internationalisme et mémoires militantes, leur rend un hommage autrement plus sincère que les « honneurs de la République ».
David (UCL Savoies)
Jean Vigreux, Dimitri Manessis, Avec tous tes frères étrangers. De la MOE aux FTP-MOI, Libertalia, février 2024, 270 pages, 10 euros.
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Extrême droite aux élections législatives : Une contre-offensive de classe et de masse [est nécessaire]
« Nous ne sommes pas effrayé·es le moins du monde par les ruines. Nous allons hériter de la terre, cela ne fait pas le moindre doute. La bourgeoisie peut détruire et ruiner son propre monde, avant de quitter la scène de l’histoire. Nous transportons un monde nouveau, ici, dans nos cœurs ». Buenaventura Durruti, ouvrier anarcho-syndicaliste espagnol.
Quels que soient les résultats des élections législatives anticipées, sans renier que ces résultats influeront sur la situation politique et sociale immédiate, nous devrons continuer à nous mobiliser pour faire avancer nos revendications. Seules les luttes collectives pourront constituer une alternative au libéralisme et au fascisme. Sur quoi pouvons-nous nous appuyer dans cette période ? Quel est le rôle des révolutionnaires ? Comment faire pour arracher des victoires ?
Les grèves se multiplient depuis la crise du Covid-19
S’il y a un mouvement de fond installé depuis le Covid-19, c’est bien celui de la conflictualité dans les lieux de travail. Entre 2021 et 2022, le nombre de journées individuelles non travaillées pour fait de grève a augmenté de 71% ! À la première place des revendications : la rémunération.
En Loire-Atlantique, plusieurs secteurs ont connu des grèves cette année, dont la métallurgie, l’agro-alimentaire, le BTP (INEO, filiale de Bouygues), la presse (Ouest France), les sociétés de services numériques (Smile, Capgemini, Accenture), etc. Pour ces deux dernières entreprises, il s’agit d’un événement en soi, tant le secteur est un désert syndical proportionnellement au nombre de salarié·es.
Les chiffres ne suffisent pas
Notre camp dénonce souvent les chiffres de milliards de profits des capitalistes pour mobiliser. Mais cela a un effet distanciant, les chiffres étant trop éloignés de la réalité des travailleuses et travailleurs. Les grèves des travailleuses et travailleurs partent d’un constat simple : la difficulté à boucler les fins de mois, l’arbitraire du patron, les conditions indignes, etc. Savoir que l’entreprise fait des bénéfices record est important, mais ce n’est pas l’information principale pour lancer une grève. C’est la réalité du terrain qui prime.
La majorité des patrons d’entreprises, souhaitant l’arrêt des grèves, revoient leur propositions à la hausse. Si les propositions sont tellement basses que le patronat maîtrise la marge de hausse, cela n’en fait pas pour autant une défaite pour notre camp. Car il faut voir aussi ce qu’un climat de grève permet dans une entreprise. Prenons l’exemple de la grève de février 2024 dans l’entreprise Kuehne Nagel près d’Angers [1]. L’activité sur la plateforme a commencé en 2020, employant 400 salarié·es, majoritairement des intérimaires et des travailleuses et travailleurs immigré·es. Les conditions de travail y sont particulièrement difficiles, les salaires bas, et la précarité partout.
Aucune organisation ni culture syndicale n’était présente. Le travail de persévérance d’une équipe syndicale ne faisant pas partie de l’entreprise, et l’aide de l’Union locale CGT pour s’implanter dans cette usine, a permis la création d’une petite section, du lien avec les autres ouvriers et ouvrières une dynamique de solidarité entre les intérimaires et les internes. Suite à l’annonce d’une augmentation de la cadence qui s’ajoute à toutes les autres conditions d’exploitation, 200 salarié·es en CDI, et jusqu’à 90% d’intérimaires décident de faire grève. D’abord par des débrayages de deux heures les deux premiers jours et grève avec occupation de l’usine les deux derniers jours.
Des possibilités ouvertes
Pris de court, et avec des tentatives échouées de divisions, le patron a alors dû signer un accord de fin de grève au bout des quatre jours avec :
1. l’annulation de l’augmentation des cadences ;
2. l’embauche de 80 intérimaires en CDI ;
3. l’augmentation de 130 euros par mois de la prime de productivité. Une vraie victoire au regard de la situation moins d’un semestre avant !
Sans oublier la culture de liens et de solidarité qui se noue entre les travailleuses et travailleurs depuis cette mobilisation, cet exemple nous montre :
1. L’importance d’une Union locale interprofessionnelle combative qui a apporté l’expérience de ses militant·es (juridiques, d’anticipation des pièges du patron, de soutien logistiques etc.) à des travailleuses et travailleurs qui ne voulaient plus se laisser faire.
2. Que même dans le secteur privé avec différents types de contacts (CDI, intérimaires, etc.) c’est possible de faire grève et de gagner.
Mais les quelques victoires éparses dans les entreprises ne peuvent cacher la forêt de la destruction de la planète et des conditions de travail. C’est pourquoi nous devons nous renforcer et nous saisir des outils de défense de notre classe et ouvrir les brèches. Malgré ses imperfections et ses limites, le syndicat est un outil d’organisation central dans le lieu de travail. Sans doute, ses formes actuelles ne répondent pas à toutes les configurations des lieux de travail, ni aux transformations majeures des dernières décennies.
Notre rôle en tant que révolutionnaires
Notre rôle est de bâtir notre force collective dans l’outil syndical, sans le vider de son sens politique : un moyen de maintenir la conflictualité, même défensive, entre nous producteurs et productrices de richesses et le Capital. En tant que communistes libertaires, si nous avons appelé à faire le choix tactique de voter Nouveau Front populaire pour empêcher l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, nous restons convaincu·es que notre rôle est de participer, renforcer et unifier les luttes qui émergent de notre classe sociale.
Que ce soit sur les salaires, les luttes écologiques, les luttes anti-impérialistes, contre les guerres, ou les oppressions. Notre énergie doit être concentrée sur cet objectif : organiser notre classe, notre camp social. La puissance d’agir et du changement de la réalité viendra de la mobilisation des masses.
S’organiser sur le temps long
Nous avons perdu la bataille pour nos retraites en 2023 ; l’étau de la bourgeoisie asphyxie notre quotidien. Aujourd’hui, notre classe est menacée par l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Si les perspectives de ré-enchantements révolutionnaires et émancipatrices ne se dessinent pas sur le futur proche, cela ne doit pas imposer la fatalité de la défaite, ou la résignation.
Faisons le bilan de nos engagements et de nos actions, ce qui n’a pas fonctionné dans les mouvements sociaux et nos erreurs, et construisons par les plus petites actions notre pouvoir d’agir sur la réalité. En commençant par ce qui peut paraître banal : s’ancrer dans son territoire et tisser les liens dans le quartier, le lieu de travail, lieu d’apprentissage et avec son entourage. Nulle force de lutte sans ancrage.
UCL Nantes
[1] « Près d’Angers, pourquoi les intérimaires et les salariés en CDI font grève à Kuehne-Nagel », Ouest-France, 1er février 2024.
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Ni oubli, ni pardon : Honorer Clément Méric en faisant vivre ses combats
Après un hommage massif d’une semaine pour les 11 ans de l’assassinat de Clément Méric par des fascistes, la manifestation de cette année a été marquée par l’actualité, notamment internationale.
Comment faire vivre la mémoire de nos luttes au présent ? La manifestation du 1er juin en l’hommage de Clément, militant antifasciste assassiné en 2013 par des néo-nazis, en a apporté un exemple concret. La manifestation syndicale et politique annuelle s’est en effet tenue dans un contexte particulier, quelques jours après le début de l’offensive meurtrière israélienne sur Rafah et alors que l’État français envoyait l’armée mater la révolte du peuple kanak contre la modification de la loi électorale visant à faire taire les voix indépendantistes.
C’est donc dans une dynamique unitaire large et anticoloniale qu’un cortège particulièrement massif de milliers de personnes s’est réuni dans les rues parisiennes, particulièrement jeunes. Les mots d’ordre mettaient en avant une lutte commune contre la violence coloniale et raciste, qui sert de ferment au développement de l’extrême droite. La dimension internationale des meurtres fascistes a été rappelée en mettant en avant les autres camarades assassinés ces dernières années en Europe, comme le rugbyman Federico Aramburu à Paris en 2022. Et c’est afin de renforcer notre solidarité avec les luttes en cours contre tous les colonialismes que l’UCL a défilé parmi les organisations indépendantistes kanaks, venues en nombre. Les organisations syndicales étaient également présentes, principalement Solidaires, mais également la CNT et la CGT, pour rappeler que l’antifascisme est bien une lutte syndicale.
Car tant que les racines matérielles de l’extrême droite ne seront pas arrachées, elle demeurera un danger mortel pour notre camp et notre classe. C’est pourquoi il faut mener haut notre opposition au racisme, au patriarcat, à la transphobie et à l’homophobie, au capitalisme et au colonialisme, qui nous divisent et se nourrissent les unes des autres dans un monde toujours plus inégalitaire et violent.
Et la vague d’extrême droite lors élections européennes une semaine après cette manifestation, notamment en France, ne fait que confirmer cette nécessité urgente : seule l’unité antifasciste la plus large nous permettra de reprendre l’initiative. Elle est nécessaire, sur une base révolutionnaire et populaire, pour proposer une nouvelle société plus désirable que celle de la haine de tous contre chacun et du renforcement des oppressions. Renforçons les syndicats, les collectifs Palestine, les associations trans et féministes, les organisations antiracistes, et menons ensemble les luttes unitaires à partir de la base qui, seules, pourront véritablement mettre fin au fascisme.
Hugo (UCL Paris Nord Est)
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Les Utopiques n°25 : 25 ans, cela se fête !
Comme indiqué dans la revue, cette date des 25 ans de Solidaires est en partie inexacte puisque l’histoire narrée dans une des contributions renvoie à 28 ans, si on évoque SUD PTT, et SUD Santé remonte à 36 ans. Si on s’attache à l’histoire de Solidaires celle, de Solidaires Finances publiques, la jauge atteint 76 ans et même 106 ans en ce qui concerne le Syndicat national des journalistes (SNJ), fondé en 1918. Mais alors, pourquoi cette approximation des 25 ans ? La réponse tient dans le concept de mémoire collective de cette organisation qui est le fil conducteur de ce numéro.
La date retenue symboliquement est le congrès de décembre 1998 où fut décidé de mettre « Solidaires » dans le nom statutaire commun à l’ensemble des syndicats SUD (pour « Solidaires, unitaires, démocratiques ») et autres composantes des organisations qui composaient alors « le Groupe des dix ». Mais ne nous égarons pas en chemin en arrêtant l’histoire à une forme de commémoration. Ce numéro est tout sauf cela. Le sujet reflète davantage le partage, l’échange, la pluralité d’un apprendre ensemble et solidifier des liens de solidarité interprofessionnelles.
L’Union syndicale Solidaires repose sur des cheminements divers ; sur des professions différentes, sur des parcours syndicaux multiples : les rédacteurs et rédactrices durent faire des choix éditoriaux pour refléter cette diversité. Premier objectif, représenter les différentes facettes de l’histoire de Solidaires d’où pour les plus anciens : un article sur le Syndicat national des journalistes (SNJ), un autre sur le Syndicat national unifié des impôts (SNUI, aujourd’hui Solidaires Finances publiques). SUD PTT et SUD Santé Sociaux ne sont pas non plus oubliés ni cette grève de 1995 qui fut « l’éclosion des SUD », évoquée par Christian Mahieux à travers l’exemple du secteur ferroviaire.
L’expérience de SUD Industrie est également relatée pour illustrer le cheminement de syndicats d’entreprise vers des syndicats départementaux. Les Unions interprofessionnelles locales et départementales sont des pièces essentielles du syndicalisme des SUD. L’expérience en Loire-Atlantique raconte ici ces évolutions. Le numéro se compose aussi de regards sur l’activité militante, sur ces débats organisationnels et syndicaux qui ont structuré et formé ces particularités de gestion interne comme la recherche du consensus et le refus de se limiter à des rapports de pouvoir de majorité/minorité.
Le volume anniversaire entre en résonance avec la volonté d’ouvrir Les Utopiques aux autres courants syndicaux, aux contributions de militantes et militants d’autres organisations. Engagements militants, intelligence politique mais également respect des personnes, autant de fils conducteurs des SUD, se connaître, se respecter et agir ensemble pour gagner des revendications, n’omettant jamais de penser une société plus juste et plus humaine. Essayer de vivre et de penser une relation égalitaire et confiante !
Nombreux et nombreuses sont les personnes impliquées dans ce numéro spécial, qui n’est pas un hommage ni lefruit d’un culte de la personnalité ou d’une quelconque idolâtrie ! C’est un numéro pluraliste, à l’image des Sud, dans lequel s’y croise plus de noms, de photos de militantes et de militants qu’à l’accoutumée. En résumé, c’est un volume foisonnant qu’offre là Les Utopiques, qui se veut l’expression de cette citation. « Mais l’outil commun, Solidaires, n’est propriété de personne, il nous appartient à tous et toutes, celles et ceux qui l’ont fait vivre, le faisons vivre, le ferons vivre ; vivre et évoluer en fonction d’une perspective, celle de l’émancipation sociale. Le syndicat est à chacune et chacun d’entre nous, mais n’existe et n’est utile que sous sa forme collective. » Souhaitons encore de nombreux printemps à cette revue et à cet esprit solidaire. On associe souvent les 25 ans à l’âge de raison, n’omettons pas la déraison.
Dominique Sureau (UCL Angers)
Les Utopiques, n°25, éditions Syllepse, avril 2024, 192 pages, 15 euros.
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Dossier #AlternativeLibertaire : Face aux JO, construire un sport émancipateur et solidaires
- Jeux Olympiques, Coupe du monde : Le sport au service des États et du Capital
- Histoire : Aux origines antifascistes du foot féminin italien
- 1936 : L’Olimpíada Popular contre les Jeux de Berlin
- Roller derby : Construire un sport féministe et queer
- Palestine : Le football palestinien dans la résistance
- Antiracisme : Islamophobie dans le foot : le RN et la FFF contre les femmes
- Football : Carton rouge…et noir ?
- Footballeurs contre la dictature : La « démocratie corinthiane », une utopie footballistique
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Législatives : Les élections, thermomètre passif du fascisme
Face à la possibilité imminente de l’arrivée de l’extrême droite à Matignon, l’Union communiste libertaire a fait le choix d’appeler à voter « sans illusions ni scrupules » pour lui barrer la route. Un choix tactique, qui n’éclipse pas une critique de fond de la démocratie bourgeoise.
La récente dissolution de l’assemblée nationale après les élections européennes a mis en évidence le fait qu’un système politique peut être profondément anti-démocratique tout en reposant sur un système de suffrage universel. Tout d’abord, l’absence de délai raisonnable entre l’annonce des élections législatives et leur tenue a rendue impossible toute campagne pour les partis : ces derniers n’ont pas eu le temps nécessaire pour former ou réactiver leur base militante, adapter leurs supports de communication ou faire connaître leurs candidat·es en les associant à des éléments forts de leurs programmes.
Un cadre qui favorise l’extrême droite
Ce délai très court a donc créé, de fait, une rupture entre les catégories sociales disposant du temps et des outils pour rechercher les informations liées aux programmes (qu’il s’agisse des projets des partis ou de la critique qui peut en être faite) et les autres. De même, les débats qui jalonnent une campagne demandent une préparation des candidat·es, qui doivent être formé·es à la présentation des idées ou aux discussions en opposition sur des points de programmes précis, et permettent normalement de faire connaître les lignes directrices des différents partis à l’ensemble des électeurs et électrices.
Le processus démocratique associé à l’élection doit donc laisser à ces derniers et dernières une période de réflexion et de discussion qui prend appui sur les débats publics, afin de construire une opinion avant le vote. En l’absence de discussion et d’espace de réflexion, les idéologies les plus répandues dans le contexte social bénéficient d’un avantage de fait dans le débat d’idées, puisque leur implantation leur donne une apparence de simplicité et de « bon sens ». Dans le contexte actuel de montée lente mais inexorable de l’extrême droite, les idées fascistes et réactionnaires bénéficient donc d’un avantage sur celles des mouvements de gauche, puisque ce sont elles qui sont les plus discutées au quotidien dans l’espace public.
Des logiques autoritaristes
Selon une analyse plus globale des systèmes électoraux, ils sont par essence vecteurs d’épuisement militant : les élections concentrent l’engagement sur des périodes très réduites, durant lesquelles l’investissement dans les tractages, recherches de signatures... deviennent le centre de la vie des militant·es, avant de cesser brutalement après l’élection. Ce surinvestissement sur des temps courts favorise des logiques d’implication à court terme, les militant·es étant, à l’issue de l’élection, souvent trop fatigué·es et parfois trop peu formé·es pour entamer un travail de fond le reste de l’année. Les mécaniques électorales favorisent donc un fonctionnement basé sur des engagements ponctuels, avec un début et une fin,qui ne permettent pas de s’engager efficacement pour la diffusion d’idées progressistes, condamnant la gauche à la réaction par rapport au travail de sape des droits organisé par les droites.
Ce processus est accentué par la constitution de collectifs qui, à l’image de LFI, ne se constituent pas en parti à proprement parler et négligent la formation de fond de leurs militant·es. L’investissement fort demandé au moment des élections favorise également un engagement émotionnel, souvent associé étroitement à la personnalité d’un·e candidat·e, qui amplifie la fatigue et entretient des logiques autoritaristes en faisant incarner un ensemble d’idées par une personnalité plutôt que par un groupe. Ce fonctionnement hiérarchisé entre des leaders et un collectif qui les soutient ne permet pas d’assurer un fonctionnement participatif au sein du parti lui-même. Les militant·es n’ont que peu d’influence sur les idées portées par le parti et sur ses lignes politiques, sauf à réussir à monter en hiérarchie, processus qui favorise les personnes les plus privilégiées dans la société (hommes blancs, cis, hétéros, valides).
Cet engagement quasi religieux a pu être retrouvé dans les appels au vote durant la campagne des législatives, au cours de laquelle toute analyse matérialiste de la situation a été rejetée en bloc au prétexte de l’urgence du moment. De même, la réaction de sidération collective à l’annonce des résultats du premier tour est symptomatique d’un manque d’engagement collectif à long terme. Les résultats de l’extrême droite sont équivalents à ceux obtenus lors des élections européennes et reflètent l’ambiance sociale réactionnaire des dernières années en France où les idées fascistes sont de plus en plus présentes depuis au moins les années 1980, soutenues par les gouvernements successifs justement pour servir un agenda électoral.
L’illusion d’un choix
Pour finir, le système électoral ne permet pas d’assurer une représentation des idées et ne constitue pas un mode d’expression pour la population votante, ce qu’il n’a par ailleurs pas vocation à faire. L’absence de comptabilisation des votes blancs, tout d’abord, rend toute une partie de l’opinion exprimée inaudible. Les élections n’ont donc pas pour fonction de représenter les idées des votant·es puisque seuls les soutiens exprimés en faveur d’un parti sont comptabilisés, d’autant que les votes exprimés en faveur d’un parti sont rarement des votes d’adhésion. L’absence d’infléchissement des lignes des partis par leur base ainsi que l’échec des initiatives d’assemblées citoyennes mises en place ces dernières années rend en effet l’expression directe de la population impossible dans ce cadre, d’autant plus dans un système français caractérisé par son centralisme et la concentration des pouvoirs. Le vote, présenté comme un moyen d’expression par les classes politiques et par une grande partie de la population au cours de la campagne de ces dernières législatives, est donc le plus souvent un choix par défaut, même en dehors des périodes d’union face à une menace fasciste.
En donnant l’illusion d’un choix, les élections visent par contre au maintien et à la stabilité du système en place en réduisant autant que possible l’écart entre les opinions dans la population et les gouvernements. Elles sont donc un outil de conservation d’un pouvoir en place, qui favorise par nature les idées réactionnaires, par lequel un changement radical de la société est impossible. Le système politique français doit être vu comme un outil de légitimation d’un pouvoir en place, y compris lorsqu’il est fasciste. Les votes récents pour l’extrême droite illustrent donc l’avancée des idées fascistes dans la société française et ce processus ne peut être stoppé par les urnes : les idées fascistes avancent sur le terrain et le vote peut permettre de repousser l’échéance de leur arrivée au pouvoir, mais reste sans effet sur leur diffusion. Cette dernière lutte ne peut se mener que par un investissement au long court dans le combat contre l’extrême droite.
Marco Pagot
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Elections européennes : cinquante nuances de brun sur l'Europe
À l’heure d’écrire cet article, les effets des élections européennes sont encore incertains en France, où Macron a décidé de dérouler le tapis au Rassemblement national par la dissolution de l’Assemblée nationale. Mais si dans l’hexagone l’extrême droite a connu un bond électoral spectaculaire, ce scrutin a malheureusement été l’occasion de constater que la progression concerne toute l’Union européenne. Y a-t-il basculement du continent vers le brun ? Quelles conséquences possibles pour les travailleurs et travailleuses européennes ?
Rappelons déjà les fondamentaux : dans le fonctionnement de la mégastructure européenne, le Parlement européen qui vient de se renouveler a finalement des possibilités limitées. Certes, il vote les directives rédigées par les commissaires européens et le budget, qu’il peut amender, mais il partage ce vote avec le Conseil de l’Union européenne (l’ensemble des ministres des États membres par domaine), et il ne possède pas l’initiative législative. Il ne dicte pas non plus les orientations politiques de l’UE, prérogatives du Conseil européen (qui rassemble les chefs d’États ou de gouvernement de chaque État). Il ne gère pas la politique monétaire, prérogative de la Banque centrale européenne.
À bien y regarder, ce n’est pas là que le pouvoir réside vraiment ! De quoi relativiser d’emblée l’enjeu de ces élections ou leur réelle portée démocratique, et avec une participation à 51% pour l’ensemble de l’UE (ajoutée à des différences de scrutins entre États qui compliquent la lisibilité du scrutin), il semble bien que ce soit le désintérêt pour cette mise en scène qui ait guidé les classes populaires d’Europe.
Une extrême droite multiforme
Même en prenant en compte ces éléments, il n’en reste pas moins que 180 parlementaires de toute l’extrême droite européenne ont été élus le 9 juin dernier (sur 705 sièges). Dans la plupart des pays de l’UE, l’extrême droite a obtenu des postes, ce qui lui assure ressources et positions supplémentaires. Seuls trois pays, la Slovénie, l’Irlande et Malte, n’ont pas d’élus de ce bord. Cependant, cette progression est inégale selon l’endroit, et l’extrême droite ne présente pas un visage uniforme.
Il y a bien sûr, à l’instar du RN (30 élus), du FPÖ en Autriche (six élus) ou de Fratelli d’Italia en Italie (24 élus), les mouvements historiques de l’extrême droite européenne, qui sont les descendants des organisations directement créées par les partisans du fascisme après-guerre. Généralement ces partis ont tout fait pour gommer cette filiation et présenter une face « respectable ».
Aux côtés de ces formations anciennes, se retrouve aujourd’hui l’ensemble des partis portés par leur « euroscepticisme » et la préférence nationale qui ont pu se créer en surfant sur les déceptions de la politique européenne : c’est notamment le cas de l’AfD allemande (quinze élus), à l’origine un parti libéral et souverainiste, ou encore du Parti pour la liberté hollandais (huit élus), de Vox en Espagne (six élus), ou de Chega au Portugal (deux élus). D’autres encore ont une histoire hybride, comme La Lega italienne (huit élus), ou encore le Fidesz hongrois (onze élus) qui fut jusqu’à présent classé seulement à droite malgré la politique illibérale, nationaliste et autoritaire de son leader Viktor Orban.
Enfin de manière plus marginale se trouve des mouvements ouvertement fascistes comme Notre Patrie hongrois (un élu), Reppublikka en Slovaquie (deux élus), ultraconservateur comme Confédération en Pologne (six élus) ou encore le Mouvement démocrate Patriote grec (un élu), ultranationaliste comme les mouvements AUR et Renaissance en Roumanie et Bulgarie (respectivement six et trois sièges) ou plus atypique comme le mouvement « Il y a un tel peuple » bulgare (deux élus), ou « La fête est terminée » en Espagne (trois élus).
Les différences de formes et de positions n’ont d’ailleurs rien à voir avec les groupes dans lesquels siègent ces formations au Parlement européen : ainsi, le RN français, dans le groupe Identité et démocratie, se retrouvera au côté de La Lega italienne, là où Fratelli d’Italia, siégera avec Reconquête au sein des « Conservateurs et réformistes européens » – où se retrouve les partis les plus radicaux. Une partie des organisations, nouvellement élues, sont sans groupe ou n’ont pas encore choisi.
Le racisme et l’exclusion comme fond commun
Au-delà, ces distinctions n’ont pas vraiment d’importance en soi, les groupes ne reflétant pas non plus les positions prises. Car si les égoïsmes nationaux guident fondamentalement ces formations politiques ils les divisent aussi entre elle. Un autre sujet clivant au sein de l’extrême droite et qui en limite la cohésion est le soutien à l’Ukraine en guerre. Une partie importante de l’extrême droite se présente comme pro-russe (en Hongrie, Bulgarie, Roumanie...) là où une autre considère la Russie comme un ennemi héréditaire (dans les pays Baltes, en Pologne...).
Mais pour le reste, elles ont largement plus en commun : une vision réactionnaire et conservatrice de la place des femmes, réduite à la natalité, la répression des minorités sexuelles, la chasse aux immigré·es, l’anticommunisme et par extension la haine de la gauche, la mise en pièce des libertés individuelles.
Économiquement, même si quelques différences peuvent se sentir, elles sont à grande majorité libérales dans la droite lignée des politiques menées en Europe, contrairement à la démagogie qu’un parti comme le RN peut distiller en France. On ne peut que constater le cynisme de ces formations, qui, se nourrissant d’un ressentiment légitime envers la politique d’austérité et de casse des services publics européenne, en sont finalement l’un des plus grands soutiens. Enfin, elles ont en commun leur défense absolue du modèle économique productiviste et sont vent debout contre les mesures écologiques, même timides, proposées en Europe.
Une UE toujours plus conservatrice et antisociale
Finalement, si les divisions de l’extrême droite européenne vont limiter son pouvoir de nuisance, le poids qu’elle a acquis au travers du Parlement européen, doublé de sa présence ou participation au pouvoir dans six gouvernements européens (Italie, Finlande, Hongrie, Croatie, Slovaquie et Suède), en font un danger non négligeable, notamment dans les tractations menées pour nommer les commissaires européens, qui sont les véritables artisans exécutifs des orientations européennes, et où elle pourrait appuyer les personnalités les plus rétrogrades.
Mais au-delà des structures caractérisées comme telles, c’est bien la diffusion des idées de l’extrême droite dans les autres formations politiques et l’ensemble de la société européenne qui représente le principal défi aujourd’hui. À cela doit répondre chez les révolutionnaires une pratique internationaliste antifasciste forte, la construction de luttes sociales communes, un travail en commun plus fort entre nos organisations politiques et l’aspiration à un projet politique anticapitaliste, démocratique et égalitaire qui dépasserait les frontières.
Hugues (UCL Fougères)
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Don’t Mourn, Organize ! [Agir au lieu de gémir] Edito
La période qui s’ouvre est emplie d’incertitudes. Allons-nous, après la frénésie électorale, bientôt suivie par la frénésie olympique, retomber à la rentrée dans le train-train des manifs-ballons où les militant·es se rendent comme à un pèlerinage, parce qu’on fait ça tous les ans ?
On en appellera à un « troisième tour social », on entendra que la « rentrée sera chaude » et puis, finalement, les mêmes discours cent fois rabâchés, les mêmes pratiques venues d’en haut et hors-sol et, dans trois ans au mieux, on en appellera à un énième vote barrage, sans doute le dernier…
Pourtant, la période à venir peut être porteuse d’un tout autre futur. Des centaines de milliers de personnes se sont rassemblées dans la rue, on dit NON à l’extrême droite, OUI à l’union et à l’action. Cette fièvre politique ne doit pas redescendre une fois les échéances électorales passées. Ce n’est ni à l’Élysée, ni à Matignon et pas plus à l’Assemblée que nous obtiendrons satisfaction… on connaît la suite. Maintenant on s’organise, localement, sur ses lieux de travail, d’étude, de vie pour faire lien et construire des alternatives. On discute, on s’engueule parfois, mais surtout on ne lâche pas l’affaire. La politique c’est nous tou·tes, pas les élu·es ! C’est sur le terrain et dans les luttes que nous construirons les solidarités, à la base.
On s’est redonné un peu de temps, mais l’urgence est toujours là. Alors maintenant on y va, on s’organise !
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Front social contre le fascisme et le capital
Quel bilan tirer de la séquence qui vient de se terminer avec l’annonce des résultats surprise du second tour des élections législatives anticipées ? Le Rassemblement national bien qu’il n’ait pas réussi son pari est solidement implanté sur une grande partie du territoire. Les partis politique de gauche peuvent finalement s’entendre sur un programme de réformes sociales minimales… et surtout sans l’engagement du mouvement social aujourd’hui c’est l’extrême droite qui serait au pouvoir. Il nous faut maintenant battre le fer tant qu’il est chaud et imposer, par la lutte et par la rue, les réformes sociales indispensables pour nous débarrasser définitivement de l’extrême droite et de ses alliés capitalistes et imposer enfin le socialisme.
Si l’on ne peut qu’être soulagé·e que le Rassemblement national n’ait pas réussi à avoir une majorité de sièges à l’Assemblée nationale à la suite de cette dissolution « coup de poker » d’Emmanuel Macron, il faut être conscient·e que nous n’avons gagné qu’un répit. Si l’extrême droite n’est pas majoritaire dans les urnes, ses idées, la vision du monde qu’elle porte tendent, elles, à s’imposer. La « défaite » du RN, relativement aux pronostics et projections initiales, se paye au prix d’une progression du nombre de ses député·es de plus de 60 % !… on a vu défaite plus cuisante.
Le RN est désormais le parti le plus représenté à l’Assemblée nationale (et va recevoir les financements publics qui vont avec), il a recueilli plus de dix millions et demi de voix, plus de 33 % des suffrages exprimés, au premier tour des législatives. Les hauts scores du RN ne lui permettent pas encore d’accéder à Matignon, et en cela nous pouvons êtres soulagé·es et en premier lieux pour les personnes racisées et pour les minorités de genre, premières victimes de l’arrivée des extrêmes droites au pouvoir, mais également pour le monde du travail et nos conquis sociaux, mais ce n’est qu’un répit, gardons bien cela en tête. Le RN a conquis de nouveaux territoires et certains départements ne seront représentés que par des députés RN.
Une « Victoire » au goût amer
Sans illusion et par pur choix tactique assumé nous avions appelé celles et ceux de notre classe qui étaient en mesure de le faire – parce qu’une part non négligeable des classes populaires n’a légalement pas ce droit –, à voter clairement pour les candidat·es Nouveau Front Populaire. Sans illusion parce que cette alliance poussée dès le dimanche 9 juin au soir, et les jours suivants, par des manifestant·es venu·es spontanément descendre dans la rue pour appeler à un rassemblement des forces de gauche n’a de portée qu’électorale.
Le programme du NFP (sans parler des prochaines trahisons qui ne manqueront pas d’arriver) d’inspiration sociale-démocrate et keynésienne ne porte pas la rupture révolutionnaire anticapitaliste, internationaliste et autogestionnaire, seule alternative durable au capitalisme libéral-autoritaire que la« gauche de gouvernement » n’a jamais radicalement combattu et qui s’accommode parfaitement d’une extrême droite dure avec les faibles et douce avec les puissant·es. Si nous n’avons pas participé aux mouvements de célébration de la « victoire » du NFP qui se sont exprimés dimanche 7 juillet chez certain·es à gauche ce n’est donc pas par cynisme mais bien par analyse politique de la situation.
Le « barrage », s’il a cette fois-ci encore fonctionné, a été beaucoup plus compliqué et fragile à mettre en œuvre, et il n’est pas certain que la prochaine fois ce barrage tienne. Au niveau national le RN et ses idées continuent de se diffuser, même si l’on a vu au cours de cette campagne éclair que la « dédiabolisation »n’est qu’un mot pour communiquant·es, et que dans les faits il est toujours un parti rance alimenté par le racisme et la haine des autres sous couvert de retrouver une « France d’autrefois » qui n’est qu’une France de carte postale.
Un déferlement de propose et d’actes racistes
Le racisme débridé dont l’expression s’est subitement accélérée au soir du 9 juin et durant toute la campagne législative ne va pas disparaître du jour au lendemain. Par ailleurs, le « succès »tout relatif du NFP s’est essentiellement construit dans les centres urbains où le« barrage » tient encore tandis que les« campagnes en déclin », marquées par un sentiment de« déclassement collectif » et un fort recul des services publics,votent très fortement en faveur du RN. De leur côté les quartiers populaires et leurs habitant·es,qui sont les premières cibles des réactionnaires, restent également en marge du politique institutionnel cumulant de plus forts taux de pauvreté et de chômage, un plus faible niveau de diplôme et une sur occupation des logements trois fois supérieure à la moyenne métropolitaine.
Il est à remarquer que si le vote des quartiers populaires penche plutôt vers les partis de gauche, il est surtout marqué par une très forte abstention, signe d’un désinvestissement de la sphère politique même si les mobilisations en soutien à Gaza et la cause palestinienne favorisent une repolitisation des quartiers. Ces territoires, les « campagnes en déclin » et les quartiers populaires, que l’extrême droite aime à opposer à des fins électorales et racistes, souffrent des mêmes maux sociaux conséquence de quarante ans de libéralisme et de casse systématique des services publics et des solidarités. Aujourd’hui les organisations politiques et syndicales ne sont guère implantées dans ces espaces et peinent à s’y faire entendre. Le ressentiment à l’égard des « élites », du « centre », des « citadins » ou des autres, s’il s’est construit sur des causes sociales, s’exprime souvent soit en désertant la sphère politique, soit en alimentant un vote soi-disant « contre le système » mais en fait xénophobe et antisocial.
Des fractures sociales et géographiques
L’élan populaire, pas massif mais réel, suscité par le NFP doit aujourd’hui se porter sur la construction d’un mouvement social fort et à l’offensive. La situation institutionnelle qui ne donne aucun vainqueur parmi les trois blocs, de gauche, d’extrême droite et présidentiel (« extrême centre » ultralibéral et illibéral) est aujourd’hui propice à une relance des luttes collectives sur nos propres mots d’ordre et, pour la première fois depuis des années, dans une logique offensive et non plus défensive : réduction du temps de travail, augmentation des congés payés, hausse des salaires et des minimas sociaux, droit au logement (véritablement opposable), taxation des hauts revenus et des dividendes, gratuité des transports publics, 100 % de bio et de local dans les cantines scolaires désormais gratuites, sécurité sociale alimentaire… sans aller immédiatement jusqu’à la socialisation complète des moyens de production (quoique), les revendications ne manquent pas pour notre classe sociale.
Historiquement nous n’avons conquis que ce pour quoi nous nous sommes battu·es, y compris en 1936. La séquence qui s’ouvre nous offre l’opportunité d’un grand « coup de barre à gauche ». Face à un centre désavoué et une extrême droite qui n’a pu longtemps cacher son vrai visage, il nous faut porter haut des valeurs de solidarité de classe, progressistes et inclusives face au camp réactionnaire. Et c’est en premier lieu au sein des syndicats que nous pouvons mener ce combat, d’où l’importance de s’investir syndicalement et de porter des revendications de classe face aux intérêts capitalistes.
Pour le communisme et l’autogestion
Si le vote RN est marqué par l’adhésion à des idées racistes, il ne faut pas essentialiser les électeurs et électrices séduit·es par ces idées. Ils et elles ne font qu’exprimer le racisme systémique qui est celui en premier lieu promu par l’État et le système capitaliste que l’extrême droite instrumentalise à des fins partisanes. À cette lecture « ethnoraciale » des rapports sociaux, qui est celle des électeurs et électrices du RN, nous devons opposer notre grille de lecture classiste et solidaire. Ce discours qui est de moins en moins porté par nos organisations dans des territoires où nous sommes de plus en plus absents… et où le RN, malgré sa faiblesse militante, est lui présent. Le recul de ces idées, qui ne se fera pas du jour au lendemain, ne pourra se faire sans pointer du doigt les principaux producteurs de ce racisme : à savoir l’État ainsi que la bourgeoisie au plan national comme international au travers de leurs intérêts impérialistes.
Maintenant on s’organise
Dans cette période, il s’agit pour nous, militant·es communistes libertaires, d’agir au sein de nos contres-pouvoirs et d’être moteurs de la construction à venir des mouvements sociaux,car sans luttes collectives, il n’existe pas d’alternative révolutionnaire et autogestionnaire possible. Rien n’a été gagné si ce n’est un temps de répit, il faut donc en tant que militant·es poli-tique inviter à la lutte, certes, mais aussi réinvestir le terrain politique, syndical et social : appeler à réinvestir les outils de politisation de masse que sont les syndicats, les organisations politiques et les associations, (re-)faire du lien et (re-)tisser du lien social.Au niveau syndical ça veut dire investir les union locales et créer partout à c’est possible des VISA(Vigilances et Initiatives Syndicales Antifascistes) locaux pour mener le travail antifasciste de terrain.
Au niveau social et local ce travail sera essentiel dans la période à venir et il doit se faire en lien avec les organisations et les luttes antiracistes, féministes, LGBTI et internationalistes. Enfin les ruralités et leurs revendications ne doivent pas être ignorées. Les luttes écologistes et contre les grands projets inutiles, lieux de politisation et de rencontre entre différentes univers sociaux doivent aussi être privilégiées dans la période à venir. Nous sommes peut-être à un moment de rupture révolutionnaire, anticapitaliste et autogestionnaire. L’exaspération contre ce système ne fera que monter, mais peut donner des orientations diverses : une réaction conservatrice et fascistoïde ou bien l’aspiration à un changement révolutionnaire qui passerait par la socialisation et l’autogestion. Rien n’est écrit par avance, mais nos actions concrètes doivent se porter à construire un mouvement social fort, offensif et indépendant des calendriers politiques.
David (UCL Savoies)
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L'#UnionCommunisteLibertaire appelle à rejoindre ce rassemblement contre la #transphobie et les #feminicides demain à 18h pl. J. Jaurès à #Tours.
Justice pour Geraldine et Angelina : en hommage aux deux femmes trans victimes de féminicide, l'une de la main de son compagnon, l'autre, TDS de celle d'un client.
#AlternativeLibertaire de juillet (n°351) est en kiosque
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Falion
in reply to Union Communiste Libertaire 37 • • •Vous êtes quand même pas nés des dernières pluies pour découvrir la Société du Spectacle de Debord ou Panem et circenses, et même à petite échelle ?
fr.wikipedia.org/wiki/Panem_et…?
Mais alors le green bashiser...
Chapeau bas !
Quand l'Anarchie n'aura que mot d'ordre, le bien de tous et que le bien de tous, alors, peut être, que les individualismes, sources de divisions, comme le sport, et la compétition, disparaîtront !
L'individualisme est l'essence du capitalisme.
Soyons vigilants !
🙏
locution latine, « Du pain et des jeux »
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