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Jennifer Lopez a Backup Dancer for Janet Jackson in Early '90s?
In a 2001 interview, Jackson revealed that her working relationship with Lopez was meant to extend beyond the latter's appearance in a video clip.
TROM II: You can trade without currencies, of course - videos.trom.tf/w/vZiCg1pL4j8uZ…
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TROM II: You can trade without currencies, of course
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Communiqué Alternativa Libertaria : Pour la Libération du fascisme et du capitalisme
Pour la deuxième année en Italie, nous avons célébré la Fête de la Libération sous un gouvernement d’extrême droite.
Dans toutes les villes se sont déroulées des manifestations de masse convoquées par l’Associazione Nazionale Partigiani d’Italia avec la participation de syndicats, associations et organisations politiques de la gauche. Cette année, le fait d’être nombreuses et nombreux à remplir les places a eu encore plus de signification car la cheffe du gouvernement Meloni continue à refuser de reconnaître la valeur de l’antifascisme dans l’histoire de l’Italie et se révèle chaque jour plus populiste, en invitant les électeurs et électrices à écrire sur le bulletin des élections européennes simplement son prénom, « Giorgia », en se déclarant une femme et une amie du peuple.
Cent mille antifascistes, de Rome à Milan, ont envahi les rues pour rappeler la lutte partisane contre les nazi-fascistes et pour rappeler à toutes et tous qu’aujourd’hui il est nécessaire de construire la Résistance contre la droite et contre la destruction des droits sociaux et de l’environnement.
Des milliers de drapeaux palestiniens ont flotté en solidarité avec le peuple palestinien, victime de génocide de la part de l’État colonialiste et criminel d’Israël. À Rome, d’autres cortèges et initiatives antifascistes ont eu lieu dans les banlieues pour porter la résistance là où les dommages sociaux créés par le gouvernement de Meloni, et auparavant par ceux de centre-gauche, sont les plus graves.
La manifestation principale s’est conclue à Porta San Paolo, lieu de la bataille du peuple de Rome contre les nazis le 10 septembre 1943, avec le discours d’un camarade partisan, de 97 ans, qui a dit qu’aujourd’hui encore, il serait prêt à reprendre les armes contre les fascistes.
Les camarades d’Alternativa libertaria ont porté dans les rues leur mot d’ordre révolutionnaire « Vive la Résistance contre le capitalisme », en faisant appel à l’action politique, sociale et syndicale des travailleurs et travailleuses contre le fascisme, l’exploitation des personnes et de l’environnement par la bourgeoisie. La Résistance au fascisme ne doit pas se manifester par une célébration institutionnelle complètement séparée des résistances actuelles. En mémoire du 25 Avril, nous voulons rappeler la résistance du peuple palestinien et kurde, celle contre les bases militaires et l’expansion du militarisme dans la société, contre la production et le commerce des armes, contre toutes les guerres impérialistes.
Nous voulons rappeler la résistance des jeunes qui protestent et qui sont matraqués par la police, celle des femmes en lutte pour la défense de leurs droits dans une société toujours plus machiste et patriarcale, celle des travailleurs et travailleuses qui luttent contre les licenciements, pour un salaire décent, pour la sécurité sur le lieu de travail et pour une meilleure qualité de vie.
Mais nous ne voulons pas non plus oublier la Résistance directement liée à cette date, à ceux qui ont lutté et ont payé de leur vie pour s’opposer au nazifascisme aujourd’hui ressuscité, parce qu’il est important de conserver et de transmettre la mémoire.
Contre toute frontière, parce que « notre patrie est le monde entier », pour une nature et une humanité libérées de l’exploitation capitaliste sous toutes ses formes, contre le racisme et la répression, contre toute oppression politique et d’État.
En toute circonstance, vive la Résistance au capitalisme !
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For the past few days we managed to trigger the auto-transcription for thousands of our peertube videos videos.trom.tf - All of our TROMcasts, our TROM documentary snippets, all of our videos indeed and all of the VideoNeat trailers now have an English caption. While it is not perfect, it is impressively accurate considering that it is automated. @PeerTube is a real alternative to Youtube, in all regards.
Every new video that is going to be uploaded to our Peertube will have a caption from now on.
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Can 'Degrowth' Save the World?
A group of academics and activists are questioning the possibility of endless economic growth on a finite planet and calling for a bold solution: degrowth.BBC iPlayer
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1st Official US Coin in Circulation Said 'Mind Your Business,' Not 'In God We Trust'?
Benjamin Franklin is credited with contributing to the copper penny’s design.
Harris' 'Reduce Population' Gaffe, in Context
Online users discussed a video they believed showed U.S. Vice President Kamala Harris calling for reducing the population. Here are the facts.
Giant Axolotl Pulled from Ocean by Papuan Fisherman?
Many posts said the creature had been found in Papua, while others claimed it was caught off the coast of Cameroon.
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Video Shows Trump Waving at No One Outside Trump Tower?
The progressive network MeidasTouch shared a short version of the original video that omitted loud cheers and a glimpse of a crowd behind barricades.
revue-ballast.fr/que-faire-5-5…
QUE FAIRE ? • 5/5 • UCL : démocratie directe, fédéralisme et autogestion 18/01/2022
L’Union communiste libertaire a vu le jour en 2019, suite à la fusion de deux organisations : Alternative libertaire, fondée au début des années 1990, et la Coordination des groupes anarchistes, née une décennie plus tard. Forte d’un journal mensuel et d’une cinquantaine de groupes et liaisons sur le territoire français, l’UCL s’inscrit, comme son nom l’indique, dans une tradition précise : « L’anarchie et le communisme sont les deux termes nécessaires de la révolution », lançait, peu après la Commune de Paris, l’un de ses fondateurs. L‘UCL invite à la constitution, dès à présent, de contre-pouvoirs dans l’ensemble de la société — dans l’espoir de former, à terme, un véritable double pouvoir. Autrement dit, un pouvoir populaire capable de remplacer le pouvoir d’État puis de travailler à l’instauration d’un ordre social fédéré, autogestionnaire et démocratique. S’écartant à la fois des hypothèses électorales, de désertion et d’appropriation de l’appareil d’État, les inspirations contemporaines de l’UCL sont notamment à chercher du côté du Mexique et de la Syrie : les zapatistes et le Rojava. Dans le cadre de ce dossier entièrement consacré aux différentes stratégies de rupture avec l’ordre dominant, nous avons discuté avec l’organisation.
La notion de « double pouvoir » reste peu connue. Lénine avançait, en avril 1917, que la révolution russe « a ceci de tout à fait original qu’elle a créé une dualité de pouvoir » : la société était coupée en deux, entre gouvernement provisoire bourgeois et Soviets. En termes contemporains, que recouvre cette notion, centrale dans votre Manifeste ?
Comme ça ne vous étonnera sans doute pas, la notion de double pouvoir telle qu’elle est théorisée par notre organisation, communiste et libertaire, n’est en rien une référence à Lénine. Elle s’inscrit dans un processus révolutionnaire qui fait passer la société d’un contrôle capitaliste étatique à ce que nous essayons de construire : une société communiste libertaire, autogérée, fédéraliste. Pour comprendre ce que nous entendons par « contre-pouvoirs », il est important de définir cette notion. C’est, selon nous, l’ensemble des structures syndicales, organisationnelles, associatives et politiques, au sens large, qui visent à une transformation directe et immédiate de la société. Dans notre définition, ce sont des organisations ayant pour vocation d’organiser les masses pour lutter contre les dominations (qu’il s’agisse du patriarcat, du racisme, du colonialisme, du validisme, etc.) et d’instaurer les solidarités nécessaires pour répondre aux appétits destructeurs du capitalisme et des systèmes d’oppression.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?
Des associations comme le Planning familial, Survie, les assemblées générales féministes locales, les collectifs et associations de lutte LGBTI, les collectifs de soutien aux personnes sans-papiers, ou encore les organisations antiracistes spécifiques et les collectifs de lutte contre les violences policières. Nous pensons que la révolution peut advenir au terme d’un processus marqué à la fois par des conflits sociaux — la lutte des classes se matérialisera nécessairement dans des conflictualités dues à l’antagonisme des intérêts de classes — et des expérimentations portées par des contre-pouvoirs. En période non révolutionnaire, les militant·es révolutionnaires libertaires doivent donc agir afin que ces contre-pouvoirs se construisent sur des bases autogestionnaires. Une fois constitués, ils ont pour vocation, en période pré-révolutionnaire — c’est-à-dire dans ce temps où le pouvoir étatique est débordé —, de servir d’armature à un maillage de structures véritablement démocratiques, dans lesquelles le pouvoir populaire se matérialisera. C’est dans ce moment de tensions fortes, où le pouvoir capitaliste est réellement remis en cause, que se dessinent les contours d’un pouvoir populaire qui n’est pas pour nous l’État ouvrier léniniste, mais bien une dynamique de démocratie directe, fédéraliste et contrôlée par la base. On peut parler alors de double pouvoir : au pouvoir étatique capitaliste s’opposent frontalement des fédérations de producteurs, des comités de quartier (nous n’avons pas de fétichisme des appellations : les pratiques nous importent davantage)… L’objectif n’est pas de substituer un pouvoir holiste à un autre, mais bien de remplacer le pouvoir étatique par un pouvoir populaire horizontal et autogéré.
Cette révolution, personne ne peut aujourd’hui l’anticiper.
Évidemment. Personne ne sait si et quand la révolution viendra. Mais il est de notre devoir de ne pas rester attentistes — d’autant plus qu’il s’agit d’une question de survie face à la brutalité de l’exploitation et à la crise climatique. S’il suffisait d’attendre que le capitalisme s’effondre sous le poids de ses contradictions pour arriver à la révolution, le militantisme n’aurait pas de raisons d’être. Il est donc de notre devoir de militant·es libertaires de tout mettre en œuvre pour que les conditions nécessaires à la révolution se développent : l’investissement dès aujourd’hui dans les contre-pouvoirs est indispensable. Peut-être pas suffisant, mais absolument nécessaire.
Vous occupez une position singulière dans la pensée stratégique : vous n’êtes ni favorables à la « poétique de la révolution » du mouvement autonome — émeutes, spontanéisme, sécession —, ni, on l’a vu, des nostalgiques du parti léniniste. Vous tenez cependant au moment révolutionnaire comme à un moment de bascule : il y aura un avant et un après.
Notre position n’est pas si singulière, de notre point de vue. Nous nous inscrivons dans une lignée déjà ancienne, dans une tradition révolutionnaire que l’on peut faire remonter à l’Internationale anti-autoritaire de 1872, qui est née de la rupture d’avec les marxistes orthodoxes. Depuis, des générations de révolutionnaires se sont succédé. Les libertaires ont été de tous les combats et nous avons su tirer quelques leçons des erreurs du passé. Ces débats sont anciens. On pourrait citer Malatesta qui promeut le gradualisme face à Kropotkine. Son idée, rapidement résumée, c’est de dire qu’il est peu probable que les conditions requises pour une révolution anarchiste adviennent toutes prêtes, et qu’il est donc nécessaire de préparer la révolution en s’emparant dès que possible de tout ce qui peut être gagné contre l’État et le capital — ce qui participe à affaiblir leur pouvoir. Plus proche de nous, dans les débats qui ont agité les mouvements révolutionnaires dans la période d’après 68, certain·es ont fait le choix d’être dans la construction de ces contre-pouvoirs, notamment via l’investissement syndical, en se gardant à distance de deux impasses : le léninisme et le nihilisme. La conception léniniste du parti révolutionnaire n’a pas été — et ne sera jamais, selon nous — en mesure de mener une révolution au sens où nous l’entendons, c’est-à-dire une révolution globale des formes économiques, sociales, politiques et culturelles de la société. De même, s’en remettre complètement à la spontanéité n’est pas pour nous une option, d’autant plus que « Tout ce qui bouge n’est pas rouge », comme dit le proverbe… Le moment révolutionnaire, c’est donc ce moment où les forces sociales, les contre-pouvoirs, sont en mesure, non plus de défier le pouvoir étatique-capitaliste, mais de s’y substituer : c’est le « double pouvoir », comme nous l’avons dit.
Une fois ce stade atteint, il sera primordial de continuer à orienter ce processus révolutionnaire dans un sens autogestionnaire afin d’amener le dernier stade de transformation sociale que nous défendons, à savoir le pouvoir populaire. Que nous voulons d’essence libertaire. La bureaucratisation de ce processus — en ce qu’elle signifierait la fin de l’extension du pouvoir populaire à tous les domaines de la société pour s’en remettre à une force supérieure qui agirait en son nom — signerait alors la mort du processus révolutionnaire. Par contre, il ne nous est pas possible de dire aujourd’hui quelle forme prendra exactement ce moment révolutionnaire, la particularité des libertaires étant que nous n’avons pas de petit livre, fût-il rouge et noir, qui nous donnerait par avance la marche à suivre et une photographie de la révolution à venir. Pour autant, nous n’estimons pas être dans une logique de « laisser faire ». De même, nous ne partons pas du principe que la « bonne volonté populaire » saura trouver d’elle-même l’ensemble des réponses aux questions que posent nécessairement les périodes de troubles que représentent les révolutions.
D’où, on le devine, l’existence de votre organisation ?
L’une des raisons d’être de l’UCL est aussi de trouver dans notre pratique politique au quotidien des réponses potentielles aux questionnements légitimes qu’amènent un chamboulement total de la société et le renversement de l’ordre établi. C’est ce que certain·es camarades de la FOB Autónoma (Federación de Organizaciones de Base) d’Argentine appellent la « pratique préfigurative » : elle fait émerger dans le présent les solutions pour la construction d’un monde sans État pour demain, que nous tâchons de faire vivre dans notre organisation et dans les contre-pouvoirs que nous investissons.
Votre organisation est de taille modeste. Et vous faites effectivement savoir que le rôle des communistes libertaires sera de « contribuer à orienter le processus révolutionnaire vers une solution autogestionnaire ». Comment imaginez-vous pouvoir gagner en influence ?
Par nos pratiques autogestionnaires mises en œuvre dès à présent, dans les luttes que nous animons ! Cette « poétique de la révolution » peut être attirante pour certain·es. Elle donne des textes enflammés. Mais, au final, elle ne parle pas à grand monde et n’aboutit pas à grand-chose. Quant aux expériences marxistes-léninistes, elles ont montré leur inefficacité du point de vue révolutionnaire — entendu que la révolution ne consiste pas à substituer un pouvoir à un autre, une oligarchie à une autre, fussent-ils repeints en rouge. C’est dans cette logique que nous ne pensons pas l’implication des militant·es de l’UCL au sein de ces contre-pouvoirs comme étant une pratique d’avant-garde. Il ne s’agit pas pour nous d’en imposer par le nombre, en agissant à des postes de responsabilité au sein de ces structures pour en prendre le contrôle ou en les utilisant pour faire grossir nos rangs, mais de diffuser des pratiques et des outils autogestionnaires et de démocratie directe, en accord avec une éthique militante qui vise à être la plus irréprochable possible. C’est ce rôle que nous définissons par l’appellation « animateurs et animatrices autogestionnaires des luttes ».
Nous voyons à travers les expériences du Chiapas ou du Rojava — malgré leurs limites — que le fédéralisme et l’autogestion sont mieux à même de porter des projets révolutionnaires et émancipateurs. Quant aux luttes contre les grands projets capitalistes, comme les ZAD, nous voyons bien qu’elles ne se font pas en référence à une avant-garde révolutionnaire qui préfigurerait le grand parti des travailleurs, mais qu’elles sont bien plus proches d’une vision libertaire de l’existence. Ce ne sont que des exemples parmi de nombreux autres, qui montrent que l’influence des pratiques autogestionnaires que nous portons peut avoir une incidence tout à fait déterminante dans les luttes qu’il nous reste à mener. Il est de notre rôle de militant·es révolutionnaires libertaires de faire le lien entre ces expériences et des pratiques quotidiennes dans les contre-pouvoirs dans lesquels nous sommes investi·es — et en premier lieu les syndicats.
Vous louez une conception « moderne » du prolétariat. Il serait donc possible de détacher ce mot du sens qu’il a dans l’imaginaire collectif, à savoir les travailleurs des usines ?
On pourra sur ce point se référer à Marx : le prolétariat désigne celles et ceux qui n’ont pour vivre — et souvent survivre — que le choix de vendre leur force de travail, celles et ceux qui sont privé·es du capital et de la propriété des moyens de production. Il est indispensable de faire sortir le prolétariat de cette imagerie d’Épinal, qui le fantasme uniquement sous les traits d’un ouvrier blanc en blouse bleue ! Les enseignant·es, les caissier·es, les infirmier·es, les manutentionnaires, les serveur·ses : toutes et tous sont des prolétaires. De même qu’aujourd’hui le prolétariat ne se retrouve pas uniquement dans le travail salarié. L’ubérisation de l’économie a fait sortir du salariat des personnes — auxquelles on donne le statut d’auto-entrepreneurs —, qui sont objectivement des prolétaires, tout autant que les personnes privées de travail. Du reste, le prolétariat ne subit pas de manière équivalente l’exploitation économique qui, d’ailleurs, ne peut être prise comme seul point de référence. C’est parce que nous adoptons toujours un angle matérialiste que nous nous appuyons sur une grille de lecture intersectionnelle, issue du Black feminism des années 1970, comme ont pu le faire avant nous d’autres organisations anarchistes. Les secteurs féminisés — comme ceux de l’aide à la personne, du ménage — sont les lieux où s’exprime le plus l’exploitation économique, qui se cumule avec l’exploitation économique des femmes par les hommes à la maison, mais aussi les discriminations racistes, sexistes et LGBTIphobes qui précarisent les prolétaires concerné·es, que ce soit par des salaires moindres, l’accès au logement, aux soins… Le prolétariat ne peut plus être perçu comme un corps uniforme qui subirait de manière systématique et égale une même exploitation au sein du monde capitaliste. C’est encore plus évident si l’on prend en considération le colonialisme et son expression la plus brutale, dont bénéficient les pays colonisateurs. C’est aussi pour ça qu’il nous paraît essentiel de prendre notre part dans les luttes internationales et anticoloniales, en étant autant présent·es sur les luttes anticapitalistes que sur les luttes féministes et écologistes.
Que recouvre le « rôle central » que vous attribuez au prolétariat ainsi défini ?
Il procède de sa position dans le système économico-social capitaliste. C’est parce qu’il est au cœur de l’exploitation capitaliste que le prolétariat a un « rôle central ». C’est parce qu’il expérimente quotidiennement l’exploitation dans la vente de sa force de travail que le prolétariat a un « rôle central » (tandis que les capitalistes en retirent les bénéfices). C’est aussi parce que la ou le prolétaire expérimente auprès des autres prolétaires la réalité de l’exploitation en même temps que la conscience que celle-ci relève d’un ordre systémique. C’est enfin parce que les prolétaires sont au centre des dominations multiples (économiques comme sociales) qu’ils et elles sont plus à même de les comprendre, de s’organiser et d’agir concrètement contre ce qui nous pourrit toujours plus la vie. C’est dans cette logique que nous sommes certain·es que nous n’avons pas besoin d’instance supérieure pour nous dicter les modes d’organisation et la structure de la société qui est la plus à même de nous apporter l’émancipation. Simplement dit, c’est nous qui produisons, c’est nous qui subissons, donc c’est nous qui décidons. Notre analyse est dictée par la nature même de l’exploitation systémique du capitalisme.
Le syndicalisme pourra être « potentiellement, demain, un acteur indispensable de la socialisation des moyens de production, nécessaire pour basculer dans une autre société », écrivez-vous. On se souvient également de votre défense de la CGT, en mai dernier, suite aux attaques antisyndicales. Quelle est la place du syndicalisme au sein de votre dispositif ?
Ce n’est pas tant la CGT que nous défendions alors qu’un principe révolutionnaire. S’en prendre physiquement à des prolétaires organisé·es, quelle que soit la nature des reproches que l’on puisse faire à la CGT, à son service d’ordre ou aux autres structures syndicales, c’est tout simplement agir contre son camp. Notre ennemi, aujourd’hui, n’est clairement pas incarné par les structures syndicales, dont on peut regretter, de l’extérieur — ce qui est toujours plus facile — qu’elles soient défaillantes sur certains points, mais bien par les capitalistes. La CGT est, qu’on le veuille ou non, une organisation de masse et de classe, quoi qu’on pense de son organisation interne, de son fonctionnement ou de ses choix stratégiques. Il n’existe pas aujourd’hui de contre-pouvoir qui ait la potentialité révolutionnaire des syndicats. Certain·es peuvent le regretter, mais c’est un fait. Les syndicats portent les germes d’une société communiste libertaire que nous souhaitons voir émerger, dans le sens où l’un des objectifs historiques du syndicalisme est la destruction du capitalisme. C’est également au sein des syndicats qu’on peut, dès aujourd’hui, construire des contre-pouvoirs qui seront de nature à se substituer à l’État et aux capitalistes en période pré-révolutionnaire.
La socialisation de la société passant nécessairement notamment par la socialisation des moyens de production, les syndicats sont de ce point de vue incontournables si nous voulons maintenir la production nécessaire à la survie de tous et toutes. Dès lors, il nous paraît évident que les militant·es révolutionnaires libertaires doivent s’investir syndicalement et participer à la diffusion de pratiques horizontales et interprofessionnelles sur la base du syndicalisme d’industrie. Il s’agit, pour faire un parallèle avec la double besogne assignée aux syndicalistes par la charte d’Amiens1, de construire aujourd’hui des pratiques syndicales de luttes autogestionnaires, et de préparer demain la socialisation de l’économie.
Mais on ne peut pas nier la perte d’influence des syndicats dans le monde du travail…
Elle est réelle et multifactorielle. Elle doit être appréhendée et analysée de façon objective. La répression féroce de la part du patronat et de l’État, la propagande antisyndicale faite par des médias à leurs ordres sont évidemment à citer. Le peu de victoires obtenues face à des gouvernements qui refusent la démocratie et imposent leurs diktats est aussi à prendre en compte. Les méthodes autoritaires qu’ont eues à subir les syndicalistes ces dernières décennies, l’influence (heureusement très clairement en perte de vitesse) des staliniens dans certains syndicats ainsi que l’éclatement du syndicalisme de lutte sont aussi très certainement en cause. Par ailleurs, si nous pensons que le syndicat revêt une importance stratégique primordiale, il n’est pas le seul contre-pouvoir à investir. Les luttes antiracistes, antipatriarcales et écologiques vont au-delà du champ du travail : elles sont des luttes transversales qui doivent être prises en compte par les syndicats. Elles permettent d’amener des personnes jusqu’ici non impliquées à appréhender l’importance du syndicalisme et à se syndiquer. Ces luttes renouvellent et renforcent le syndicalisme : elles ne sont ni subsidiaires, ni subordonnables. Elles traversent toute la société et représentent autant de contre-pouvoirs agissant directement sur sa transformation. S’il est pour nous essentiel de les faire vivre aussi au sein de nos syndicats, nous ne pensons pas que ce seul outil puisse suffire.
Pour quelle raison ?
Car, précisément, l’oppression ne s’exerce pas seulement au travail. Il est donc vital pour nous de faire exister ces combats partout où c’est nécessaire. Nos vies et les différentes formes d’oppression que nous subissons ne se réduisent pas à l’exploitation salariale. C’est en prenant en compte tous ces aspects que nous renforcerons notre classe et créerons de réelles solidarités en luttant contre toutes les dominations — qui seront autant de leviers nécessaires à une stratégie révolutionnaire.
Dans Maintenant, le Comité invisible avance que « le vieux mythe de la grève générale est à ranger au rayon des accessoires inutiles ». Vous en faites, vous, « une visée stratégique, structurant [votre] action ». Pourquoi ?
Pour les raisons que nous venons d’évoquer. Le tout n’est pas de dire « On veut faire la révolution », mais de voir concrètement comment on s’organise au sein du prolétariat, comment on se donne les moyens de peser, de massifier nos positions. La grève générale ne se décrète pas : elle se construit dans et par les luttes. Et ce sont ces luttes qui vont construire tout à la fois une conscience de classe et des pratiques d’action et d’organisation que nous souhaitons voir se généraliser. Cette stratégie politique permet de mettre en application l’ensemble des théories et pratiques politiques que nous défendons. La plupart des soulèvements d’ampleur qui ont eu lieu ces dernières années se sont appuyés sur la grève générale pour faire advenir un monde plus égalitaire. Puisque la grève générale se construit dans et par les luttes, ça ne peut pas se faire sans une prise en compte de la multiplicité des systèmes de domination. Car, à l’inverse de certains courants politiques, nous ne pensons pas que les luttes antiracistes ou féministes, par exemple, divisent le camp des exploité·es : au contraire, elles le renforcent et permettent son unité. Les grèves des femmes qui, dans nombre de pays, ont été des réussites en sont un des exemples les plus frappants. Elles nous rappellent que la grève générale n’est pas un mythe poussiéreux mais une perspective révolutionnaire toujours vivante. S’il n’existe pas de « bouton magique » permettant de la faire apparaître, l’expérience de l’Histoire et de nos camarades à l’international nous démontre bien qu’elle doit être au contraire centrale dans notre perspective et nos visées politiques. Elle n’est donc pas un fétichisme mais une visée pragmatique, conséquence de l’opposition radicale des intérêts de notre classe qui fait « tourner la machine », comme on dit, d’avec la classe des capitalistes.
Face aux « risques de militarisation ou d’ordre policier » qui, évidemment, apparaîtront en cas de changement révolutionnaire, vous envisagez la construction de « structures d’autodéfense ». Qu’est-ce que ça recouvre, concrètement ? Une « garde civile », ainsi que le penseur écologiste et communaliste Murray Bookchin l’a théorisée pour « répondre aux menaces extérieures » ?
La notion de « garde civile » est peu développée chez Bookchin. Il est difficile, pour des libertaires, de penser en détail des structures nécessairement plurielles et autogérées dans le cadre d’une révolution libertaire. A fortiori quand on parle d’autodéfense, parce que notre imaginaire est submergé, saturé d’images et de représentations construites par nos ennemis. Là encore, l’Histoire nous apprend que les formes de ce type de structures peuvent être plurielles : on pense notamment à l’Ukraine de 1918 à 1921, la Catalogne en 1936-1937 ou, plus près de nous, au Chiapas ou au Rojava. Mais les conditions matérielles qui apparaîtront lors de ces changements révolutionnaires, et qu’on ne peut par avance décrire, compteront pour beaucoup dans la forme que prendront ces structures d’autodéfense. Une partie des forces de l’ordre, policiers et militaires, prendront-ils les armes contre leurs maîtres ? Ces changements révolutionnaires se feront-ils sur un temps court et de très fortes tensions, ou naîtront-elles d’un long processus de délitement du pouvoir central ? Là encore, on n’a pas de petit manuel rouge ou rouge et noir qui nous le dit. En attendant, il faut l’avoir en tête et intégrer dès à présent les pratiques d’autodéfense comme faisant partie du bagage de base de tout·e militant·e : les SO en manif, l’autodéfense numérique, la sécurité des camarades, etc., ne doivent pas être le fait de quelques militant·es. Nous pensons que les outils essentiels à l’autodéfense de notre classe doivent être pluriels et qu’il nous appartient de les diffuser : ils ne doivent pas être l’apanage de petits groupes spécialisés. D’ailleurs, l’autodéfense telle que vue par des communistes libertaires répond aux mêmes principes que toutes les autres structures : mandats impératifs et révocables, horizontalité, autogestion. Il ne s’agit pas pour nous de reproduire une vision viriliste et validiste de l’autodéfense, mais bien de promouvoir la force du collectif face aux différentes menaces que nous sommes amené·es à croiser.
Votre projet est clairement anti-étatiste. Socialisme ou Barbarie avançait, par la voix de Castoriadis, qu’aucune société moderne ne pouvait se passer de centralisation. L’organisation a donc promu la constitution d’un Gouvernement des Conseils autour d’une Assemblée centrale. Comment votre « fédéralisme » pense-t-il les tâches d’ampleur nationale — entre cent : le démantèlement coordonné des centrales nucléaires ?
Castoriadis avait tort ! Le fédéralisme est une notion qui nous paraît comme éminemment contemporaine. C’est encore un prisme qui marque beaucoup de ces intellectuel·les radicaux chics : Frédéric Lordon ou Andreas Malm, par exemple. Ils ont en commun le fait d’être très radicaux dans les dénonciations des méfaits de ce système, mais d’être incapables de penser le dépassement de l’État et du centralisme étatique. Nous pensons qu’il est nécessaire de dépasser l’État pour qu’advienne une société réellement autogestionnaire. Alors, évidemment, une fois ceci posé, plusieurs questions viennent. Elles ne sont pas toutes dénuées de pertinence — comme la vôtre sur le démantèlement des centrales : mais c’est une question qu’il conviendra de débattre dans le cadre des structures issues du syndicalisme et des conseils locaux concernés, étant entendu que, pour ce qui est du nucléaire, on est à une large échelle. Le démantèlement des centrales n’est pas du ressort national mais de l’ensemble des territoires concernés. Là encore, on est pris dans le prisme de notre socialisation dans un système nationalo-étatique. Prenons le cas de la centrale de Fessenheim : elle est quasiment sur la frontière avec l’Allemagne et toute proche de la Suisse. Ajoutons que ce qui permet l’existence du nucléaire civil repose aussi sur une logique internationale très liée à la question du colonialisme, laquelle logique peut être perturbée par l’avènement de conflits d’ampleur dans les produits producteurs — comme on peut l’observer actuellement au Kazakhstan. On voit bien à travers ce simple exemple que la dimension nationale n’est pas si pertinente que ça pour aborder un problème macro-social.
L’organisation fédérale, au niveau des territoires comme des travailleuses et des travailleurs, en intégrant les besoins directs des personnes concernées, serait beaucoup plus à même de mener à bien — c’est-à-dire concrètement et dans le respect absolu de la sécurité des populations — le démantèlement d’une centrale. En tout cas, bien mieux que ne le ferait un État capitaliste soumis aux intérêts économiques. Ou un État dit « ouvrier » gouverné d’en haut, sans prise sur les réalités du terrain. L’exemple de la pandémie que nous traversons est aussi une bonne manière d’appréhender la nécessité d’une coopération internationale, que peut largement favoriser un fonctionnement horizontal élargi à l’échelle planétaire. De même, à l’UCL, nous revendiquons la socialisation et l’autogestion des moyens de santé. Ce qui ne peut être envisagé ni à une échelle étatique, ni à une échelle localiste. La pandémie est mondiale, il est donc nécessaire d’appliquer une stratégie d’union qui ne crée pas de concurrence entre les régions du monde. Aujourd’hui, nous le voyons bien : malgré les consensus et préconisations scientifiques, c’est l’arbitraire étatique qui décide et dicte l’agenda sanitaire. Rappelons que l’État français, très tôt dans la pandémie, a fait le choix de placer la gestion sanitaire sous la responsabilité d’un conseil de défense, interdisant de fait tout regard sur le processus de prise de décision. Alors que l’État accélère le calendrier vaccinal pour la troisième dose de vaccin contre le Covid, d’autres régions du monde peinent à atteindre les premiers objectifs de vaccination. Or, tout comme un nuage radioactif, le virus et ses variants ne sauraient s’arrêter à une frontière. Cette logique sanitaire à double vitesse, pensée à l’échelle nationale, est mortifère. Elle ne peut que prolonger, voire aggraver la pandémie.
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Project 2025 Wants To Kill US Department of Education
"My son is one of millions of disabled kids that will lose access to education when the Department of Education is destroyed," one user on X said.
State of Vermont Can Vaccinate Children Without Parental Consent?
"Families will no longer be able to sue their children’s schools over forced vaccination following the ruling," one X user said.
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Syndicalistes donc antifascistes : Le syndicalisme face à l’extrême droite, une affaire d’histoire et de principes
La lutte contre l’extrême droite n’est pas seulement une affaire électorale, elle se joue également au niveau syndical. Les prises de position de plusieurs centrales syndicales contre le Rassemblement national, appelant à faire barrage dans les urnes, nous rappellent qu’historiquement les syndicats se sont toujours opposés à l’extrême droite. Des années 1930 à l’époque de Vichy, des syndicalistes se sont levé·es pour dire en quoi le projet politique de l’extrême droite s’oppose au syndicalisme.
L’extrême droite est puissante, c’est un fait. Son importance en France s’ajoute à sa poussée en Europe comme l’ont démontré ces élections européennes. Déjà aux manettes de plusieurs États européens, bien souvent dans le cadre de coalitions, ses idées ont infusé à un tel point que désormais les leaders de la droite nouent des alliances et qu’ils n’ont pas besoin d’être au pouvoir pour que des éléments de leur programme soient appliqués par d’autres, à l’image de la loi immigration proposée par le gouvernement français et adoptée avec les voix du RN. Aujourd’hui les affronter devient donc difficile. Mais un acteur n’entend pas transiger avec eux, en dépit même parfois de ses militant·es : les syndicats. Encore ces jours-ci, ceux-ci prenaient position à cinq (CFDT, CGT, FSU, Solidaires et UNSA) pour engager toutes leurs forces militantes à s’opposer à l’arrivée au pouvoir du parti de Marine Le Pen, qui atteste de leur opposition de principe et fondamentale à l’égard de l’extrême droite [1]. Ces syndicats n’avaient pas attendu d’avoir la confirmation par les urnes des intentions prêtées aux électeurs et aux électrices par les sondeurs, et l’annonce stupéfiante du président de la République, pour affronter le danger. Ainsi, le 16 avril, la CGT et la CFDT se sont réunies avec d’autres syndicats européens à la Bourse du travail de Paris pour débattre de l’influence de l’extrême droite sur le lieu de travail et sur les moyens de la combattre [2], démontrant ainsi leur attachement à un engagement pris depuis longtemps, qui remonte aux premières percées du Front national aux élections municipales au début des années 1980.
Les formes de l’opposition à l’extrême droite s’expriment différemment suivant les organisations, en lien avec leur propre histoire et les principes défendus. Mais cette opposition est bien réelle, quasi identitaire pour les syndicats qui portent en eux-mêmes une vision des rapports sociaux contraire au projet sociétal de l’extrême droite. Ce n’est pas un hasard s’ils sont régulièrement attaqués par les différentes figures de ce camp, de Louis Aliot pour qui les syndicats « ne servent à rien » à Marine Le Pen qui ne se prive d’aucune occasion pour contester leur légitimité ou le bien-fondé de leur action [3]. Au-delà des mots, ce sont également les locaux syndicaux qui sont aussi souvent ciblés par l’extrême droite de rue, et notamment ceux de Solidaires et de la CGT.
1934 : face au danger fasciste, les deux CGT se réunissent
Pour comprendre l’opposition syndicale à l’extrême droite, il faut revenir à ce qu’il s’est passé en 1940 ou en 1958, plus encore que ce qui a été fait lors du Front populaire. À l’époque, à la suite du coup de force orchestré par les ligues d’extrême droite le 6 février 1934, les deux principales forces syndicales d’alors, la CGT et la CGTU, séparées depuis 1921, décident de se réunifier dans une seule organisation : il fallait « faire fron » [4]. Manifester ensemble comme elles l’ont fait au lendemain de l’événement, le 12 février, ne suffisait pas : il fallait acter l’unité des forces contre l’ennemi. Cela amène au congrès commun de Toulouse en mars 1936, préparé pendant de longs mois (le processus de réunification avait été lancé dès l’automne 1934 par des premières rencontres officielles entre dirigeants alors que déjà, à la base, des syndicats s’unissaient sans attendre les consignes confédérales) [5]. Les syndicats avaient anticipé le mouvement plus global de la gauche dans son ensemble, qui se montra prête à s’unir quand le danger d’une extrême droite au pouvoir prit forme.
En 1940, leur posture face à Vichy montre davantage ce qui les oppose fondamentalement à ce courant politique d’inspiration fasciste : cela commence avec la signature d’un texte commun, « le syndicalisme français, ce qu’il demeure, ce qu’il doit devenir » (connu ultérieurement sous le nom de « Manifeste des Douze ») [6].
Après la publication par Vichy le 9 novembre d’un décret annonçant la dissolution immédiate des centrales syndicales, ne permettant qu’aux structures locales d’exister, douze leaders syndicaux, trois de la CFTC et neuf de la CGT, apposent leur nom au bas d’un texte qui, sans être révolutionnaire, attaque la conception de l’État français du maréchal Pétain et son organisation sociale.
Le syndicalisme contre le corporatisme
Deux principes sont ardemment défendus dans le Manifeste : la pluralité syndicale et l’indépendance à l’égard de l’État. Face à la volonté de concevoir un syndicat unique qui lui enlèverait toute autonomie en le plaçant dans la même structure que le patronat, suivant le modèle corporatiste (ce qui sera mis en œuvre sous la forme de comités sociaux d’établissement), le texte fait valoir le principe premier de la liberté syndicale (choix d’adhérer ou non à un syndicat) et le libre choix de son organisation. S’il reconnaît à l’État son rôle dans le bon fonctionnement économique et sa nécessité de jouer un rôle d’arbitre, le syndicalisme ne saurait toutefois s’y soumettre, ce qui est résumé par la formule suivante :« le syndicalisme ne peut pas prétendre absorber l’État. Il ne doit pas non plus être absorbé par lui ». Face au projet pétainiste, en partie élaboré par un ancien syndicaliste, René Belin, qui se voulait héritier de la doctrine sociale chrétienne et faisait disparaître la lutte de classe, soit des objectifs partagés dans ce manifeste, la signature de ces syndicalistes, en particulier chrétiens, est symptomatique. D’autres responsables ont d’ailleurs accepté de participer à la Charte du travail du régime de Vichy. Mais il est des principes qui demeurent intangibles et qui expliquent l’adhésion de ces dirigeants au manifeste et leur entrée dans la Résistance, au nom de cette défense de la liberté, un principe qu’ils reprendront ensuite à la Libération en refusant la centrale unique envisagée par la CGT dans la prolongation du « Comité d’entente interconfédéral » à l’œuvre depuis mai 1944. La CGT avait initialement proposé l’établissement d’une plateforme d’unité d’action pour parvenir à l’unité organique (septembre 1944) puis avait soumis l’idée d’une fusion (mars 1945).
Pas de discrimination raciale pour les syndicats
Le « Manifeste des Douze » montre aussi une opposition claire et nette face à toute forme de xénophobie et d’antisémitisme alors que le régime vient de promulguer son décret sur les Juifs, les excluant de certaines professions et en faisant d’eux une catégorie à part des citoyens français. Face à ces lois, le texte récuse toute discrimination : « le syndicalisme français ne peut admettre entre les personnes de distinctions fondées sur la Race, la Religion, la Naissance, les Opinions, ou l’Argent. Chaque personne humaine est également respectable », condamnant explicitement l’antisémitisme. À chaque fois, la CFTC a refusé de s’engager dans quoi que ce soit qui aille au-delà de l’unité d’action, arguant du pluralisme syndical comme « l’une des expressions les plus hautes de l’exercice de la liberté et de la démocratie » [7].
Contre le coup d’état de De Gaulle
1958 est un autre moment-clé qui témoigne de l’engagement des syndicats dans la défense des principes démocratiques et le respect de l’État de droit. La CGT et celle qui est encore la CFTC participent à la manifestation du 28 mai 28 mai qui visait à défendre la légalité républicaine et « les libertés démocratiques » contre la prise de pouvoir de De Gaulle à la suite à l’insurrection orchestrée par les Français d’Algérie et l’armée le 13 qui avait amené la constitution d’un Comité de salut public à l’origine de l’appel à De Gaulle. Dans les jours qui suivirent, alors que De Gaulle, sans condamner le coup de force, affichait sa disponibilité à prendre « la tête d’un gouvernement de la République », et que l’armée orchestrait la montée en pression sur le territoire (un comité de salut public institué en Corse, la possibilité d’un coup d’État communiste annoncée régulièrement), Pflimlin acceptait de démissionner sous pression du président René Coty. De Gaulle pouvait être alors nommé Président du conseil aux conditions qu’il avait lui-même fixées, à savoir les pleins pouvoirs pendant six mois pour modifier la constitution. Le cortège du 28 mai ne réunit toutefois que 200 000 manifestant·es, démontrant que si les états-majors syndicaux avaient tenu bon sur leurs principes, les bases militantes, elles, n’avaient guère envie de défendre le régime de la IVe République.
Aujourd’hui, ces idéaux continuent à alimenter le combat contre l’extrême droite. Certes, le programme du RN n’en vient pas à proposer la dissolution des organisations syndicales. Mais, dans « la grande réforme des syndicats » telle qu’elle a été présentée lors des dernières campagnes présidentielles, il s’agit bien de limiter la déjà maigre étendue de leur pouvoir et de se placer implacablement aux côtés du patronat. C’est le sens porté par exemple de l’interdiction des piquets de grève ou du vote préalable de l’ensemble des salarié·es à tout arrêt de travail (annoncés un temps comme la réforme des élections professionnelles ou de la représentativité pour affaiblir les syndicats existants).
Le « projet syndical » du RN a un arrière-gout d’années 40
Au fond, c’est le même projet, en 1940 comme aujourd’hui, avec ces inflexions propres au caractère de l’histoire qui « ne se répète pas » : en tant qu’auto-organisation des travailleurs et travailleuses qui refusent de se ranger benoîtement derrière le chef désigné, les syndicats doivent être reconnus dans leur légitimité à porter de façon complètement autonome la parole salariée avec les moyens qu’ils choisissent de se donner, dans le cadre d’un État de droit. Leur nier cette capacité, c’est nier le principe même de leur existence.
Aujourd’hui, c’est au nom de cette incompatibilité que la plupart des organisations syndicales excluent les membres qui figurent sur une liste RN ; c’est au nom de ces principes qu’elles peuvent aller jusqu’à la consigne de vote selon des modalités diverses. Cela ne signifie pas que le syndicalisme est immunisé contre l’extrême droite – les enquêtes d’opinion montrer que les adhérent·es à leurs idées progressent au sein des syndicats –, mais ces luttes, au sommet comme à la base, démontrent à quel point les syndicats ne transigent pas, dans les actes comme dans les idées. Tous n’en peuvent pas dire autant.
Claude Roccati, historienne
[1] Voir la déclaration de l’intersyndicale qui s’est réunie le 10 juin au siège de la CGT : « Après le choc des européennes les exigences sociales doivent être entendues » d’Elena Gianini Belotti.
[2] Les interventions de cette journées sont disponibles sur sur le site de la CGT, dans l’article « Débat des syndicats européens : ensemble contre l’extrême droite ! »
[3] Louis Aliot : « Les syndicats sont les croque-morts du monde économique et du travail […] ils ne servent à rien », BFM TV, 25 août 2022.
[4] Voir « Février 1934 : De la tentative réactionnaire de coup d’État au sursaut antifasciste », Alternative libertaire, février 2024.
[5] René Mouriaux, La CGT, Seuil, 1982, p. 69-72. Voir aussi Georges Pruvost et Pierre Roger, Unissez-vous ! L’histoire inachevée de l’unité syndicale, Éditions de l’atelier, 1995, p. 95-117.
[6] « Manifeste des Douze »
[7] Motion adoptée au congrès de septembre 1945, voir Gérard Adam,La CFTC 1940-1958. Histoire politique et idéologique, Armand Colin, 1964, p. 103.
Syndicalistes, donc antifascistes : Le syndicalisme français face à l'extrême droite, une affaire d'histoire et de principes – UCL - Union communiste libertaire
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William B Peckham
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