Retour à la rue à #Tours et partout en France suite à la fin de la #TreveHivernale : apéro solidaire demain 18h30 école Michelet à l'appel du collectif Enfants à la rue 37
Que ça ne soit pas qu'un PoissondAvril twitter.com/villedetours/statu…
Réquisition des logements vides !
À #Tours les enfants dorment dans la rue : rdv le #2avril à 18h30 pour un apéro solidaire à l'école Michelet, 40 rue G. Thiou. Stoppons la chasse aux pauvres, des logements pour tout·es !
unioncommunistelibertaire.org/…
1er avril : Un logement digne pour tous et toutes 28/03
Prix des loyers, flambée de l’immobilier, spéculation, expulsions, ségrégation urbaine, lutte contre la gentrification, réquisitions de logements vides… Ce 1er avril, à l’occasion de la journée européenne d’actions pour le droit au logement, mobilisons nous !
1) Etat des lieux du logement.
La trêve hivernale se terminera le 31 mars dans un contexte plus difficile que jamais. L’inflation et la hausse du prix de l’énergie se conjuguent à celle des loyers et font craindre à de nombreux·ses locataires la perte de leur logement. Dans cette perspective 13 manifestations dans 12 villes sont organisées pour réclamer un logement digne pour toutes et tous.
2) La loi Kasbarian
Alors que l’Insee comptait en 2023 trois millions de logements inoccupés (soit une hausse de plus de 60 % depuis 1990), la loi Kasbarian-Bergé a été adoptée en juillet 2023 dans une dynamique de criminalisation de la pauvreté. Cette loi « visant à protéger les logements contre l’occupation illicite » vise en faite à considérer les locataires comme des délinquant·es : accélération des procédures d’expulsion pour loyer impayé, triplement des sanctions encourues par les squateur·ices et création d’un délit punissant « la propagande ou la publicité en faveur de méthodes encourageant la violation de domicile ». En plus de l’exploitation au travail, les travailleurs et travailleuses se prennent la violence capitaliste jusqu’à dans leur logement et particulièrement pour les habitant·es des quartiers populaire dont la vie est de plus en plus sacrifiée aux bénéfices des marchand·es de sommeil et des spéculateur·ices. En ayant nommé Guillaume Kasbarian – porteur de cette loi « antisquat » – ministre du Logement en début d’année, le gouvernement dont la moitié sont millionnaires montre à nouveau son mépris pour les classes populaires.
3) Le logement du point de vue de l’UCL ou des communistes libertaires
Nous promouvons l’action directe des premièr·es concerné·es pour remettre en cause la propriété privée et le marché capitaliste du logement. Préalable nécessaire à la construction d’un service publique socialisé du logement. C’est pourquoi nous soutenons l’action des collectifs et associations de lutte contre le mal logement comme le DAL.
Nous considérons que la lutte pour l’amélioration immédiate des conditions de vie pourra amener à cette rupture. C’est pourquoi nous revendiquons :
– Le blocage des loyers.
– La réquisition des logements laissés vides à des fins spéculatives.
– Une taxe dissuasive sur les mètres carrés inoccupés.
– Le respect du SRU qui impose un seuil minimal de logement sociaux aux communes qui restent encore largement non suivi.
– L’isolation du bati afin de minimiser la facture énergétique des locataires et des normes environnementales élevées.
– L’accès aux logements sociaux pour les personnes sans papiers.
– Pas d’expulsion des bidonvilles sans relogement social durable prenant en compte les situations familiales.
– Un contrôle renforcé pour détecter et sanctionner les marchands de sommeil.
– Une réelle politique d’accompagnement renforcée pour les personnes sans-abris afin de ne laisser personnes à la rue.
– Une augmentation des capacités des hébergements d’urgence, pour les sans-abris avec ou sans-papiers, mais également pour les femmes victimes de violences conjugales.
– Un sans abri sur quatre en France est passé par l’ASE. Il faut plus de moyen pour la protection de l’enfance, un toit et un revenu pour chaque jeune autonome.
Soyons dans la rue le premier avril pour le droit à un logement digne pour toutes et tous !
L'#UnionCommunisteLibertaire a signé ce texte suite au #8mars
coordfeministe.wordpress.com/2…
Le sionisme n’est pas une cause féministe !
Ce qu’il s’est passé le 8 mars avec le collectif sioniste “Nous vivrons”
Ce 8 mars, le groupe sioniste “Nous Vivrons”, soutien de la politique coloniale et violente du gouvernement israélien de Benyamin Netanyahou, a exigé d’avoir un cortège dans les manifestations féministes. En venant provoquer le mouvement féministe, en nous sommant de nous positionner du côté d’Israël à coup de chantage médiatique, “Nous Vivrons” déroule son agenda politique en instrumentalisant, une nouvelle fois, la lutte contre les violences faites aux femmes pour justifier leur narratif.
À Bordeaux, “Nous Vivrons” a demandé à manifester aux côtés de collectifs féministes qui n’auraient pas signé l’appel local et international au soutien du peuple palestinien. Le mouvement féministe a refusé leur participation et leur a signifié en amont par mail, avec le soutien de l’intersyndicale locale, co-organisatrice de la manifestation du 8 mars. Le groupe sioniste a malgré cela essayé d’infiltrer la manifestation, sans succès, et s’est dispersé sans heurt.
À Paris, le cadre unitaire “Grève féministe” craignait de se faire accuser d’antisémitisme dans les médias s’il refusait la présence de “Nous Vivrons”. Cédant au chantage médiatique, il a accepté de leur faire une place dans le cortège. Le collectif a pu manifester avec un service d’ordre violent et provocateur envers les manifestant·es défendant les droits de la Palestine et des palestinien·nes. Plusieurs agressions ont pu être constatées, entraînant blessures et hospitalisation.
Les sionistes instrumentalisent le féminisme
Suite au 8 mars, “Nous Vivrons” a fait le tour des médias afin de renforcer leur position, donnant une place encore plus importante au discours pro-colonisateur israëlien et disqualifiant les soutiens, notamment féministes, à la Palestine. Leur tactique est assez claire : ce groupe accuse en avance le mouvement féministe d’être antisémite, amalgame antisémitisme et antisionisme dans leurs différentes interventions, puis vient provoquer des heurts, notamment au travers de leur service d’ordre, dans nos manifestations, afin de valider a posteriori leur idéologie.
Nous réaffirmons haut et fort que les amalgames entre antisionisme et antisémitisme ne sont pas tolérables et sont une des causes de l’augmentation de l’antisémitisme en France.
Pour nous, il est clair que “Nous Vivrons” est un collectif sioniste et suprémaciste. Ce collectif milite pour la reconnaissance des violences commises contre les israélien·nes mais ne remet jamais en question la colonisation, les violences sexuelles commises par l’armée israélienne sur les femmes palestiniennes, ni ne se scandalise du génocide en cours. Nous dénonçons l’instrumentalisation par les groupes sionistes et pro-sionistes de nos corps, des violences que nous pouvons subir et de nos identités, pour légitimer la colonisation et le génocide en cours actuellement à Gaza.
Ces groupes instrumentalisent aussi par leurs amalgames les corps des juif·ves, les violences qu’iels subissent et ont subi, et cherchent à faire taire toute voix juive qui ne défend pas leur projet colonisateur et génocidaire. De même, ils justifient ce qui se passe en Palestine “au nom de l’amour”, pour la défense des femmes et personnes LGBTQIA+ israéliennes et occidentales : face aux menaces que représenteraient les palestinien·nes, présenté·es comme un peuple barbare, réactionnaire, alors tout serait justifiable.
Nous refusons également ce double standard qui consiste à rendre valable et digne d’être défendus les corps et les vies des israélien·nes, mais pas les corps ni les vies des palestinien·nes. Alors qu’il est sans cesse demandé au mouvement de solidarité avec la Palestine de dénoncer les crimes du 7 octobre, il n’est jamais demandé aux sionistes de dénoncer le génocide en cours. Ce double standard déshumanise les palestinien·nes et constitue une volonté du gouvernement israélien et de leurs soutiens de rendre acceptable par l’opinion publique la colonisation, le nettoyage ethnique et le génocide du peuple palestinien.
Le sionisme est un fémonationalisme
En tant que féministes, nous déployons des stratégies pour abolir toutes les violences. Nous avons la responsabilité de lutter contre le fémonationalisme qui, sous couvert de lutte contre certaines violences sexistes et sexuelles, soutient des systèmes de colonisations racistes et génocidaires comme en Palestine, et qui, en France, justifie des violences racistes et islamophobes.
Ce n’est pas parce que les pancartes de “Nous Vivrons” étaient tenues par des femmes que leur présence dans nos manifestations était acceptable. Nous défendons que la lutte féministe ne peut pas être réduite à la lutte des femmes contre les hommes mais qu’elle est bien la lutte contre des systèmes de domination et de violence dont le sionisme fait partie, en tant que système colonisateur et d’apartheid. “Nous Vivrons” instrumentalise les corps de toutes les femmes, en revendiquant leur droit à être présent·es dans une manifestation féministe sur cette simple base. De fait, les femmes du collectif instrumentalisent leurs propres corps au service du sionisme. C’est une position essentialiste, qui rappelle celles du groupe “féministe” d’extrême droite Némésis qui réclame le même droit sur la même base. Nous refusons d’entrer dans ce jeu essentialiste, il faut voir en ces groupes leur positionnement politique avant leur genre.
Pour toutes ces raisons, le cadre unitaire national “Grève féministe” n’aurait jamais dû accepter leur présence dans la manifestation parisienne. Il n’est pas possible, si nous nous revendiquons féministes internationalistes et anticolonialistes, de transiger avec le sionisme. Il est impensable d’être féministe et du côté de la colonisation et du génocide. C’est cette décision qui a mis en danger des manifestant·es féministes pro-palestinien·nes et qui divise le mouvement féministe. Car désormais, les forces réactionnaires cherchent à trier les “bonnes”, des “mauvaises” féministes. Celles qui pensent qu’on peut mettre de côté notre empathie le temps d’une manifestation et accepter un collectif qui soutient des génocidaires pour l’apaiser, et celles qui considèrent que nos principes ne sont pas à monnayer contre la paix médiatique, et qu’en matière de massacre d’une population on ne doit jamais commencer à bégayer au risque de ne plus savoir comment parler.
Pour un féminisme décolonial, non-essentialiste et anticapitaliste : grève féministe !
Nous tenons à réaffirmer clairement qu’il existe une pluralité de communautés et de voix juives que le sionisme médiatisé et tapageur de “Nous vivrons” doit cesser de silencier. Les féministes juives qui luttent contre toutes formes d’oppression ont toute leur place dans nos cortèges féministes, elles doivent y être et y seront en sécurité. Notre position est sans ambiguïté : pas de lutte féministe sans lutte contre le racisme, l’antisémitisme et le colonialisme.
Nous condamnons les viols et les violences commises contre les femmes israéliennes et palestiniennes tout comme l’utilisation du viol comme arme de guerre. Nous savons que la fin des violences en Palestine et en Israël n’adviendra qu’avec un cessez-le-feu, la fin de la colonisation et du blocus, et le droit pour les palestinien·nes de vivre dignement et librement sur leur terre.
Pour nous, l’outil de la grève féministe est précisément celui qui peut et doit permettre de construire des alliances avec les mouvements qui luttent contre le racisme et pour les droits des peuples à être libres, parce que la grève met au centre les capacités d’actions des femmes et minorités de genre à retourner leur position de subalterne pour tout arrêter et tout repenser. Il s’agit donc d’un outil politique qu’on ne peut pas construire avec les courants fémonationationalistes, parce qu’on ne peut pas lutter contre l’oppression main dans la main avec l’oppresseur.
Par ce texte, nous revendiquons haut et fort que majoritairement le mouvement féministe en France est pro-Palestine, en soutien aux opprimé·es, et ne transige pas avec ce principe !
Nous appelons à continuer à tisser des liens et des alliances entre nos mouvements féministes et les mouvements contre le racisme, contre l’antisémitisme et contre la colonisation, dans de vastes mouvements féministes anticapitalistes et décoloniaux pour les droits des peuples à disposer d’eux-mêmes !
La libération de la Palestine est une cause féministe !
Signataires :
Allumeuses
Assemblée Féministe Paris Banlieue
Assemblée Féministe Transnationale
Association Adelphi’Cité Marseille
Association Nouvelles Rênes
Ag feministe chambéry
AG Feministe Gironde / Bordeaux
CLAC – Nantes
CLF Montreuil
CNT 35
CNT 38
Collages Féministes Aix en Provence
Collages féministes Bordeaux
Collages féministes Montluçon
Collages féministes de Rouen
Collages Féministes Strasbourg
Collectif Arc En Ci.elles – Strasbourg
Collective FFFRAC Mantes la Jolie 78
Collectif des Mésanges Lodève (34)
Collectif féministe LA GRENADE, Metz
Collectif lillois de luttes féministes
Comité de soutien à Hanane Ameqrane
Commune Vision ; Rennes
Du Pain et des Roses
Emancipation tendance intersyndicale
Extinction Rébellion Grenoble
Féministes4jina.Paris
Féministes Révolutionnaires Paris
GARCES, Paris
Groupe d’Action Féministe Rouen
Groupe féministe de Fougères
Kollectif Kuné
Kessem, juives décoloniales
La Bulle – Rennes
La Relève Féministe
La Pride des Banlieues, Saint-Denis
Le Parti de Gauche ille-et-vilaine
Les Affolé-e-s de la Frange (Limoges)
Les inverti·e·s
Les Jeunes Insoumis•es de Grenoble
Les Ourses à plumes
Marseille 8 Mars
Mésanges
Mouvement des mères isolées
MNL13
#NousToutes
NousToutes 06
Nous Toutes 27
NousToutes33 (Bordeaux)
NousToutes35 (Rennes)
NousToustes38 (Grenoble)
NousToutes79
Nous Toutes 95
Nous Toutes Juvisy
NousToutes Lorient (56)
Noustoustes Marseille
Nous Toutes Nord Essonne
Nous Toutes Paris 13/14
Nous Toutes Paris Nord (9/10/18e)
Nous Toutes Pays Basque
Nous Toutes Roanne
NousToutesUnistra (Strasbourg)
NousToutes Saint-Malo
Nous Toutes Vannes
NPA Rennes
Ouvrons les Guillemets
PEPS
Sciences Palestine
Solidaires étudiant-es Grenoble
Solidaires Informatique 35 (Rennes)
Sud santé 38
Support Transgenre Strasbourg
Team sama – Mont de Marsan
Tsedek!
Union Communiste Libertaire
unioncommunistelibertaire.org/…
Gaza : Le massacre continue, la mobilisation aussi
Bientôt 6 mois de massacres de masse à Gaza ! Alors que Netanyahou tente d’élargir le conflit et s’apprête à bombarder Rafah, la solidarité en France fait face à une répression politique inédite. Il s’agit de ne pas lâcher prise.
Plus de 30 000 morts, très probablement plus, un territoire en ruine, des risques de maladie et de famine, des blessé·es et des mutilé·es en masse dans une situation de manque de soin. S’y ajoutent les menaces de retrait de subventions qui pèsent sur l’UNRWA, principal organisme d’aide aux réfugiés et au peuple palestinien.
Alors que le risque de génocide est confirmé depuis novembre, appuyé désormais par la plainte de l’Afrique du Sud, que les violences et meurtres de la part de colons se multiplient en Cisjordanie, il n’est plus contestable que nous assistons à des crimes contre l’humanité, visant la destruction totale de la société gazaouie, dans la continuité du projet colonial du gouvernement israëlien. Israël effectue maintenant des tirs sur le Liban avec la complicité des USA, qui de leur côté effectuent des tirs au Yémen et en Irak.
En effet, Netanyahou, aujourd’hui sur un siège éjectable, fait le pari d’une déflagration généralisée dans la région par des provocations multiples, seul moyen pour lui que le soutien occidental ne vacille pas face à la montée des contestations mondiales.
Une mobilisation qui gagne
De son côté la France, si elle hausse discrètement la voix par moment, continue de fournir des satellites et de vendre des armes à l’état d’Israël et se retrouve complice de crime contre l’humanité ! Dans le monde, plusieurs mobilisations de blocage des dépôts d’armes ont eu lieu. Pas encore en France.
La campagne Stop Arming Israël France s’est récemment créée dans ce but.
La répression et les intimidations des soutiens à la Palestine ont pris des proportions inédites en France de la part de l’Etat [1] comme de la société civile [2]. Le consensus pro-israélien se durcit, ébranlé par les mobilisations qui se maintiennent dans les rues depuis octobre.
Cette ambiance maccarthyste traverse la gauche comme le prouve l’interdiction par la mairie de Paris de réunions publiques avec Judith Butler organisées par le collectif juif décolonial Tsedek, attaqué pour son antisionisme assumé.
Pour autant, les actions et campagnes initiées par différents collectifs et la campagne BDS [3] mobilisent largement ; plusieurs actions et collectifs se créent dans les quartiers populaires. Y entraîner de plus en plus de secteurs syndicaux et du monde du travail doit être un objectif pour les révolutionnaires dans les mois à venir.
Malgré l’ampleur du massacre, la résistance palestinienne à Gaza, qui regroupe toutes les composantes politique palestiniennes, n’est en rien défaite et fait subir des pertes importantes aux israéliens. La mobilisation internationale ne faiblit pas notamment aux États-Unis, et l’occident est définitivement décrédibilisé par ses deux poids deux mesures.
La solidarité internationale ici est un front de lutte pour couper les cordons ombilicaux de la colonisation ! Il s’agit de la renforcer en France en menant diverses batailles idéologiques, politiques et antiracistes. Parmi elles, attaquons l’idée qui fait consensus en France et légitime le soutien à Israël depuis des années : remettons en cause la « guerre contre le terrorisme » !
Nicolas Pasadena (commission antiraciste de l’UCL)
[1] « 7 octobre : Aurore Bergé menace de couper les subventions aux associations féministes », L’Humanité, 12 février 2024.
[2] « Guerre Israël-Gaza : la juriste franco-palestinienne Rima Hassan prise pour cible par l’animateur Arthur », L’Humanité, 5 février 2024.
[3] « Boycott, désinvestissement et sanctions pour stopper l’apartheid israélien », Unioncommunistelibertaire.org
Union Communiste Libertaire 37 likes this.
unioncommunistelibertaire.org/…
Tsedek ! Une voix juive pour la justice
Créé en juin 2023, le collectif Tsedek ! connaît une croissance très rapide depuis le début de l’offensive génocidaire israélienne à Gaza. Né à Paris, il essaime à Lille, à Marseille, à Grenoble, à Lyon... Il fait entendre une autre voix juive, décoloniale et antisioniste.
Voilà qui ne peut que déplaire aux inconditionnels du massacre. Déjà trois événements de Tsedek ont été déprogrammés à la suite de pressions [1], et les anathèmes contre Tsedek reprennent bien souvent la rhétorique antisémite la plus classique [2]. Mais qu’est-ce que ce collectif, et pourquoi fait-il aussi peur ?
« Tsedek » est le mot hébreu pour « justice ». Et c’est cette notion qui est au centre du travail antiraciste de ce collectif. Justice en Palestine tout d’abord : la paix n’aura pas lieu sans justice et sans égalité. Le respect des droits des Palestinien·nes (levée du blocus, droit au retour, libération des prisonnièr·es, lutte contre le mur et les expulsions...) est une nécessité pour que tous et toutes puissent vivre à égalité dans un pays démocratique, de la Mer au Jourdain.
Justice en France aussi, contre le racisme d’État, car l’engagement antiraciste n’est pas complet s’il ne s’attaque pas à notre propre impérialisme. De la loi Darmanin aux crimes policiers en France, ou à la répression des manifestations au Sénégal avec le soutien de l’État français, Tsedek participe aux manifestations et communique son soutien à toutes les luttes contre le racisme d’État. Justice enfin, pour tous les peuples opprimés, partout dans le monde. Dans son communiqué de soutien à la manifestation kurde du 6 janvier 2024 [3], Tsedek compare l’histoire juive et l’histoire kurde : « nous partageons la même communauté de destin face à l’ethno-nationalisme et à l’impérialisme ».
« Pour une judéité émancipée du sionisme »
Le collectif considère qu’une analyse matérialiste du sionisme ne peut que conduire à le définir comme un projet colonial. « La meilleure définition du sionisme se fait par sa manifestation matérielle : l’apartheid, les expulsions, les destructions de maisons, la déshumanisation, le blocus, les prisonniers politiques, les exécutions sommaires, le nettoyage ethnique et le génocide » [4]. Tsedek entend donc porter une voix juive critique. Face au massacre à Gaza, il lançait le 31octobre une pétition qui proclamait : « vous n’aurez pas le silence des Juifs de France ». Dans les manifestations parisiennes pour un cessez-le-feu à Gaza, le collectif apparaît dans un « bloc juif » aux côtés d’autres organisations juives antisionistes (Oy Gevalt, Kessem, l’UJFP) [5].
Si Tsedek s’oppose aux organisations et collectifs qui prétendent représenter la parole juive, ce n’est pas pour parler « au nom » des juifves, mais bien pour insister sur la pluralité des opinions juives. Les amalgames entre judéité et sionisme, et entre antisionisme et antisémitisme, conduisent à essentialiser les Juifves, comme s’iels étaient une masse uniforme qui parlerait d’une seule voix en faveur du colonialisme. Pour refuser cette capture des voix juives, il y avait besoin d’un nouveau collectif qui permette aux personnes juives antisionistes de s’exprimer en première personne, contre les institutions qui parlent à la place ou au nom de toutes les personnes juives. Dès lors, Tsedek n’hésite pas à assumer la conflictualité avec les organisations juives sionistes, du CRIF à l’UEJF, qui le lui rendent bien.
Contre l’antisémitisme et son instrumentalisation
Au centre des engagements du collectif, il y a aussi la lutte contre l’antisémitisme. Tsedek en propose une lecture matérialiste, qui rompt avec les analyses dominantes. Dans le manifeste du collectif, l’antisémitisme est défini comme un « produit de la suprématie blanche ». En 1492, la même année où Christophe Colomb ouvrait la voie à la colonisation du continent américain, l’Espagne expulsait les Juifs et Juives au nom de la « pureté du sang » : ce sont bien les États-nations européens qui ont fait des Juifs et Juives des parias, qui les ont racialisé·es et discriminé·es.
Lorsque ces mêmes États-nations utilisent la lutte contre l’antisémitisme pour produire autour d’eux l’unité nationale, comme ce fut le cas avec la manifestation du 12 novembre à Paris, Tsedek y voit une instrumentalisation hideuse, d’autant plus quand il s’agit d’utiliser le prétexte de la lutte contre l’antisémitisme pour renforcer d’autres racismes, notamment islamophobe [6]. Le même gouvernement qui appelait à cette marche contient entre autres Gérald Darmanin, auteur de déclarations immondes sur les Juifs qui « pratiquent l’usure » et font naître « troubles et réclamations » !
Au contraire, la lutte contre l’antisémitisme de Tsedek est intimement liée à tous les autres antiracismes. L’antisémitisme, comme tous les racismes, a ses spécificités, mais en faire un racisme exceptionnel est une faute politique : la lutte antiraciste sera commune ou ne sera pas. Dans la lutte contre l’antisémitisme, comme dans toutes les luttes, « la boussole ne peut être que celle de la justice, de l’émancipation collective et des débouchés politiques en rupture avec les structures qui produisent l’antisémitisme. Sans cela, elle est désarmée » [7].
Daniel (UCL Lyon)
[1] Un événement prévu le 6 janvier, au Cirque Electrique de Paris intitulé « contre l’antisémitisme, son instrumentalisation et pour la paix révolutionnaire en Palestine » a été annulé par la mairie qui prêtait la salle, possiblement en cédant à des menaces de groupes sionistes d’extrême droite. Le 30janvier, c’était une projection du film La Zone d’intérêt en présence de la chercheuse Sadia Agsous-Bienstein, prévue au cinéma Magestic Bastille, qui était déprogrammée en dernière minute. Une nouvelle séance était prévue le 6 février, avec l’historien Johann Chapoutot comme deuxième invité. Celui-ci a décliné l’invitation en dernière minute, et la salle de cinéma a refusé que la première s’exprime seule, avec des justifications dont l’intéressée a souligné le sous-texte raciste.
[2] Sur le site Akadem, une chronique intitulée « Tsedek et Neturei Karta, les Juifs préférés des antisémites » présente par exemple Tsedek comme un groupe « marginal et surmédiatisé ».
[3] « Avec la gauche kurde le 6 janvier Justice et vérité pour les six assassinats ! », Alternative libertaire, Février 2024
[4] https://x.com/TSDKcollectif/status/1749834211131805949
[5] Pour une présentation de l’UJFP dans les colonnes d’Alternative Libertaire : « Pierre Stambul (UJFP) : “Notre audience s’accroît” » , Alternative Libertaire, mai 2009
[6] L’UCL a développé une position très similaire dans notre communiqué du 18 novembre 2023, « Lutte contre l’antisémitisme : les tentatives dangereuses de réappropriation par l’extrême droite »
[7] Tsedek, « L’antisémitisme doit être combattu, son instrumentalisation aussi », 3 novembre 2023.
L'#UnionCommunisteLibertaire organise un café libertaire à #Bruxelles : Chaussée de Forest 54, 1060 #SaintGilles (Local #SaccoEtVanzetti). Local au rez-de-chaussée, une marche à franchir. Pas de WC PMR
Discuter de l'actu & des actions de l'UCL en Wallonie, adhérer....
Plusieurs questions engagent l'avenir du #SyndicalismeDeLutte : où en est l’axe CGT - FSU - Solidaires ? l’impératif écologique ? l’égalité femmes-hommes ? le rôle des minorités sexuelles ou racisées en son sein ?
unioncommunistelibertaire.org/…
Retour « au taf », les syndicalistes autogestionnaires et libertaires ! – UCL - Union communiste libertaire
Le mouvement social de 2023 pour la défense des retraites a montré à quel point le syndicalisme de lutte restait un acteur incontournable de la lutte des classes... mais aussi à quel point il était…UCL - Union communiste libertaire
unioncommunistelibertaire.org/…
Nous c’qu’on veut, c’est un plan d'urgence !
Ce mouvement est le fruit d’un travail de mobilisation élaboré par les syndicats de lutte commencé dès le mois de septembre 2023.
Du fric pour l’école publique ! Du pèze pour le 93 !
Depuis le 26 février a débuté un grand mouvement social dans l’éducation en Seine-Saint-Denis. C’est le fruit d’un travail de mobilisation élaboré par les syndicats de lutte commencé dès le mois de septembre 2023.
Dès septembre, des grèves ont eu lieu dans plusieurs établissements du 93, notamment pour protester contre l’interdiction de l’abaya et les manques de personnels. Une intersyndicale a décidé de se réunir pour construire un mouvement collectif et unitaire. La FSU, la CGT, la CNT et Sud Education ont décidé de lancer un grand recueil de doléances pour construire un revendicatif commun destiné à servir de base à une mobilisation. Sur le modèle de la mobilisation victorieuse de 1998, il a été décidé d’exiger de nouveau un Plan d’urgence pour l’éducation dans le 93.
Un mouvement, ça se construit...
Un questionnaire a permis de recenser les manques de moyens. Il en ressort que le 93 a besoin de 358 millions d’euros et de l’embauche de 5200 enseignant·es, du renforcement des pôles médicaux et sociaux par une embauche de 200 infirmier·es, médecins et assistant·es sociales, de 1055 postes en vie scolaire et de 2200 AESH. Concernant les locaux insalubres (infestations de nuisibles dans 30 % des écoles) et mal isolés (70 % des collèges), l’intersyndicale demande un autre collectif budgétaire [1] pour un grand plan de rénovation et d’investissement.
Tout le monde connaît l’état catastrophique du système éducatif public dans le 93. Pour autant, ce travail sert concrètement à la construction de la mobilisation et la crédibilise. Les militant·es syndicaux ont sillonné le département pour populariser ce qui n’était encore qu’une campagne pour un plan d’urgence. Ils et elles ont organisé des tournées et des réunions d’information syndicale, des campagnes de mails coordonnés, etc. Le 21 décembre, une conférence de presse et un meeting ont été organisés à la Bourse du Travail départementale à Bobigny pour publiciser le chiffrage des doléances et lancer la mobilisation, avec le soutien de la CGT, de la FSU et de Solidaires.
En janvier et février, le travail de fourmi a continué et l’idée de ne pas faire la rentrée après les vacances d’hiver a émergé. Les chiffres de la grève nationale du 1er février ont encouragé les militant·es en ce sens et les annonces de Gabriel Attal (réforme du choc des savoirs) puis les déclarations de l’éphémère ministre Oudéa-Castera sur l’école publique ont attisé les braises.
Et si le 93 ne faisait pas sa rentrée ?
De fait, la grève de la rentrée du 26 février a été un succès avec 60 % de grévistes en moyenne dans le 2d degré. De nombreux établissements ont voté la reconduction, des AG ont lieu dans plusieurs villes du département, parfois à des endroits où il se passe peu de choses (à Aulnay-sous-Bois par exemple). De plus, à l’issue d’un rassemblement de 700 personnes à côté du Lycée Stanislas à Paris, une assemblée générale (AG) départementale a réuni 150 enseignant·es qui ont voté la reconduction de la grève pour le lendemain.
Le 27 février, le rassemblement devant la direction départementale de l’éducation nationale a été un succès, tout comme l’AG départementale. À partir de ce moment-là, l’AG et l’intersyndicale n’ont cessé d’appeler à la grève reconductible et à sa massification. Cela a été le cas le 7 mars avec une augmentation du nombre de grévistes (60 % dans les collège et lycées et 45 % dans les écoles) du nombre de personnes en manifestation (plusieurs milliers) et en AG. Petit à petit, le mouvement a agrégé les parents d’élèves qui organisent des rassemblements le soir ou des manifs du samedi dans les principales villes du 93.
Le jeudi 14 mars, des cortèges ont afflué de 8 points de départ dans le département pour converger à 5000 vers la préfecture. Du jamais vu depuis plusieurs décennies ! Le lendemain, ce sont les parents qui ont organisé une opération « écoles, collèges et lycées déserts » dans tout le département.
Le mouvement semble devoir durer, fort de son organisation en AG respectueuses des mandats des établissements et des villes qui se réunissent systématiquement en amont des AG départementales, tenant bon le cap des revendications locales pour un plan d’urgence du 93 articulées aux revendications contre les réformes « choc des savoirs ».
La situation révoltante et la jeunesse d’une partie importante des personnels donne du ressort à la mobilisation, mais elle n’est pas égale dans l’ensemble du département. La grève reconductible est en fait majoritairement perlée. C’est ce qui permet aussi que la mobilisation dure depuis 3 semaines au moment où cet article est écrit. Une partie de sa réussite tient aussi au fait qu’elle est concrète et parle aux travailleur·ses aussi bien qu’aux usagèr·es. Pour autant la marche est haute : les victoires de 1998 et 2015 se sont faites sous des gouvernements sociaux-démocrates. Face à la droite qui refuse de céder face aux aux mobilisations sociales, il va falloir amplifier le rapport de force.
La casse assumée de l’enseignement public
Malgré l’ampleur de la mobilisation, le soutien de la FCPE et celui des élu·es NUPES, la réponse des autorités hiérarchiques est inexistante et méprisante. Ainsi, ni le directeur départemental, ni la rectrice, ni même le cabinet ministériel (qui a reçu l’intersyndicale le 15 mars) ne veulent rien lâcher : pas le moindre million, ni même un déblocage de postes. Quand on sait que le SNU et le port de l’uniforme coûteraient plus de 4 milliards d’euros, on touche du doigt la réalité des choix politiques faits par le gouvernement. De l’argent public, il y en a également beaucoup dans les caisses des établissements privés dont le financement est assuré à plus de 70 % par l’État.
« Du fric pour l’école publique ! Du pèze pour le 93 ! » est l’un des slogans les plus scandés de ce mouvement. Si la reconduction de la grève annoncée après le 19 mars s’enracine et s’amplifie, on peut s’attendre à un printemps très chaud dans le 93 et peut être partout ailleurs en France dans l’éducation nationale !
Des profs communistes libertaires du 93
[1] Des moyens supplémentaires issus du budget de l’État.
Emily Fox likes this.
unioncommunistelibertaire.org/…
1880-90 : Quand l’antisémitisme se voulait doctrine sociale
Dans la décennie 1880, le mouvement socialiste était travaillé par l’antisémitisme. Il s’en dissocia dans les années 1890. Puis, en 1898-1899, avec l’Affaire Dreyfus, le classa définitivement comme réactionnaire, sans se défaire entièrement de ses scories. Quels étaient les fondements de cet antisémitisme de gauche ? Pourquoi l’hésitation initiale à le pourfendre ? Et comment la prise de conscience s’opéra-t-elle ?
En 1895, à la veille de l’Affaire Dreyfus, l’attitude de l’anarchisme vis-à-vis de l’antisémitisme est assez similaire à celle du reste du mouvement socialiste : hostile sur le plan doctrinal, indifférente voire complaisante dans les faits. En ce XIXe siècle qui ressasse les stéréotypes de la judéophobie chrétienne, et où les théories racialistes « scientifiques » sont à la mode, l’antisémitisme n’est nullement une opinion honteuse. Il est même massivement véhiculé par la presse conservatrice et catholique.
L’historien Michel Dreyfus a calculé qu’en 1897, ses quatorze quotidiens touchent au total 2 millions de lecteurs. Très loin devant les 250.000 lecteurs atteints par les six titres républicains de gauche et socialistes. À lui seul, le quotidien papiste La Croix, qui se proclame « le plus antijuif de France » touche 500.000 lectrices et lecteurs. La thèse de Michel Dreyfus est qu’il n’y a pas eu de formulation d’un antisémitisme original par le socialisme, mais une puissante imprégnation par un antisémitisme ambiant. C’est pourquoi, plutôt que d’un « antisémitisme de gauche » il a préféré parler de l’« antisémitisme à gauche » [1].
Le premier à politiser la vieille judéophobie médiévale avec des arguments de son temps est le fourriériste Alphonse Toussenel, qui publie en 1847 Les Juifs, rois de l’époque [2]. Écrivant sous la monarchie de Juillet, qui voit l’essor du capitalisme français, Toussenel affirme en substance que l’ère qui s’ouvre signe le triomphe de l’« esprit juif », c’est-à-dire l’arrivée au pouvoir des affairistes, des spéculateurs et des banquiers, dont le baron Rothschild est la figure tutélaire –et qui sera la cible obsessionnelle des antisémites.
L’antisémitisme est présent chez Auguste Blanqui, le plus éminent chef révolutionnaire des années 1850-1860, mais pas de façon structurante. Il devient en revanche central chez certains de ses disciples, notamment Gustave Tridon [3].
C’est dans les années 1880 que cet antisémitisme politique effectue une percée dans les milieux socialistes et d’anciens communards, par le biais du blanquisme et de La Revue socialiste de Benoît Malon. Les ouvrages de Gustave Tridon, d’Auguste Chirac [4] et d’Albert Regnard [5] lui donnent alors ses lettres de noblesse. Mais nul ne fera autant qu’Édouard Drumont avec son livre publié en 1885, La France juive [6].
À la différence des précédents, Drumont est un catholique assidu, et son anticapitalisme n’est que superficiel. Son talent de pamphlétaire est en revanche bien supérieur, et il sait présenter au grand public les thèses antisémites sous un jour sensationnel. Son style, c’est le scandale et l’outrance. Le succès de librairie est phénoménal : 140 rééditions en deux ans.
Réfutation doctrinale, mais indifférence politique
Tridon, Regnard, Chirac ou Drumont n’échafaudent, au plan théorique, qu’un salmigondis mêlant anticapitalisme et racisme –un racisme où la « race », mot à tout faire, procède à la fois du sang, de la religion, de la culture et de l’appartenance à la classe capitaliste. Ils n’en élèvent pas moins leur antisémitisme au rang de doctrine politique [7]. Comment le mouvement ouvrier a-t-il réagi à cette proposition doctrinale ? Par un haussement d’épaules.
Durant la majeure partie des années 1880, les journaux anarchistes et socialistes tiennent officiellement l’antisémitisme pour une doctrine erronée. Non pas sur la base d’une argumentation antiraciste, mais parce que, de leur point de vue, les antisémites, en limitant leurs attaques à la fraction juive de la bourgeoisie, ne désignent pas la vraie cible : le capitalisme dans son ensemble.
Ceci étant dit, anarchistes et socialistes ne font pas un mauvais accueil au livre de Drumont : ses diatribes contre « Rothschild » et « les banquiers juifs » ne sont pas ressenties comme contre-productives si elles peuvent éveiller la révolte populaire contre le capitalisme en général.
L’ignorance d’un prolétariat juif
Le fantasme du « Juif usurier » circule d’autant plus aisément à gauche que le prolétaire français moyen ne côtoie ni Juifs ni Juives. En 1882, le Consistoire en recensait 60 000 en France, soit environ 0,17% de la population totale, pour l’essentiel invisibles car totalement assimilés. Les Juifs connus, par la force des choses, appartiennent plutôt à l’intelligentsia et à la bourgeoisie, où ils sont effectivement surreprésentés : en 1892, sur 440 patrons d’établissements financiers, on compterait 90 à 100 Juifs [8]. De telle sorte qu’avant les années 1900, comme le souligne Michel Dreyfus, « aucun penseur, aucun analyste n’a imaginé qu’il puisse y avoir aussi un prolétariat juif » [9].
Ce n’est qu’après l’Affaire Dreyfus que l’image du judaïsme se prolétarisera. L’immigration yiddish d’Europe de l’Est formera de forts contingents d’ouvriers tailleurs et chapeliers, qui constitueront d’ailleurs des syndicats affiliés à la CGT. En 1898, pour la première fois, la réalité du prolétariat juif aura été étudiée dans une thèse publiée à Bruxelles [10].
Les années 1880 marquent donc à la fois la pénétration de l’antisémitisme et son plus haut niveau d’acceptation au sein du socialisme. Une première dissociation survient au terme du phénomène boulangiste de 1888-1889.
Première dissociation suite au boulangisme
Mouvement antiparlementaire, patriote et confusionniste, agglomérant des tendances de droite et de gauche, le boulangisme rebat les cartes au sein du socialisme. Tandis que les « possibilistes » de Brousse et Allemane s’engagent dans la défense de la république, la majorité des blanquistes soutiennent Boulanger. Les guesdistes, eux, affichent une neutralité plutôt bienveillante à l’égard du « brav’ général ». Quant aux anarchistes, ils dénoncent à la fois le « césarisme » de Boulanger et l’hypocrisie de la république.
Quand le boulangisme décline, dès la fin de 1889, il cherche un second souffle en actionnant le levier antisémite, susceptible de faire vibrer la corde populaire, tout en attirant les subsides de l’aristocratie réactionnaire et cléricale. En l’absence de son chef exilé, l’état-major boulangiste noue alors une alliance avec la Ligue nationale antisémitique d’Édouard Drumont [11]. Leurs orateurs s’unissent pour un grand meeting le 18 janvier 1890 à Neuilly, sous le mot d’ordre « guerre aux Juifs ! » L’auditoire de 1 500 personnes est peu ordinaire : le prince de Tarente, le prince Poniatowski, le duc de Luynes, le duc d’Uzès, le comte de Dion et le vicomte de Kervéguen sont venus se mêler au petit peuple de la banlieue ouest [12]... L’événement est abondamment relayé par la presse qui y voit le possible acte de naissance « en France, d’un parti antisémite comme il en existe déjà en Allemagne, en Autriche, en Russie » [13].
Alors que l’antisémitisme n’avait été jusqu’ici, pour ainsi dire, ni de gauche ni de droite, ce marquage réactionnaire ne pouvait que le rendre suspect aux yeux des révolutionnaires. C’est sans doute pour cette raisons que, dans les années 1890, l’antisémitisme est identifié, à gauche, comme une escroquerie. Il disparaît de La Revue socialiste, et est rejeté par les socialistes antiboulangistes [14].
Les préjugés et stéréotypes ont la vie dure
Après l’épisode boulangiste, la doctrine antisémite est donc, en tant que projet politique, rejetée par la gauche. Mais les préjugés et les stéréotypes, eux, ont la peau plus dure. Pendant longtemps, ils surgiront encore sporadiquement, au détour d’un article, dans la presse anarchiste ou socialiste, réformiste comme révolutionnaire.
Et puis, il y a l’imprégnation du langage populaire. Les mots « juif », « youtre », « youdi » ou « youpin » y désignent alors couramment les pingres, les profiteurs et les exploiteurs, de façon plus ou moins déracialisée [15]. Dans un article du Père Peinard tout à fait symptomatique, Émile Pouget explique ainsi : « De religion, de race, il n’est plus question. Le youtre, c’est l’exploiteur, le mangeur de prolos : on peut être youtre tout en étant chrétien ou protestant ». De même que, selon lui, le mot « jésuite », loin de désigner un missionnaire catholique, signifie à présent, dans l’imaginaire populaire, « une ignoble crapule, un dégoûtant salop, vous faisant des mamours pour mieux vous étrangler » [16]. Une façon, sans doute, d’excuser les habitudes de son lectorat. Pouget y renoncera totalement quand, huit ans plus tard, il s’engagera à fond dans le camp dreyfusard.
Étonnamment, cette sémantique est véhiculée y compris par des révolutionnaires juifs comme Bernard Lazare qui, dans un livre de 1894, s’efforce d’établir un distingo acrobatique entre « juifs » et « israélites » – le premier terme devant selon lui s’appliquer aux grands banquiers et spéculateurs, et le second aux boutiquiers sans le sou [17]. Lazare va jusqu’à admettre que l’antisémitisme peut jouer un rôle positif : en encourageant la haine des riches, il hâtera une révolution qui fera disparaître les capitalistes et donc les causes de l’antisémitisme.
Mais dès l’année suivante, Bernard Lazare prend conscience de ces équivoques, et renie son livre [18]. À l’occasion d’une polémique avec Drumont, il affirme que l’« histoire de l’antisémitisme en France n’est qu’un coin de l’histoire du parti clérical ». Et de regretter : « Hier, on spécifiait avec affectation que, sous le nom de Juif, on désignait le loup-cervier de la Bourse, le financier louche, le courtier marron, celui qui vivait de l’agio et de la prédation, sans distinction d’origine et de culte. Il s’en trouvait qui s’excusaient presque de se servir du mot juif, mot, disait-on, consacré par l’usage et dont les israélites honnêtes auraient eu tort de se montrer froissés » [19].
Lazare, désormais, pense qu’il est temps de s’en montrer froissé, et d’en finir avec l’antisémitisme à gauche. C’est l’époque où, pionnier de l’Affaire Dreyfus, il se dépense sans compter pour prouver l’innocence du capitaine et convaincre les socialistes en général, et plus particulièrement ses camarades anarchistes, de s’engager. Ses efforts vont payer. Et l’Affaire Dreyfus sera le second moment, plus fondamental, de rejet par la gauche de l’antisémitisme.
Guillaume Davranche (UCL Montreuil)
Cet article ne traite que de la période 1880-1898. Pour les évolutions postérieures, il faut lire l’excellente synthèse de Michel Dreyfus, L’Antisémitisme à gauche, La Découverte, 2009.
OPÉRATION SÉDUCTION DERRIÈRE LES BARREAUX DE SAINTE-PÉLAGIE
Quelques mois avant le lancement du quotidien La Libre Parole, l’un des chefs du parti antisémite, le marquis de Morès, tenta vainement d’obtenir la collaboration d’anarchistes en vue.
Sous la IIIe République, il est fréquent qu’en prison, au régime politique, se coudoient des militants d’extrême droite et d’extrême gauche condamnés pour des discours ou des articles de presse. C’est ainsi que lors d’un séjour à Sainte-Pélagie, en 1891, les anarchistes Charles Malato et Michel Zévaco rencontrent le marquis de Morès. Cet aventurier mégalomane, cogneur, boulangiste puis figure de la Ligue antisémitique, travaille avec Drumont au lancement d’un journal et brûle d’y associer des plumes libertaires – la fine fleur de la subversion ! Parmi les noms envisagées : Michel Zévaco, Constant Martin, Émile Pouget et Charles Malato. Cette offre est repoussé avec dégoût par les intéressés [20].
« L’un s’appelle la réaction, l’autre la révolution »
Quelques mois plus tard, en avril 1892, le fameux journal voit le jour : c’est La Libre Parole, qui se taillera une part de marché en dénonçant à jet continu les « scandales juifs ». Bientôt il attaque Malato en le qualifiant d’« agent des Juifs », et plus précisément du baron Rothschild – cible obsessionnelle des antisémites.
Après avoir expédié une lettre d’insulte à Drumont, Malato exécutera l’escroc dans un livre paru en 1894 : « détourner contre les seuls Juifs les colères populaires. Débarrasser la banque chrétienne d’une rivale heureuse, faire oublier l’expropriation du capital productif en brûlant quelques chiffons de papier chez Rothschild, remplacer la guerre sociale par la religieuse, tirer les marrons du feu pour la monarchie cléricale [...], ah bien, non ! » Et de tracer une ligne infranchissable entre l’antisémitisme et l’anarchisme : « entre nos partis, la lutte est à mort : l’un s’appelle la réaction, l’autre la révolution » [21].
Cette assertion se vérifiera quatre ans plus tard quand, lorsque l’Affaire Dreyfus déchirera le pays, les anarchistes s’affronteront violemment aux antidreyfusards [22].
[1] Michel Dreyfus, L’antisémitisme à gauche. Histoire d’un paradoxe de 1830 à nos jours, La Découverte, 2009.
[2] Alphonse Toussenel, Les Juifs, rois de l’époque : histoire de la féodalité financière, G. de Gonet, 1847.
[3] Gustave Tridon, Du molochisme juif. Études critiques et philosophiques, Bruxelles, Édouard Maheu, 1884.
[4] Auguste Chirac, Les Rois de la République. Histoire des juiveries, P. Arnould, 1883.
[5] Albert Regnard, Aryens et Sémites. Le bilan du judaïsme et du christianisme (compilation d’articles parus dans La Revue socialiste), Dentu, 1890.
[6] Édouard Drumont, La France juive, Paris, Marpon & Flammarion, 1885.
[7] Pierre-Jospeh Proudhon (1809-1865) n’est pas listé ici car sa judéophobie foncière en resta au stade d’un sentiment confiné à ses carnets intimes. Il n’en fit pas une doctrine politique, contrairement à Toussenel, à Drumont et aux autres.
[8] Esther Benbassa, Histoire des Juifs de France, Seuil, 2000, citée par Dreyfus, op. cit., p. 21.
[9] Dreyfus, op. cit., p. 93.
[10] Leonty Soloweitschik, Un Prolétariat méconnu, étude sur la situation sociale et économique des ouvriers juifs, Bruxelles, Henri Lamertin, 1898.
[11] Zeev Sternhell, La Droite révolutionnaire (1885-1914), Folio, 1997, pp. 161-162.
[12] Grégoire Kauffmann, Édouard Drumont, Perrin, 2008, pp. 176-179.
[13] « La question juive », Gil Blas, 23 janvier 1890.
[14] Michel Dreyfus, op. cit., p. 73.
[15] Catherine Fhima, « La gauche et les Juifs », dans Histoire des gauches en France, vol. 1, La Découverte, 2004.
[16] Émile Pouget, « Youtres et jésuites », Le Père Peinard, 20 avril 1890.
[17] Philippe Oriol, Bernard Lazare, Stock, 2003, p. 30.
[18] Bernard Lazare, L’Antisémitisme, son histoire et ses causes, Léon Chailley, 1894. Ce livre, que Lazare renia peu après, fut récupéré des décennies plus tard par divers éditeurs antisémites, dont Kontre Kulture, d’Alain Soral.
[19] Bernard Lazare, Contre l’antisémitisme (Histoire d’une polémique), Stock, 1896.
[20] Sébastien Faure, « Vendus aux Juifs », Le Libertaire, 26 juin 1898 ; Charles Malato, De la Commune à l’anarchie, Stock, 1894, p. 272.
[21] Charles Malato, op. cit., pp. 272-273.
[22] « Janvier 1898 : Une première victoire sur les antisémites dans l’affaire Dreyfus », Alternative libertaire, janvier 2008.
Emily Fox likes this.
unioncommunistelibertaire.org/…
Face au racisme et au fascisme : résistance populaire
Gérald Darmanin l’a dit : sa loi immigration est « la plus ferme avec les moyens les plus durs de ces trente dernières années ». Et devant le Sénat il a fixé l’enjeu : il s’agit de savoir dans quelle société nous voulons vivre.
Notre réponse est claire : nous ne voulons pas vivre dans une société raciste, sécuritaire et anti-sociale !
Droits des étrangers·ères en France : une situation critique
Depuis plusieurs années, l’Etat français, Macron en tête, prend le chemin de la répression des mouvements sociaux, de la destruction des acquis sociaux durement gagnés par la lutte avec la destruction de notre système de retraites, notre sécurité sociale, notre agriculture, notre éducation nationale. Mais il prend également un chemin tout particulier sur la question du racisme, avec un passage d’un certain nombre de lois racistes : d’il y a 20 ans la loi sur le voile au lycée, puis les nombreuses lois immigrations qui se sont enchaînées avec trois dernières lois et mesures discriminant toute une partie de la population sur des motifs racistes : la loi séparatiste, le décret d’interdiction de l’Abaya ou encore la fameuse Loi Darmanin.
Ces mesures ont des conséquences concrètes, nous le voyons bien. Les mineur·es étranger·es sont plus que jamais abandonné·es par l’Aide Sociale à l’Enfance et se retrouvent à la rue, les collectifs de droits au logement sont criminalisés notamment avec la récente Loi Kasbarian, les Centres de Rétention Administrative, véritables prisons pour étrangers continuent de se construire avec une violence et un mépris du droit toujours plus flagrant, les jeunes des quartiers populaires continuent d’être éxecutés par la police, les imams sont expulsés, les « musulmans », avec ou sans papiers et français ou étrangers sont montés en boucs émissaires, avec en toile de fond la théorie omniprésente du « Grand Remplacement » nourrissant directement le terrorisme d’extrême droite.
Contre le racisme systémique en France : il faut agir maintenant !
Dans tout cela, les entreprises trouvent leur compte : la main d’œuvre précarisée ne coûte pas cher et la production juridique de sans-papiers n’a jamais été aussi forte. Nous apportons tout notre soutien aux grèves et aux combats légitimes des travailleurs et travailleuses sans-papiers.
La politique coloniale et impérialiste de l’Etat ne décline pas : Mayotte est un champ de bataille pour les policiers français, tout comme pour la répression et le traitement des « territoires d’outre-mers ».
Il est urgent de construire un front antiraciste et anti-impérialiste fort, à l’heure où Macron fait du Le Pen. Car les vrais séparatistes se trouvent à l’Elysée :
- Pour la régularisation de toutes et tous les sans-papiers
- Pour l’abrogation de la loi Darmanin
- Pour la fermeture des Centres de Rétention
- Pour le respect du droit d’asile, l’Aide Médicale d’Etat, un logement, un travail et une vie digne pour tous·tes
- Pour de réels moyens pour l’ASE
- Pour de vrais mesures contre les discriminations racistes dans l’accès au travail et au logement
- Contre les expulsions arbitraires et contre la déchéance de nationalité
- Contre le fascisme et les politiques racistes qui lui pavent la voie
- Contre la politique coloniale et impérialiste de l’Etat français
- Contre les violences policières
- Contre l’Islamophobie d’Etat et le contrôle du corps des femmes au travers des lois contre le voile
like this
Union Communiste Libertaire 37 and Emily Fox like this.
reshared this
Union Communiste Libertaire 37 reshared this.
unioncommunistelibertaire.org/…
Plan écophyto : Il n’en restera même plus le symbole
Le gouvernement français a prétendu répondre à la colère des agriculteurs en annonçant la fin du plan écophyto qui visait à la réduction de l’usage de produits phytosanitaires. Mais qu’est-ce que c’était que ce plan écophyto ? Et que peut-on tirer de son annulation ?
Le plan écophyto 2018 (ou Ecophyto I) est une mesure de 2008 qui visait à réduire de moitié l’usage de produits phytosanitaires en dix ans. Il a été le sujet de conflits importants entre, d’un coté, des associations environnementales et la Confédération paysanne et, de l’autre, le lobby agro-industriel avec la FNSEA en tête. Cette bataille législative a été « remportée » par le camp écologiste qui a pu bénéficier du Grenelle de l’environnement pour imposer sa vision et ses objectifs.
En effet, une telle réduction ne peut être que le résultat d’un changement de système faisant perdre aux produits phytosanitaires leur place centrale dans l’agriculture française. Cette vision s’oppose radicalement à celle la FNSEA qui évoquait une utilisation de pesticide déjà « raisonnée » et dont il fallait surtout mitiger les effets. Cette victoire des objectifs s’est cependant heurtée au mur des moyens. Les deux mesures phares sont la création du réseau Déphy, un réseau de fermes pilotes qui pourraient servir de modèle de transition vers le zéro phyto, et le bulletin de surveillance végétal (BSV) chargé de mieux informer les agriculteurs.
Ce premier plan écophyto a été un échec avec une augmentation de 20% d’usage de phytosanitaires ! Fort de cette leçon, le gouvernement choisi donc de mettre en place une mesure contraignante pour son plan écophyto II en 2015 : un nouveau marché, le Certificat d’économie de produits phytosanitaires (CEPP). L’idée est que chaque fournisseurs de phyto mène des actions pour en réduire l’utilisation afin de générer des certificats qui sont échangeables entre structures. Cette mesure devait permettre de réduire de moitié les pesticides pour 2025.
Un fiasco total
En 2023, les indicateurs en matière de pesticides sont au même niveau que 2009. La loi Egalim, effective depuis 2021, a en effet supprimé ce dispositif en séparant le conseil de la vente. À la place, la loi cherchait à favoriser l’agro-écologie à travers les marchés publics mais là aussi, c’est un échec : seul 20% de la restauration collective a atteint la qualité souhaitée contre les 50% affichés.
En 2024, le fiasco est total. Il est difficile de tirer des conclusions définitives tant le ratage est énorme et relève parfois de l’incompétence pure. On peut par contre attribuer cette incompétence à l’approche de communicant qu’à le gouvernement à l’égard de l’écologie et expliquant, en partie, le manque de moyens. On peut y voir aussi un manque de compréhension ou de volonté politique par rapport au jeu d’acteur de l’agriculture : aucune mesure prise concernant la concurrence des marchés internationaux ou des chaînes de distribution qui possèdent le pouvoir économique.
Nous pouvons surtout tirer la leçon du monopole technique qu’exercent les pesticides dans l’agriculture en France. Ce n’est pas sujet isolé mais c’est l’un des piliers de l’agro-industrie autour duquel elle organise son activité. Les objectifs des plans revêtent alors un caractère symbolique. Combattre les pesticides, c’est combattre un lobby puissant et organisé en France. Le prochain plan sera vraisemblablement un échec à son tour car, dans une telle situation, les contradictions du capitalisme apparaissent plus fortes que jamais : il est impossible de ménager à la fois le capital et notre santé.
Corentin (UCL Kreiz-Breizh)
like this
Union Communiste Libertaire 37 and Emily Fox like this.
Fred de CLX reshared this.
Non à la relance du nucléaire !
À partir de 14h00, devant l’ASN, 1 rue du Recteur Daure vers la Préfecture, rue Daniel Huet (14000)UCL CAEN
like this
calou, Union Communiste Libertaire 37 and Emily Fox like this.
Manif dimanche 21 avril contre le fascisme à #SaintBrieuc 14h Parc des Promenades
#SolidaritéAntiraciste
#SolidaritéAntifasciste
#23MarsAntiraciste
#23MarsAntifasciste
like this
Union Communiste Libertaire 37 and Emily Fox like this.
L'#UnionCommunisteLibertaire continue à réfléchir et agir contre le #validisme, pour l'#AutodefenseSanitaire et des #ServicesPublics autogérés.
like this
Union Communiste Libertaire 37 and Emily Fox like this.
unioncommunistelibertaire.org/…
youtube.com/watch?v=fvk_wXeaVR…
Voir Yannis Youlountas : Nous n’avons pas peur des ruines
En 2019, la droite revient au pouvoir en Grèce, en promettant d’en finir avec Exarcheia, « le quartier rebelle et solidaire d’Athène ». Avec ce nouveau film [3], le réalisateur Yannis Youlountas rend compte de la résistance qui s’est organisée, encore et toujours, contre les expulsions, les destructions, les accaparements dans plusieurs lieux emblématiques du pays. Actuellement en tournée en France, Suisse, Belgique, pour le présenter, il a accepté de répondre à quelques questions, entre deux de ses… soixante-quinze étapes.
Alternative libertaire : Si la Grèce sert de laboratoire aux politiques néolibérales européennes, peut-elle aussi être un modèle de résistance à celles-ci ?
Yannis Youlountas : Oui, la Grèce est à la fois un front de durcissement du capitalisme et de la société autoritaire en Europe, mais aussi un modèle de résistance particulièrement intéressant. La crise nous a poussé à l’action dans bien des domaines. L’État ayant abandonné la plupart de ses prérogatives sociales pour ne garder que ses prérogatives punitives, la résistance propose des alternatives à l’État à travers l’entraide et l’autogestion. Ce sont des alternatives concrètes qui parlent concrètement à une partie de la population car elles lui sont utiles. Ce ne sont pas juste des tracts ou des discours, mais des solutions immédiates à la souffrance de la base sociale qui prouvent du même coup qu’on peut s’organiser autrement, sans hiérarchie ni bureaucratie. Les plus beaux exemples sont les structures autogérés de santé, les cuisines solidaires, les zones de gratuités et les lieux d’hébergement pour les précaires grecs et exilés dans lesquels l’organisation est horizontale.
Cette transformation de l’imaginaire social passe aussi par un essor des pédagogies coopératives et antiautoritaires, notamment la pédagogie Freinet. C’est un champ de lutte à part entière, car il ne s’agit pas de convaincre des adultes, mais d’aller à la racine du problème qui est notre conditionnement, dès le plus jeune âge, à vivre dans la compétition, dans la concurrence, à jouer des coudes les uns contre les autres, au lieu de nous entraider dans une coopération qui seule pourra nous permettre de changer la vie et de bâtir une nouvelle société fondée réellement sur la liberté, l’égalité et l’adelphité. En ce sens, la résistance en Grèce me semble très concrète et directement utile à la base sociale, ce qui nous rappelle le mouvement ouvrier en France, du milieu du XIXe siècle, au milieu du XXe siècle, depuis les canuts jusqu’à la deuxième guerre mondiale. À l’époque, en France, le mouvement ouvrier pratiquait l’entraide et l’autogestion pour faire face collectivement au chômage, à la maladie, aux accidents du travail et, bien sûr, à l’absence de retraite (jusqu’à la naissance de la Sécurité Sociale, projet autogestionnaire au départ, à l’initiative des ouvriers résistants au nazisme, mais détricoté au fil des ans).
Le mouvement social actuel en Grèce est un peu sur le même terrain, aux côtés de la base sociale maltraitée par l’État. Cela permet de mieux diffuser nos idées en montrant concrètement la société qu’on désire.
Alternative libertaire : Malgré la répression, la banalisation de l’extrême droite et son accession aux instances de pouvoirs dans beaucoup de pays, signes d’un horizon en train de s’obscurcir, les « acteurs » de ton dernier film ne font jamais preuve d’abattement et dégagent une grande combativité. Comment l’expliques-tu ?
Yannis Youlountas : Il n’y a pas de secret, c’est dans l’action qu’on retrouve l’énergie, la volonté, la persévérance. Le pire est d’attendre ou d’espérer, ce qui revient au même puisqu’espérer veut dire attendre dans beaucoup de langues du monde entier comme en espagnol par exemple. Nous n’avons rien à espérer. Nous n’avons rien à attendre. Le changement ne viendra que de nous-mêmes. À nous de passer à l’action d’une façon ou d’une autre, aussi modeste soit-elle. Se remettre en mouvement implique autant le corps qui agit que la pensée qui trace le chemin. Comme disait le poète Machado : « le chemin se fait en marchant ».
Il faut donc se mettre en mouvement, reprendre la route vers l’utopie pour mieux voir les perspectives. C’est aussi l’occasion de se rencontrer, par-delà nos différences, comme l’a si bien écrit Angela Davis : « En luttant ensemble, nous apprenons à percevoir de nouvelles possibilités qui, autrement, n’auraient jamais été visibles à nos yeux » [1]. Les philosophes de l’antiquité disaient pour la plupart qu’on pense mieux en marchant, en sortant dans la nature ou sur l’agora, et certainement pas en s’enfermant dans une tour d’ivoire, à l’écart du monde, dans une vie monastique, soi-disant pour mieux réfléchir.
Trop d’humains s’agitent dans des existences stériles, absurdes et répétitives, exactement comme des animaux captifs qui tournent en rond dans leur cage. La société autoritaire et capitaliste est une prison à grande échelle et ses écrans nous poussent à nous contenter d’y vivre par procuration, par délégation, par soumission. Le pouvoir est un voleur de vies. Il devient urgent de rompre avec cette négation de nous-même et du monde. Il est temps de prendre nos vies en mains, en basculant du nom pouvoir au verbe pouvoir, c’est-à-dire en renversant ceux qui prétendent nous diriger et nous gouverner pour passer à une autre société dans laquelle nous aurons enfin la pleine capacité de choisir nos vies : chacun librement pour ce qui concerne au plus près son existence personnelle et, bien sûr, ensemble pour les projets en commun utiles et nécessaires à tous, dans l’entraide et la coopération.
Notre existence actuelle est basée sur le conditionnement à la négation perpétuelle de ce dont nous sommes capables. Nous sommes des oiseaux frappés par un sortilège dans une cage dont la porte est pourtant entrouverte : nous n’osons pas nous envoler car nos maitres ont réussi, au fil du temps, à nous persuader que nous ne savons pas voler. Le pouvoir nous dénigre, nous culpabilise, nous infantilise, nous abrutit pour mieux nous instrumentaliser. Nous sommes des robots à son service, des morts-vivants, des collaborateurs décervelés, qui transformons la Terre tout entière et tout ce qui y vit en marchandise. L’enjeu vital de notre époque est de décoloniser notre imaginaire social pour stopper cette entreprise insensée et mortifère qui relève du suicide collectif. Ce n’est qu’en sortant de cette grande routine monstrueuse qu’on perçoit mieux les autres voies possibles, aisément à notre portée. L’expérience de l’horizontalité et de l’autogestion est un révélateur qui, le plus souvent, nous donne beaucoup d’idées et d’énergie, tout comme la pédagogie coopérative parmi les enfants.
Alternative libertaire : Cette tournée de projection permet aussi d’alimenter une collecte de matériel, en vue d’un nouveau convoi solidaire vers les lieux autogérés [2]. S’agit-il de pousser les spectateurs à devenir acteurs, en quelque sorte ?
Yannis Youlountas : Oui exactement. Le pire serait que les spectateurs de nos films soient de simples consommateurs d’émotions, de paysages, de portraits et d’actions sans lien avec leur existence. Il y a plusieurs manières de s’impliquer, ne serait-ce qu’en apportant des denrées et du matériel pour le convoi solidaire en préparation. Il y a également celles et ceux qui s’engagent et choisissent de partir avec nous en Grèce, avec le prochain convoi. C’est une expérience unique, l’occasion de découvrir la plupart de ces lieux, de faire des rencontres, de se rendre compte par soi-même, au-delà des films, directement sur le terrain. C’est un moment très inspirant. Bref, depuis le simple paquet de couches amené à une projection-débat jusqu’à la participation avec un fourgon au prochain convoi, à chacun de voir ce qu’il peut faire et jusqu’où il peut apporter. L’important c’est de se mettre en mouvement, et de ne pas se contenter d’être un spectateur passif. Nous avons besoin de nous renforcer dans la lutte pour le changement inéluctable de la société. Il y a aussi des enfants qui participent à la préparation du convoi.
Par exemple dans certaines classes, à l’initiative d’enseignants qui ont vu nos films et qui sont déjà venus avec nous. Dans plusieurs villes, il y a également des petits groupes d’enfants qui s’occupent de trier les dons de jouets, au lieu de passer leur dimanche devant des écrans. Il y a aussi des adolescents qui font le voyage et accompagnent leurs parents au sein du convoi solidaire à la rencontre d’autres jeunes à l’arrivée, parmi les jeunes militants grecs et les adolescents exilés. Ce sont également des moments très émouvants et très formateurs.
Alternative libertaire : Une grande diversité de collectifs, syndicats, organisations politiques organise ces soirées. Pourquoi est-ce important pour toi ?
Yannis Youlountas : Il est particulièrement important de ne pas rester en cercle fermé, uniquement entre convaincus, mais d’ouvrir à toutes celles et ceux qui s’interrogent diversement, jeunes et moins jeunes. Autour de nous, de plus en plus de gens partagent un triple constat : nous ne sommes pas en démocratie, les inégalités ne cessent de se creuser, le capitalisme détruit la planète et la vie sur terre. Sur la base de ce triple constat partagé, nous pouvons ouvrir de nouvelles perspectives.
Même les gilets jaunes ont basculé d’une simple demande de pouvoir d’achat à une demande de changement du système politique. Le régime actuel est de plus en plus autoritaire, il ne s’appuie même plus sur le parlement pour donner l’illusion de la démocratie. Les médias dominants, au service du pouvoir économique, ne cessent de faire monter mécaniquement l’extrême droite, comme toujours en temps de crise, puisque le fascisme est le stade ultime du capitalisme quand les illusions ne marchent plus et que son masque tombe. De plus en plus de gens comprennent que la « démocratie représentative » est un oxymore. Nous sommes encore dans la préhistoire politique de l’humanité, dans une société archaïque. La plupart des privilèges n’ont pas encore été aboli. Le capitalisme apparaît clairement comme un système économique mortifère, non seulement du fait de l’exploitation des travailleurs, mais aussi de la destruction rapide de toute vie sur terre, systématiquement transformée en marchandise. Nous n’avons plus le choix : il devient urgent de changer de système politique et économique, non plus seulement pour vivre autrement, mais désormais pour sauver la vie. Au XXIe siècle, changer la vie n’est plus un discours poétique, mais un cri de rage.
Nous sommes tout près d’un point de bascule. Mais nous ne réussirons que si nous sommes capables de donner l’exemple d’une autre façon de vivre ensemble pour proposer un autre imaginaire social : celui d’une société coopérative et solidaire, et, par conséquent, une société dans laquelle la diversité sera réellement considérée comme une richesse, à l’inverse de l’uniformité vers laquelle tend actuellement la société autoritaire à la surface du globe, sous les fourches caudines de la publicité et de la bureaucratie. C’est ce défi que nous devons relever au sein du mouvement social en étant moins claniques et moins sectaires, plus accueillants et plus à l’écoute de nos différences de points de vue. Nous ne sommes pas nés au même endroit ni au même moment, nous n’avons pas reçu la même éducation, la même culture d’origine, nous n’avons pas lu les mêmes livres ni fait les mêmes rencontres, il est donc logique que nous n’ayons pas exactement la même opinion, ni la même façon d’agir.
La diversité du mouvement social fait sa beauté quand il est dans l’action et ne perd pas son temps à se disputer sur des virgules. Il serait bon également d’organiser à nouveau des forums sociaux départementaux. Comme à l’époque de Porto allègre, il y a un quart de siècle. C’est une bonne occasion de mieux nous connaître, de mieux nous comprendre, en participant à des tables rondes, en découvrant nos infokiosques réciproquement, en partageant repas, concerts et projections de films… Nous ne sommes pas si différent que nous le croyons. Ce sont surtout nos parcours qui sont différents. Nous ne partons pas du même point, mais nous visons souvent le même but.
Propos recueillis par Ernest London (UCL Le Puy-en-Velay)
[1] Sur la liberté : Petite anthologie de l’émancipation, Angela Davis, 2016
[2] Convois Solidaire vers la grèce
[3] Voir le site Pas peur des ruines !
like this
Union Communiste Libertaire 37 and Emily Fox like this.
unioncommunistelibertaire.org/…
Maroc : Une sécheresse qui n’en finit pas
Au Maroc, depuis maintenant six ans, une sécheresse s’est installée. Cette sécheresse, combinée à des choix politiques productivistes, mène le pays dans l’impasse.
Le 23 janvier 2024, des mesures de restriction d’eau sont appliquées à Casablanca (capitale économique du pays avec 3,89 millions d’habitant·es). Parmi ces mesures, la fermeture trois jours par semaine des hammams. Loin d’être un lieu de bien-être luxueux, le hammam au Maroc est un lieu central de la vie des quartiers où les voisin·nes se retrouve au moins une fois par semaine. De plus, dans certains quartiers, il permet l’accès aux bains communs à celleux qui n’en ont pas dans leurs foyers. Face à la fermeture forcée de ces lieux, la résignation est de mise et les critiques marginales.
Pourtant, les choix politiques de ces dernières années n’ont fait que renforcer la crise hydrique. En quinze ans, avec avec le Plan Maroc Vert (développé par McKinsey) puis son successeur Génération Green 2020-2030, le Maroc a transformé son agriculture pour augmenter le nombre d’arbres fruitiers aux dépens des céréales. L’objectif est l’exportation des produits à « haute valeur ajoutée » [1]. Un des exemples est l’explosion de la production des avocats, en partie boostée par l’investissement du groupe israélien Mehadrin. L’avocat est l’un des fruits les plus consommateurs d’eau et assèche de nombreuses régions dans le monde [2].
Le dessalement : fausse bonne solution
De plus, des mesures inégalitaires se mettent en place, telles que le déploiement des grands canaux qui détournent l’eau des campagnes du nord vers les villes plus au sud afin d’éviter les pénuries. C’est ainsi que, le 18 décembre 2023, l’eau courante à Casablanca ne fut pas coupée [3]. Cependant, ces transferts assèchent grandement les campagnes où résident la population la plus précaire.
La solution de dessalement d’eau de mer est avancée comme solution magique. Cette posture techno-solutionniste permet de maintenir un écran de fumée sur le problème structurel hydrique. Dessaler l’eau de mer pour faire de l’eau potable présente des conséquences environnementales importantes (forte consommation d’énergie, majoritairement fossile, et rejet de produits chimiques) [4].
Ces solutions dites d’adaptabilité sont aujourd’hui courantes. Mais cette notion est doublement fourbe. Premièrement, comme les usines de dessalement, elle crée cet imaginaire où nous pourrions vivre avec les crises environnementales. Or, ce qui va s’adapter c’est bien le système productiviste et destructeur aux dépens de la qualité et de la possibilité de la vie pour la majorité du vivant. Deuxièmement, cet effort d’adaptabilité repose, de fait, sur les pays subissant et non sur ceux à l’origine des crises.
Cette posture est une illustration (parmi tant d’autres) des rapports coloniaux entre les pays du Nord global et du Sud global. C’est bien dans cette domination capitaliste et coloniale que réside la principale responsabilité de cette crise hydrique au Maroc. Au moment où les crises environnementales se font de plus en plus fortes et ne font qu’augmenter, notre camp social se doit de prendre en compte l’écologie décoloniale pour parfaire son analyse et sa stratégie.
Léo et Oum (UCL Grenoble)
[1] Mis en avant sur le site du département de l’agriculture du Maroc : Agriculture.gov.ma/fr/data-agri/plan-maroc-vert.
[2] Lopez Khi, Ana, L’avocat : subtile saveur pour un commerce amer, Alternative libertaire, no 346, février 2024.
[3] Collas, Aurélie, Sécheresse au Maroc : “Plus rien ne pousse ici”, Le Monde, 26 janvier 2024.
[4] Chauvin, Hortense, Dessaler l’eau de mer : fausse solution, vraie catastrophe écologique, Reporterre, 19 avril 2023.
like this
Union Communiste Libertaire 37 and Emily Fox like this.
unioncommunistelibertaire.org/…
Macron, en marche vers le fascisme [?]
Loi immigration, « réarmement démographique », culte du chef… Depuis 2017, Macron et son parti sont embarqués dans un virage à droite qui n’en finit plus, marchant main dans la main avec le RN à l’Assemblée depuis 2022. Comment ces tenants de l’extrême centre sont-ils devenus une extrême droite comme les autres ?
« Ce ne sont plus seulement nos constats et nos diagnostics qui s’impose à vous, mais désormais nos valeurs et nos solutions », voici les mots adressés il y a quelques semaines à Gabriel Attal par Jean-Philippe Tanguy, président-délégué du groupe RN à l’Assemblée Nationale. Il suffit de regarder le bilan des gouvernements Macron pour confirmer cette affirmation : sur l’immigration, après l’abjecte loi Darmanin [1], le ministre déclare vouloir supprimer le droit du sol à Mayotte, reprenant une mesure fétiche de l’extrême droite.
Les signaux faibles de radicalisation
Même constat pour les luttes féministes : en parallèle d’un discours parlant de « réarmement démographique », Macron fait barrage à l’adoption par le parlement européen d’une définition du viol prenant en compte la notion de consentement [2]. Pas étonnant de la part d’un président qui déclarait que Depardieu « rend fier la France » alors qu’il est accusé de viol et d’agression par 13 femmes. Pas étonnant non plus de la part d’un président qui a réussi à nommer successivement quatre ministres accusés de viol, dont le ministre de l’Intérieur. Impossible aussi d’oublier que le gouvernement actuel compte six ministres anciens soutiens de la Manif pour tous, un record. On peut compléter ce tableau avec les mesures radicalement antisociales comme la réforme des retraites et la réforme du RSA et de l’assurance chômage, ou la vision particulière de l’éducation qui se dégage du président : SNU, uniformes, et prémisses d’une remise en cause du collège unique.
Les « signaux faibles » de la radicalisation du président n’ont pas manqué au fil des années : hommage à Pétain en 2018, interview à Valeurs actuelles en 2019, citation de Maurras en 2020, la liste complète serait trop longue… Dès sa réélection en 2022, les éléments étaient en place, jusqu’à son discours d’élection où il fera la promesse de tout faire pour que les français n’aient plus aucunes raisons de voter pour « les extrêmes », un pluriel rappelant Trump à Charlottesville [3], qu’on savourera d’autant plus en sachant qu’il visait du côté gauche le réformisme de Mélenchon et LFI, montés en épouvantails.
Le culte de « l’homme fort »
Mais au-delà des influences réactionnaires, il y a dans l’ADN du capitalisme macroniste une composante éminemment fasciste : le culte de « l’homme fort », viril, riche et puissant. Attal a peine élu on nous ventait un surhomme ne dormant que quelques heures par jours, capable d’enchaîner les nuits blanches. En moins de sept ans, 26 ministres et anciens ministres ont été mis en cause dans des affaires judiciaires [4], mais ces affaires ne remettent jamais en question leurs mandats : pour Macron, ses fidèles sont au-dessus des lois, porteurs d’une mission qui ne saurait être remise en cause. Difficile d’être surpris face à ce sentiment d’impunité quand on découvre que plus d’un tiers du nouveau gouvernement appartiendrait aux 1% les plus riches de la population [5]. On trouve ici l’un des points de jonction entre la pensée fasciste et le capitalisme : l’idée qu’une petite caste mériteraient de façon innée d’accumuler sans limites et les richesses et les pouvoirs.
N. Bartosek (UCL Alsace)
[1] « Racisme d’État : Restons mobilisé.es contre la loi Darmanin-Le Pen », Alternative libertaire n°346, janvier 2024.
[2] « L’Union européenne renonce à une définition communautaire du viol », Le Monde, 5 février 2024.
[3] « Vive indignation après le revirement de Donald Trump sur Charlottesville », Le Monde, 15 août 2017.
[4] « Toutes les affaires qui ont touché les ministres d’Emmanuel Macron depuis 2017 », Le Monde, 17 janvier 2024.
[5] « Gouvernement Attal : enquête sur ces millionnaires qui nous gouvernent », L’Humanité, 13 février 2024.
Emily Fox likes this.
unioncommunistelibertaire.org/… Mars Désarmons le #patriarcat !
**8 mars 2024 Désarmons le patriarcat !**
Le 8 mars est une date importante de mobilisation pour le mouvement féministe. Cette année, et c’est une première, un appel intersyndical large à la grève du 8 mars ancre davantage les questions féministes dans les préoccupations syndicales. Dans nos syndicats, avec le mouvement féministe, saisissons-nous du 8 mars pour organiser le désarmement du patriarcat !
Même si on ne connaît pas encore l’impact réel de cet appel large, c’est positif. D’autant plus dans le contexte réactionnaire que nous traversons : l’allocution de Macron lors de ses « vœux aux français » aux relents masculinistes, racistes, autoritaires et patriotiques est inquiétante. L’est tout autant le dernier rapport du Haut Conseil à l’Egalité (HCE) où « plus d’un homme sur cinq de 25-34 ans considère normal d’avoir un salaire supérieur à sa collègue à poste égal ».
_La grève féministe_
Cette année, les organisations féministes comme les syndicats se sont donnés les moyens de réussir cette journée de grève. L’appel unitaire national « 8 mars 2024 : face aux attaques du gouvernement, des droites et extrêmes droites, partout les femmes résistent » est largement partagé [1]. La tribune diffusée par Nous Toutes dénonce ce même climat réactionnaire et le backlash en cours dans notre société : « Il faut nous faire taire car nous rappelons sans cesse que les violences de genre sont systémiques et que l’État est complice de leur perpétuation ».
Un appel intersyndical (CGT, CFDT, FSU, UNSA, Solidaires) à la grève ce 8 mars a été publié le 19 février, faisant de cette date une journée de mobilisation interprofessionnelle [2].
La CGT au niveau confédéral se saisit pleinement de cette date et a produit du matériel de qualité. Ces impulsions « d’en haut » vont certainement se traduire concrètement au niveau local de façons diverses. Mais elles donnent un vrai élan et de la légitimité aux militant·es pour construire avec des moyens syndicaux cette grève sur le terrain.
La question du travail des femmes et celle des secteurs dans lesquels elles sont majoritaires reste prépondérante [3]. Le patriarcat est tellement habitué à compter sur le travail gratuit des femmes pour fonctionner que quand les femmes continuent de manière salariée le travail qu’elles font à la maison (soin, éducation, ménage, courses), elles sont sous-payées, précarisées, et leur fonction sociale dévalorisée. Ces métiers essentiels à la société sont aussi ceux à très forte pénibilité et la cause du développement de nombreuses maladies. Combien de temps les femmes devront-elles sacrifier leur vie au profit de celles des autres ?
Les deux dernières grandes mobilisations contre la réforme des retraites ont permis de mettre en relief les questions des faibles pensions des femmes et des inégalités salariales, et l’épidémie de covid a mis en lumière les métiers du soin et du lien, occupés majoritairement par des femmes [4]. Les questionnements autour des secteurs féminisés ont fortement émergé à ce moment-là, se sont démocratisés et sont enfin envisagés comme pouvant faire partie du nécessaire rapport de force face au patronat. Un vaste chantier s’est ouvert et les récentes déclarations de Macron sur le « réarmement démographique » en ouvre d’emblée bien d’autres. Si nous pouvions éviter de rejouer la grève des ventres...
[5]_La rhétorique guerrière de Macron_
Dans sa dernière allocution, Macron a développé toute une rhétorique guerrière autour du réarmement. À travers l’emploi du terme « réarmement démographique », il a renvoyé les femmes à leur fonction reproductrice mais pas seulement. Il faut mettre en perspective ce discours avec la dernière loi Darmanin, l’annonce de l’Agence Régionale de Santé de Mayotte disant que des ligatures des trompes seraient proposées aux jeunes mères arrivant à l’hôpital, ou la récente mise en cause du droit du sol sur ce territoire. Le gouvernement énonce entre les lignes qu’il faut à la fois limiter l’immigration et soutenir la reproduction des femmes blanches et des familles hétérosexuelles françaises.
Tous les 8 mars, nous participons à la construction de la grève féministe. Ce jour-là, il s’agit de se mettre en grève au travail comme à la maison, de refuser de produire et de reproduire. Avec tous les conflits armés en cours, et les populations qui subissent la fureur de leurs dirigeants, nous ne pouvons que nous replacer dans une perspective internationaliste et montrer notre solidarité avec toutes celles et ceux qui vivent dans un pays en guerre [6], ou qui subissent de plein fouet la répression.
Mais face aux nouvelles injonctions natalistes de Macron et tout le vocabulaire belliqueux de réarmement qu’il diffuse, des pans entiers de réflexions se sur-ajoutent comme par exemple : la place de l’État et de ses fonctions régaliennes dans notre société, l’abolition des institutions mortifères telles que la prison, la police et l’armée, le lien entre logique patriarcale, logique de guerre, militarisation de la société et domination imposée aux femmes [7].
S’il paraît aujourd’hui fondamental de continuer à imaginer d’autres modèles de parenté et d’autres manières de faire famille, il paraît tout autant fondamental d’envisager d’autres manières de faire société. Face à la propagande politique et culturelle réactionnaire du moment, nous devons diffuser un contre-discours émancipateur, nous défaisant du capitalisme, de ses infrastructures, de ses institutions étatiques. Pour les désarmer, il va falloir lutter ensemble et ce 8 mars peut en être une étape.
Anne (UCL Montpellier)
[1] Nous sommes signataires de ce texte que vous pouvez retrouver sur notre site ou sur Grevefeministe.fr.
[2] Se reporter aux sites des différents syndicats et notamment au #UnJourSansNous.
[3] L’UCL a produit une brochure au sujet des secteurs féminisés en 2022 unioncommunistelibertaire.org/…
[4] Une étude IRES CGT souligne l’enjeu de la revalorisation de ces secteurs pour l’égalité femmes-hommes
[5] À la fin du XIXe siècle, les néomalthusiens appelaient à la « grève des ventres », afin de cesser de recomposer sans cesse le contingent de « chair à patron », « chair à canon », « chair à plaisir », destinées – l’usine, la guerre ou la prostitution – réservées aux enfants des prolétaires.
[6] Le tract de l’UCL publié à l’occasion du 25 novembre 2023 aborde la question des la guerre et du patriarcat.
[7] Se reporter sur ce sujet aux travaux d’Andrée Michel, aux luttes féministes des années 70 et 80 contre les complexes militaro-industriels. Voir également le livre Des femmes contre des missiles, d’Alice Cook et Gwyn Kirk, éditions Cambourakis, 2016.
like this
Union Communiste Libertaire 37 and Emily Fox like this.
boutique.unioncommunistelibert…
Un projet de société communiste libertaire
Un texte fondamental dans la définition de la révolution aujourd’hui, et de la finalité d’une transformation de la société.Boutique UCL
Emily Fox likes this.