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« N’importe quel idéal révolutionnaire peut être jugé terroriste »
Les familles et les comités de soutien ont été parties prenantes du procès, en soutien des inculpé·es. Quelques semaines après le verdict nous avons pu échanger avec Yo, frère d’une des prévenu·es, le lendemain de leur passage devant le juge d’application des peines.
Comment le procès a-t-il été vécu par les inculpé·es et leurs proches ?
Yo : Le procès a été choquant pour tout le monde. À plusieurs moments, on se demandait « qu’est-ce qu’on fout là ? » devant le contraste entre la sévérité du tribunal et la faiblesse du dossier, avec plusieurs moments lunaires. Les avocats et journalistes présents sur place nous ont fait part du même sentiment.
Quelle a été votre réaction lors du délibéré ?
Le délibéré a été un choc général devant la lourdeur des peines. Certaines peines prononcées sont plus lourdes que celles requises, on a du mal à y voir autre chose qu’une affirmation politique, d’autant que la juge a refusé de détailler les motivations du jugement, et a rejeté en bloc toutes les demandes de la défense. De nombreux points du dossier ont été remis en cause ou interrogés par les avocats lors des audiences, qui ont demandé l’accès à certains documents comme les vidéos des gardes à vue. Le rejet de toutes ces demandes montre une volonté claire de couvrir les pratiques de la DGSI.
Des lois et jurisprudences sécuritaires adoptées à l’origine dans le contexte des attentats de 2015, ont été appliquées ici tel quel, malgré l’absence d’attentat ou même de projet. La logique du jugement sous-entend en fait que n’importe quel idéal politique révolutionnaire peut-être jugé terroriste. Lors du délibéré la juge a déclaré en parlant de Libre Flot qu’elle considérait que « ses intentions terroristes sont matérialisées à plus ou moins long terme ». Les autres inculpé·es sont jugé·es coupables d’avoir participé aux intentions de Libre Flot, même sans en avoir conscience.
Cette logique se base sur une jurisprudence qui date des attentats commis par Mohamed Merah : une personne lui ayant vendu des armes sans connaître ses intentions avait été reconnue coupable d’association de malfaiteur à caractère terroriste. Le tribunal considérait alors que la connaissance du projet terroriste de Merah n’était pas nécessaire pour caractériser l’infraction. Dans le cas des inculpé·es du 8 décembre, au final le simple fait d’avoir fréquenté Libre Flot devient donc suffisant pour justifier les condamnations, alors qu’en l’occurrence il n’a même pas été possible de démontrer l’existence d’un projet concret.
L’accès à l’enquête semble avoir été cadenassé par le tribunal. Comment la défense s’est-elle passée dans ces conditions ?
Les avocats avaient demandé l’accès à certains scellés comme des disques durs saisis chez les inculpé·es. Les avocats voulaient contextualiser certains points : l’accusation est par exemple beaucoup revenu sur le pdf d’une brochure des cellules de feu retrouvée sur un disque dur, mais il aurait été important de pouvoir montrer que ce n’était qu’un document au milieu de centaines de gigaoctets d’autres brochures et documents, et de connaître l’historique de consultation du fichier. Les téléphones saisis n’ont pas non plus pu être consultés, alors que leur contenu aurait pu permettre d’amener des éclairages sur la réalité des relations entre les inculpé·es. La juge finira par déclarer qu’elle considère que « la qualité du débat ne rend pas nécessaire d’accéder aux scélés ».
Les avocats ont aussi demandé l’accès à l’ensemble des enregistrements des sonorisations, dont moins de 1 % a été utilisé et versé au dossier par la DGSI. La demande a, là aussi, été refusée avec comme prétexte la « préservation de la vie privée »...
À chaque demande des avocats, le tribunal répondait reporter sa réponse au délibéré, empêchant concrètement à ces éléments d’avoir une influence sur le procès. Au final toutes les demandes seront rejetées en bloc. On y voit vraiment une intention de faire obstacle à la défense. La présidente n’a d’ailleurs toujours pas transmis à ce jour la copie du jugement aux avocats, empêchant de préparer l’appel dans de bonnes conditions, on s’attend à ce qu’elle la communique le plus tard possible.
Quelles sont les nouvelles après le passage devant le juge d’application des peines (JAP) ? Quelle est la situation actuelle des inculpé·es ?
La JAP a décidé que l’appel était suspensif, à l’encontre de la demande du tribunal, et ce pour tou·tes les inculpé·es. En conséquence, il n’y pour le moment pas de mise en détention ou de bracelet électronique.
Par contre, cela est accompagné d’un sursis probatoire qui induit plusieurs mesures de contrôle : obligation de travail, obligation de soin pour certaines addictions supposées, et rendez-vous réguliers avec les services pénitentiaires d’insertion et de probation. Ils ont également l’interdiction de communiquer entre eux pendant trois ans.
Enfin, l’inscription au FIJAIT n’est pas levée, avec les obligations qu’elle entraîne. Cette inscription dure 10 ans, renouvelable une fois. Surtout, nous ne savons pas comment de nouvelles lois sécuritaires pourraient faire évoluer ce statut dans les années qui viennent sous l’argument de l’anti-terrorisme.
Quelles sont les perspectives maintenant ?
Les choses sont encore en train de se dessiner, mais 6 inculpé·es sur 7 font appel. Pour le moment les choses se font un peu au jour le jour, les avocats eux-même sont pris au dépourvu par certains points comme la non transmission de la copie du jugement. Pour les mis en examens, il va falloir mettre en pratique les différentes obligations induites par le jugement, et se reconstruire en terme de santé, de stabilité, de logement et de revenus.
Les différents comités de soutien doivent encore débriefer et évaluer les perspectives mais de nouvelles campagnes pour des soirées de discussion, d’information et de soutien devraient être organisées. C’est très important pour soutenir financièrement les familles, précarisées par ces procédures, entre les frais de justice, et les divers frais liés aux incarcérations et au procès. Après avoir beaucoup porté ça ces dernières années, les proches ont besoin de relais pour pouvoir dégager du temps et être présent·es pour les inculpé·es. Plus largement, on voudrait aussi que ces évènements puissent être l’occasion de partager nos expériences de la répression pour que les milieux militants s’emparent plus largement du sujet. On est ouvert à toutes les initiatives de soutiens, n’hésitez pas nous contacter.
Propos recueillis par N. Bartosek (UCL Alsace)
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La question des grèves minoritaires
À Angers, vers le milieu du mois de décembre dernier, une partie des ouvriers et ouvrières de Valeo qui étaient en grève parcouraient leur usine en faisant résonner des slogans pour des augmentations de salaires, et en discutant sur leur passage pour convaincre leurs collègues non grévistes de les rejoindre.
Au mois de décembre 2023 un mouvement de grève a eu lieu dans plusieurs usines de l’équipementier automobile Valeo. À l’origine de celui-ci, la proposition de revalorisation des salaires de seulement 3 % pour 2024, ainsi que l’utilisation de la nouvelle convention collective de la métallurgie pour tenter de revoir les droits des salarié·es à la baisse.
Sur le site d’Angers, des AG se sont tenues à l’occasion de traditionnels « débrayages d’informations » organisés par la section syndicale CGT de l’usine. Quelques jours plus tard, l’appel à la grève était lancé. Quatre jours de suite, celle-ci fut reconduite par les grévistes, qui étaient alors autour de 200 sur les plus de 1 000 salarié·es de la boîte. Ayant conscience de la nécessité d’être plus nombreux et nombreuses pour mettre en place un rapport de force qui permette de gagner, les grévistes ont alors mis en place des actions pour élargir la grève et faire sortir plus de monde.
Malheureusement, cette fois-ci, la mayonnaise n’aura pas pris et le mouvement sera resté minoritaire, mais celui-ci aura permis de créer du lien entre salarié·es de l’entreprise, qui auront une expérience de lutte collective, et que quelques uns ont décidé de prolonger en adhérant à la CGT. L’ensemble des intérimaires d’une équipe aura saisi l’occasion pour faire une belle démonstration de résistance en rejoignant la grève lors du deuxième jour. Un peu plus tard, une dizaine de délégué·es d’autres usines de la métallurgie du coin sont venu·es porter des messages de soutien aux grévistes et rester quelques heures sur le piquet de grève, créant et renforçant des liens. Tout cela aura constitué des moments dont nous ressortirons plus forts pour la suite.
La grève est un combat aux multiples facettes
Les militants et militantes d’entreprise ont souvent l’habitude de ces situations où une partie significative des salarié·es est prête à se lancer dans une grève, mais où l’on sait aussi que cette partie reste minoritaire et que nos chances de victoire sont minces. Se pose alors la difficile question de savoir si nous devons ou non y aller. S’il n’existe pas de réponse universelle à cette question, il importe que dans chaque cas nous discutions et étudions la situation, de manière pragmatique, et le plus collectivement possible.
Dans certains cas, cela peut valoir le coup de se lancer, en plaçant nos espoirs sur une dynamique d’élargissement de la grève, et en faisant en sorte que quoiqu’il arrive, on en ressorte renforcé·es pour la suite, comme cela fut le cas chez Valeo récemment.
Mais dans d’autres cas, il est préférable de ne pas engager un combat perdu d’avance, pour éviter les effets psychologiques négatifs sur des travailleurs et travailleuses dont la confiance en leurs possibilités de gagner est déjà fragile. Il peut donc être préférable d’user de patience, de continuer le travail quotidien de préparation, et d’attendre un moment plus favorable.
Tout cela fait partie des réflexions tactiques que nous devons avoir, pour renforcer plus efficacement notre classe à travers nos luttes quotidiennes, et pour nous préparer aux combats plus décisifs qui nous attendent.
Guillaume (UCL Angers)
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Mouvement européen contre l’austérité : Après l’échec des euromanifs, comment rebondir ?
Dans un contexte d’inflation particulièrement violent pour les travailleurs et travailleuses d’Europe, la Confédération Européenne des Syndicats (CES) a impulsé une campagne de mobilisation contre l’austérité d’octobre à décembre 2023. Un échec attendu qui pousse à questionner la stratégie internationaliste de la CGT.
Malgré une date annoncée largement en amont et préparée par une intersyndicale française au complet, la grève pour les salaires du 13 octobre 2023 n’aura réuni que 200 000 personnes dans toute la France. Un chiffre bien en deçà des millions descendus sur le pavé pour défendre leurs retraites quelques mois plus tôt.
Il faut dire que si la question des salaires est centrale dans la vie des salarié·es, il était difficile de convaincre des collègues de se mettre en grève sur une journée isolée, sans stratégie compréhensible de la part de l’intersyndicale. Sans surprise, la grève n’a pas pris. En conséquence, s’en sont suivies des manifestations réduites, regroupant principalement les militantes et militants syndicaux habituel·les.
Pire encore, les travailleuses et travailleurs de France furent les seuls à avoir répondu par la grève à l’appel à la mobilisation de la CES. Finalement, le seul élément international marquant de cette mobilisation aura été la présence à Paris de mille délégué·es – revendiqué·es – de confédérations syndicales non-françaises.
Deux mois plus tard, l’euromanif bruxelloise n’a pas été beaucoup plus impressionnante, bien qu’un nombre important de syndicalistes français aient fait le déplacement : sur les 15 000 manifestant·es, la CGT revendique le déplacement de 3 000 de ses membres. Une dynamique à mettre en perspective avec la faible présence des autres syndicats français, (200 manifestant·es CFDT selon nos militants).
Pour ce qui est des autres syndicats, leur présence était pour le mieux anecdotique. On note principalement la présence de la CGIL (Italie), de la FGTB (Belgique) et de la CSC (Belgique également), seule organisation syndicale de collaboration de classe qui a réellement mobilisé (en jouant à domicile).
Les limites de la CES
Si cette manifestation fût donc principalement un témoignage de colère, elle permit tout de même de renforcer les liens entre syndicalistes de différents pays. Nous avons pu par exemple assister à un moment de camaraderie entre ouvriers et ouvrières du BTP belges et français·es, organisé dans les locaux de la fédération du bâtiment de la FGTB.
Autre scène d’union, les échanges de drapeaux ou de goodies entre différents pays furent monnaie courante. Si ces moments de rencontre et d’échanges sont essentiels à la construction d’une solidarité de classe à l’échelle européenne, ils se sont malheureusement inscrits dans une manifestation perdue d’avance.
Disons-le sans détour : ces deux mobilisations n’ont rien changé au rapport de force avec la bourgeoisie européenne. Le parlement européen a bel et bien voté le plan d’austérité le 17 janvier. Basées sur le calendrier institutionnel, ces deux dates s’inscrivent dans la ligne de la stratégie lobbyiste de la CES : le 13 octobre comme le 12 décembre, aucun appel à la grève au niveau européen !
Dans ces conditions, la manifestation bruxelloise en pleine semaine ne fût rien d’autre qu’un défilé de militant·es disposant de droits syndicaux. Cette croyance dans le dialogue social avec les institutions européennes revient pour les syndicalistes à croire au Père Noël face à une bourgeoisie radicalisée.
Construite dans les années 1970 par des syndicats de collaboration de classe, elle n’a été rejointe que plus tard par des syndicats plus combatifs (CGT, CGIL). Si ceux-ci cherchent à y construire une culture du rapport de force, l’orientation majoritaire de la CES est toujours celle de la cogestion avec le capitalisme européen.
Des euromanifs aux eurogrèves ?
Comment construire un cadre capable d’impulser un rapport de force contre la bourgeoisie et les institutions européennes ? Comment passer des euromanifs aux eurogrèves ? Face aux lobbyistes mous de la CES, certains voudraient un retour de la CGT dans la Fédération Syndicale Mondiale (FSM). Cette dernière, survivance du bloc soviétique, n’est en réalité pas plus radicale que sa concurrente.
Elle est bien molle quand il s’agit de dénoncer les dictatures iranienne, nord-coréenne ou syrienne, dont les « syndicats » qui la constituent sont plutôt des organismes d’encadrement de la classe ouvrière au service du pouvoir. Aucun avenir donc pour la CGT dans cette relique poussiéreuse de l’URSS !
Mais comment dépasser ce clivage CES / FSM qui s’invite à chaque congrès confédéral ? Deux perspectives reviennent souvent. La première, dont le réalisme est à débattre, voudrait construire un nouvel outil international autour de la CGT. C’est par exemple le pari entrepris de son côté par Solidaires, qui a su participer à la construction d’un syndicalisme alternatif capable d’initiatives (comme du soutien matériel aux travailleurs et travailleuses d’Ukraine), mais qui reste marginal.
Si la CGT serait probablement en capacité d’emmener avec elle quelques syndicats combatifs européens, ce cadre risquerait lui aussi de rester minoritaire. La seconde, stratégie actuelle de la direction confédérale, voudrait changer la CES de l’intérieur. Partir de cet outil ancré dans les masses (45 millions d’adhérent·es) est tentant, mais tant que la CGT y restera minoritaire, elle risque de ne servir que de réservoir à militant·es quand les syndicats de collaboration de classe en garderont le contrôle politique.
Cette question est centrale pour les syndicalistes révolutionnaires pour qui la construction d’une solidarité de classe européenne et internationale est primordiale. À nous de faire vivre ce débat dans nos syndicats et unions locales pour que la CGT se dote d’une stratégie à la hauteur de l’enjeu !
Thomas et Pierre (UCL Grenoble)
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Mobilisations agricoles en Allemagne : La graine de l’austérité fait pousser un champ de contestation
Nous traduisons ici un texte publié par l’organisation anarchiste allemande Die Plattform. Elle y dénonce l’austérité menée par le gouvernement, austérité qui touche en ce moment la paysannerie allemande chez qui la colère gronde.
Économiser, économiser, économiser : cet agenda du gouvernement Ampel [1] ne date pas seulement de la fin de l’année dernière. Avec la décision budgétaire de la Cour constitutionnelle fédérale en novembre dernier, la rigueur avec laquelle ce projet est poursuivi s’est accrue de manière drastique. Le chauffage des logements coûtera plus cher et le régime de sanctions, qui harcèle déjà chaque mois les bénéficiaires du Bürgergeld [2], sera encore durci. Il était également évident que le salaire minimum ne serait augmenté que de quelques centimes. Parallèlement, les dépenses pour l’armée allemande ne sont pas touchées. Des milliards continuent donc d’être investis dans le réarmement de l’impérialisme qui veut s’affirmer à une époque où les contradictions entre les blocs impérialistes s’intensifient.
Les victimes de cet agenda d’austérité sont avant tout nous, les salarié·es. Nous devons accepter de plus en plus de détériorations de notre niveau de vie et être poussé·es à accepter des emplois misérables. Pour nous faire avaler cela, le gouvernement a déclaré pendant des semaines qu’il ne voulait pas toucher aux dépenses sociales. Soyons réalistes : ce n’est qu’une question de temps avant que d’autres pans de l’État social ne soient démantelés pour nous rendre plus compétitifs sur le plan international en tant que classe, et donc pour le capital allemand qui exploite notre travail.
L’austérité jusque dans les champs
Mais l’agenda d’austérité du gouvernement n’est pas seulement dirigé contre les salariés. La suppression de deux subventions dans l’agriculture – le remboursement du diesel agricole et l’exonération de la taxe sur les véhicules – touche durement les agricultrices et agriculteurs. Alors que les grandes exploitations peuvent encore faire face à quelques milliers d’euros manquants, les petites fermes sont parfois gravement menacées. Pourtant, le quotidien des petits exploitants agricoles et de leurs salarié·es est déjà marqué depuis des décennies par le surmenage et des conditions de vie et de travail précaires.
Récupération de la droite et de l’extrême droite
Contrairement à ce que prétend le gouvernement, la suppression des subventions ne contribue en rien à la protection du climat. Elle masque le véritable motif de l’agenda d’austérité, creuse le fossé entre les activistes de l’environnement, les petites exploitations et les salarié·es de l’agriculture et fait ainsi le jeu du gouvernement. La suppression des subventions ne réduit donc pas les émissions, mais augmente la charge économique des paysannes et paysans les plus précaires. En résulte une précarisation accrue pouvant aller jusqu’à la possibilité de grandes vagues de licenciements.
Une transformation écologique de l’économie est nécessaire de toute urgence. Mais elle ne sera vraiment possible que dans une société qui oriente la production et la distribution en fonction des besoins et de la compatibilité écologique plutôt que de la maximisation des profits. La transformation écologique doit être réalisée par le bas ; de manière démocratique, à la base, par les exploitantes et exploitants modestes qui collectivisent les exploitations et se fédèrent au niveau régional avec d’autres exploitations, branches et communes.
Nous ne nous faisons pas d’illusions. Cette perspective n’est pas partagée par la plupart des personnes concernées. Elles se mobilisent actuellement au niveau local, régional et national pour défendre leurs intérêts économiques directs, contre la suppression des subventions. Comme ces mesures sont dirigées contre toutes les agricultrices et agriculteurs, les mobilisations englobent aussi bien les propriétaires de petites que de grandes exploitations.
Parallèlement, des forces non-paysannes se solidarisent avec les protestations. Outre les secteurs bourgeois de droite, de la CDU [3] aux Freie Wähler [4], ce sont des forces politiques ouvertement réactionnaires, de l’AfD [5] aux forces néonazies, qui passent à l’offensive afin d’exploiter la colère des agricultrices et agriculteurs contre le gouvernement Ampel pour leur propre profit politique. Et dans une partie de la paysannerie, ils peuvent s’appuyer sur les attitudes réactionnaires existantes.
Il est particulièrement perfide de la part des forces d’extrême droite d’établir un lien superficiel entre les revendications économiques et la haine des personnes migrantes, qui représentent elles-mêmes une part considérable de la main-d’œuvre de l’industrie agricole. Si les mouvements réactionnaires parviennent à se frayer un chemin dans la protestation, c’est aussi parce qu’ils s’adressent depuis longtemps au monde agricole et qu’ils sont capables de se coordonner en peu de temps.
Se joindre au mouvement, contrer les réactionnaires
Le fait que les forces progressistes soient relativement faibles est également dû au fait que la gauche radicale en RFA s’est désinvestie en grande partie du secteur de l’agriculture au cours des dernières décennies. Mais le moyen le plus prometteur de changer cela est de se solidariser avec la protestation, de s’y joindre activement, d’y renforcer les positions progressistes et d’en chasser les réactionnaires. Car la protestation contre la suppression des subventions est légitime et mérite d’être soutenue. Nous sommes toutefois conscients que la paysannerie n’est pas une masse homogène. Notre solidarité va avant tout aux petites exploitations dont l’existence est menacée et bien sûr aux salarié·es des secteurs concernés.
Nous saluons le fait que les travailleuses et travailleurs agricoles, par le biais de leur initiative syndicale sectorielle [6], appellent à soutenir les prochaines manifestations et le font déjà par endroits. Soyons présents en tant que membres et sympathisants de la FAU, militants et militantes écologistes ou tout simplement en tant que travailleuses et travailleurs solidaires. Diffusons notre perspective anticapitaliste et écologique et repoussons les récupérations réactionnaires ainsi que les positions bourgeoises !
Die Plattform, le 12 janvier 2024
[1] Coalition politique entre le SPD (sociaux-démocrates), le FDP (libéraux-démocrates) et Die Grünen (verts).
[2] « Allocation citoyenne », équivalent de l’allocation chômage de base.
[3] Union Chrétienne Démocrate.
[4] Parti libéral de droite.
[5] Alternative für Deutschland, parti d’extrême droite nationaliste.
[6] L’Initiative des métiers verts de l’Union libre des travailleurs (FAU).
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Victor Pereira : C’est le peuple qui commande : La Révolution des Œillets, 1974-1976
Et la dictature portugaise s’effondra… sur une chanson en guise d’appel : Grandôla, Vila Morena. Ce 25 avril 1974, avec la révolution des œillets, c’est plus de quarante années de dictature qui, en quelques jours, s’achèvent suite à l’action d’officiers coalisés dans le MFA (Mouvement des forces armées) soutenus par des soldats.
Ainsi le gouvernement de Marcelo Caetano, héritier de la dictature de Salazar et dictateur lui-même s’effondra. Rapidement, ce n’était pas prévu, des milliers de civils descendirent dans les rues. Le coup de force militaire débouchait sur la chute de la dictature et la révolution des œillets. En 1974, l’Europe connaissait encore les sanglants régimes dictatoriaux de l’Espagne et de la Grèce. Ceci donne toute l’importance historique du phénomène. Deux années de bouleversements révolutionnaires s’ouvrirent alors au Portugal.
Au début 1974, le Portugal était encore un empire colonial et le gouvernement n’avait pas assimilé les changements liés à la décolonisation. L’empire avait de plus en plus de mal à circonscrire les révoltes qui secouaient le Mozambique, l’Angola, la Guinée-Bissau ou le Cap-Vert. Les soulèvements se succédaient et la guerre devenait très impopulaire au Portugal. Le pays, économiquement et socialement en retard, connaissait une importante émigration.
La dictature se montrait totalement débordée. L’absence totale de libertés et la répression impitoyable qui pesaient sur la population, alimentaient ces départs. C’était l’impasse. À partir de 1973, des officiers intermédiaires s’organisèrent pour des raisons corporatistes. Bon nombre pensaient que les guerres en Afrique ne pouvaient trouver militairement une issue victorieuse. Aussi, émergea l’idée de rechercher une solution politique à ces crises répétitives. L’indépendance de ces territoires devint une alternative envisageable. Le MFA conçut un projet avec en perspective la fin de la dictature par une action militaire.
Dès le 25 avril, la population descendit dans les rues et appuya les insurgés. La dictature tomba rapidement. Commença alors une série de manifestations spontanées et de mobilisations populaires : grèves, occupation de logements, luttes étudiantes… Les digues avaient cédé. La parole se libérait, des possibles, encore mal définis émergeaient. La succession était difficile. Les soutiens à la dictature ne manquaient pas.
Pendant deux ans, d’intenses débats traversèrent le pays, entre les militaires et les partis politiques auparavant interdits comme le Parti communiste portugais, le Parti socialiste ou l’extrême-gauche. Les intérêts économiques divergents et l’influence de l’Église catholique qui avait soutenu la dictature et le retour des retornados, près de 300 000 rapatriés des colonies, compliquaient la situation.
Les premières élections d’avril 1975 montrent un Parti communiste portugais et les courants d’extrême-gauche, électoralement plus faibles que les socialistes avec Mario Soares. La droite bénéficie encore d’une large assise. Peu à peu, les soubresauts révolutionnaires et les violences anticommunistes diminuent. La transition de la dictature à la démocratie s’effectua de manière saccadée mais assez calmement. La Révolution des œillets reste un temps singulier dans l’histoire des révolutions. Bien des interrogations demeurent. On ne peut réduire cela à l’intégration à la Communauté économique européenne à partir des années 1980.
Les mémoires de la révolution des œillets divergent sur bien des points. La désillusion gagna peu à peu les rangs de la gauche et de l’extrême–gauche. Quant à la droite et l’extrême droite , elle entama une édulcoration des années Salazar. Pour ce sujet méconnu en France, cet ouvrage sobre, clair et de lecture aisée permet de mieux comprendre les espérances soulevées par cette révolution des œillets et le grand bouleversement qu’elle opéra dans les idées. Une interrogation demeure : est-ce le peuple qui commande dans un processus révolutionnaire issu pour partie des forces armées ?
Dominique Sureau (UCL Angers)
Victor Pereira, C’est le peuple qui commande : La Révolution des Œillets 1974-1796, Edition Du Détour novembre 2023, 281 pages, 21,90 euros.
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Suzanne Citron : Légataires sans héritage, Pensées pour un autre monde
Le titre intrigue, tout comme le livre et l’histoire de sa publication. C’est « une porte […] ou, plutôt, une autre porte menant à une autre porte. » Ouvrir des portes, ouvrir des horizons. L’autrice commence par un constat lucide et désabusé sur la gauche, et au-delà, sur la politique. Elle décrit et s’interroge sur l’incapacité du langage politique à saisir et appréhender la vie quotidienne des gens, car trop en dehors, trop déconnecté du quotidien, analysant ce divorce comme le fruit de l’héritage culturel des élites : langage codé, savant, issu de cette culture antique qui a cimenté leur formation intellectuelle.
Elle développe « la notion du politique comme espace de pouvoir extérieur à la vie quotidienne ». Puis, elle aborde les terres de la mémoire anthropienne, parcourt les territoires de la préhistoire et de l’anthropologie, se confronte aux sociétés d’avant l’écriture et celles sans état, et parvient à des mises en perspective entre notre héritage culturel occidental, sa genèse puis son évolution.
Un ordre dogmatique, unique, totalitaire, s’est construit, « césure originelle dans la civilisation » : l’État. Une matrice conceptuelle voit le jour, conduisant à la bureaucratie, à la violence, un monde d’oppression et de domination.
Elle se prend alors à rêver, à en imaginer un autre, donnant des clefs pour aider à démythifier notre subi, pour explorer notre vécu. Décloisonner, libérer la société de ce carcan culturel et oeuvrer pour l’auto-institution de la société, vaste programme que nous entendons bien poursuivre. Un livre, pas d’une lecture toujours aisée, mais qui mérite le détour pour toutes les interrogations et remises en question qu’il soulève.
Dominique Sureau (UCL Angers)
Suzanne Citron, Légataires sans héritage, Pensées pour un autre monde, Éditions l’Atelier, octobre 2022, 248 pages, 18 euros.
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Lire Sébastien Fontenelle : Macron et l’extrême droite, du rempart au boulevard
Journaliste à Blast et Politis, Sébastien Fontenelle revient sur le rapport entretenu, depuis maintenant 7 ans, par Macron et son gouvernement avec les membres et les idées d’extrême droite. Déjà en 2017, lors de sa première élection, Macron avait affirmé aux électeurs et aux électrices qui avaient voté au second tour pour lui contre le RN, avoir conscience que leur choix n’était pas un « blanc seing » et qu’il « protégerait la République », contre « l’extrémisme ».
Mais les faits empilés par l’auteur (commémoration de Maurras et Pétain, nomination de ministres au passif et convictions réactionnaires, etc) démontrent que cette parole n’avait aucune valeur, tandis que la mise en place de politiques antisociales et d’une répression féroce contre le mouvement des Gilets jaunes, les amalgames et discours confusionnistes, un exercice du pouvoir manifestement empreint de mauvaise foi et de manipulations, ont contribué à la banalisation des thèses nationalistes et réactionnaires.
Résultat : cinq ans plus tard, Marine le Pen engrange 2,6 millions de voix en plus ! Macron affirme encore hypocritement que ce vote « l’oblige », avant de reprendre, quelques mois plus tard, la rhétorique de l’extrême droite, de la favoriser, de criminaliser et réprimer l’opposition de gauche, les mouvements sociaux et les révoltes.
Fontenelle, reprenant à son compte le concept développé par Ugo Palheta et Ludivine Bantigny [1], conclut que la période Macron est réellement celle de la fascisation d’une république où jamais l’extrême droite n’avait eu autant de poids et où jamais l’exercice du pouvoir ne s’était autant accompagné d’une distorsion de la réalité et d’utilisation massives de contre-vérités.
Sa démonstration est éclatante, même si elle n’apprend rien à celles et ceux qui ont suivi attentivement l’évolution politique du pouvoir ces dernières années [2]. Ce livre a toutefois le mérite de clore le débat sur la possibilité d’un barrage « au centre » face à l’extrême droite dans un climat de durcissement idéologique et social. A offrir à celles et ceux qui pensent encore naïvement que le « en même temps de droite et de gauche » n’a pas été une complète illusion.
Hugues (UCL Fougère)
Sébastien Fontenelle, Macron et l’extrême droite, du rempart au boulevard, coédition Massot et Blast, octobre 2023, 120 pages, 15,90 euros.
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webinar.zoho.com/meeting/regis…
Pour les aider à aller au rdv international annuel de Labor Notes :
💵 chuffed.org/project/labor-note…
#ClassUnity #ClassPride #ClassWar
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Lucie Azéma : Les Femmes aussi sont du voyage : l’émancipation par le départ
« N’y va pas, tu vas te faire violer ! » Voilà généralement les encouragements qu’entendra une femme qui annonce à son entourage son projet de partir pour un long voyage. Alors qu’un homme recevra souvent louanges et admiration ; car lui, c’est évident bien sûr, saura faire face au danger.
Pourtant rappelle Lucie Azéma, selon les statistiques une femme a bien plus de risques d’être violentée au sein de son foyer qu’à l’autre bout du monde. Les grosses difficultés rencontrées par les exploratrices n’ont jamais de lien avec leur genre. Au contraire même, le fait d’être une femme qui voyage a tendance à aider la société à percevoir l’aventurière comme un individu d’abord, la placer en dehors de la perception du « féminin » et à lui ouvrir à l’étranger des portes qui resteront fermées pour les femmes de la région.
La conséquence de cette « prévenance », c’est qu’elle construit autour de celles qu’elle vise une véritable cage au service du patriarcat. Et il faut le double de courage et d’énergie pour monter une expédition quand on est socialisée comme femme... (Encore pire quand on est mère !)
De ce fait, voyager est un moyen diablement efficace pour mettre en lumière les inégalités entre les genres, s’en affranchir et en démontrer ainsi l’ineptie. Lucie Azéma, voyageuse et grande lectrice de récits de voyage, nous en fait ici la preuve. Elle partage ses agacements face aux fanfaronnades des bourlingueurs qui lorsqu’elle leur propose son aide en profitent surtout pour lui expliquer comment appréhender le pays où elle vit depuis plusieurs mois. Il s’agit d’ailleurs aussi de décoloniser le voyage ; dans des pages très stimulantes elle rappelle à quel point exploration et colonisation sont étroitement liées, et fait le pari que les femmes sont moins à même de tomber dans le piège de l’essentialisation de l’étranger.
Le plaisir de la lecture vient aussi du goût pour le voyage de l’autrice, qui émaille sa réflexion de nombreuses anecdotes, et cherche à définir à quoi tient le plaisir de voyager. Un livre qui nous fait sentir le vent de la liberté !
Mélanie (amie d’AL)
Lucie Azéma, Les Femmes aussi sont du voyage : l’émancipation par le départ, Éditions Points, octobre 2022, 256 pages, 8,90 euros.
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Or vert : L’avocat, subtile saveur pour un commerce amer
L’avocat est actuellement consommé massivement partout dans le monde. Si sa consommation peut avoir de multiples intérêts, son système de production, lui, a de multiples effets dramatiques.
Traduction d’un article d’une camarade de l’Unión AnarcoComunista.
L’avocat est aussi à la mode que la banane et le chocolat l’ont été en Europe après la chute du mur de Berlin en 1989. Symboles de liberté. « Bienvenue dans le monde libre » avec les bananes et le chocolat. Aujourd’hui, l’avocat est « l’or vert ».
Techniquement, il s’agit d’un fruit riche en nutriments qui permet de préparer des plats délicieux et variés. Mais avant d’en arriver là, il faut remonter à la fin des années 1980, lorsque le marché états-unien commence à renforcer la production nationale parce qu’il considère l’avocat comme un élément d’un régime alimentaire sain.
Le plus grand producteur d’avocats, le Michoacán (Mexique), s’est vu interdire l’exportation d’avocats pendant soixante-dix ans, jusqu’aux années 1990, quand la culture a pris la direction opposée. La production états-unienne s’est développée, transférant son activité vers les terres mexicaines, ce qui a donné lieu à une culture locale conforme aux normes de qualité états-uniennes et, l’accord de libre-échange nord-américain (Alena) de 1994 revêtant un aspect crucial, mettant fin au veto sur le produit mexicain. Les coûts de production ont baissé, les conditions climatiques du Michoacán étant idéales pour cette culture.
Les différentes recettes de plats préparés avec ce fruit ont atteint une portée mondiale, via la télévision ou la publicité qui l’ont promu comme le petit-déjeuner préféré de ce siècle. New York, la France, l’Allemagne proposent une cuisine innovante à base d’avocat.
En 2021, le journal Milenio estimait que toutes les sept minutes, un camion partait du Michoacán vers les États-Unis. À la fin de la saison, le chiffre de 1,27 million de tonnes a été atteint. D’autres pays comme le Pérou, le Chili et la République dominicaine rivalisent pour figurer parmi les premiers producteurs, mais c’est l’État mexicain qui est le « roi de l’avocat ».
Une forte consommation d’eau
Les semences d’avocat nécessitent jusqu’à quatorze ans avant de pouvoir commencer à être récoltées, mais si des arbres sont plantés, l’attente est réduite à cinq ans et les conséquences sont indéniables et destructrices.
Un avocat a besoin de 0,75 tonne d’eau, soit sept fois plus que d’autres fruits et jusqu’à 40 fois plus que l’ananas, par exemple, ce qui entraîne d’énormes pénuries d’eau dans les régions utilisées pour les plantations d’avocats. Les avocatiers ne peuvent être cultivés à grande échelle sans irrigation. Bien que l’irrigation réduise les besoins en eau de 20 %, l’impact sur l’environnement conduit à la déforestation en raison des grandes portions de terre nécessaires pour une production suffisante et pour couvrir le marché mondial d’avocats.
Les agriculteurs acquièrent de plus en plus de terres, abattent les arbres et brûlent les forêts pour gagner toujours plus d’espace. Le rapport de l’Observatoire mondial des forêts indique que 98 % de la déforestation au Mexique est due à l’expansion agricole et montre également la superficie du couvert forestier perdue par le feu, soit plus de 340 km² de terres.
L’abattage des arbres de la forêt provoque un changement climatique intense. La culture de l’avocat ne peut pas compenser la perte d’autres arbres car l’avocatier n’absorbe que des quantités minimes de carbone. Par ailleurs la production d’avocats est une monoculture (la pratique de cultiver une seule culture de façon répétée) ce qui endommage le sol en le dépouillant de ses nutriments, réduit la matière organique et provoque son érosion.
Les agriculteurs utilisent des engrais chimiques. Les herbicides détériorent à long terme les sols, mettent les pollinisateurs en danger d’extinction, modifient le paysage microbien du sol et laissent une empreinte carbone, c’est-à-dire des émissions de gaz à effet de serre. La recherche It’s Fresh a montré que deux avocats émettent 846 grammes de CO2 [1].
Le transport des avocats sur des milliers de kilomètres, appelés « food miles », pollue et ajoute à l’impact négatif sur l’environnement. Les émissions de CO2 accentuent fortement le réchauffement de la planète et le changement climatique. De surcroît, les producteurs utilisent des emballages non biodégradables pour protéger les avocats pendant le transport.
Ces emballages comprennent des sacs en plastique et des caisses également doublées de plastique qui ne sont pas recyclables et qui, par conséquent, augmentent encore les émissions de gaz à effet de serre.
La demande mondiale d’avocats nuit à la sécurité alimentaire des pays producteurs en provoquant une inflation des prix.
La saveur amère
Les producteurs d’avocats du Mexique subissent l’exploitation par les cartels, qui menacent régulièrement les inspecteurs lorsqu’ils visitent les plantations et intimident les agriculteurs en extorquant de l’argent pour leur protection. Les récoltants travaillent de longues heures et sont victimes de violences dans un commerce de plusieurs millions de dollars. Le centre de « l’or vert », le Michoacán, est également un centre de production de drogues synthétiques et naturelles, principalement des méthamphétamines et de la marijuana.
La cocaïne voyage sur toutes les routes du Michoacán. Ces activités illégales s’accompagnent inexorablement d’extorsions, de disparitions, de vols, de meurtres, de trafics d’armes, de collectes d’impôts officieuses avec la complaisance des autorités. Quiconque s’oppose aux cartels est en danger, les agriculteurs qui ont résisté aux cartels ont été torturés et tués.
Selon le Food Empowerment Project, en 2019, 19 personnes ont été assassinées et leurs corps ont été retrouvés dans la ville d’Uruapan, dans le Michoacán, certains corps ayant été exposés sur un pont en guise d’avertissement de la part du Cartel de Jalisco - Nouvelle Génération, qui a revendiqué les meurtres. La production d’avocats dans d’autres endroits attire également l’attention en raison des violations des droits humains, comme la ferme Kakuzi au Kenya ou Petorca au Chili.
Ces nouvelles organisations sont nées de la scission du groupe criminel La Familia Michoacana qui a donné naissance en 2011 à un groupe connu sous le nom de Los Caballeros Templararios, en imitant leurs vêtements et leur religion. Ils semaient la peur et facturaient aux producteurs des millions de dollars de frais.
En 2013, ce groupe a été maîtrisé grâce à des soulèvements armés.
Actuellement, ces entreprises sont aux mains de nouvelles organisations qui ne s’attaquent pas aux grands entrepreneurs de l’avocat, mais aux petits producteur. Ceci afin de leur prendre leurs terres, les récolteurs, les travailleurs qui en vivent, en leur imposant des salaires minimes, des journées de travail de 12 heures pour 120 dollars.
La demande mondiale d’avocats rend difficile une production 100 % durable, mais les avancées en matière de développement durable comprennent la restauration de la couverture forestière par la reforestation, la conservation de l’eau dans les communautés, des matériaux d’emballage recyclables, des changement dans l’utilisation d’engrais et d’insecticides toxiques.
Quel avenir pour l’avocat ?
En 2019, il a été possible de séquencer le génome de l’avocat Criollo afin de le modifier génétiquement, d’épaissir sa coque, de réduire sa taille pour diminuer sa forte consommation d’eau (Laboratoire national de génomique pour la biodiversité, Iruapato).
Il est indéniable que l’avocat est un fruit très sain en raison de la quantité de nutriments qu’il contient. Un avocat de 190 grammes en contient, des graisses et des hydrates de carbone sains qui améliorent le système immunitaire, stabilisent le taux de sucre dans le sang. Les fibres augmentent le nombre de bactéries saines dans le système digestif. L’avocat contient également trois types de bactéries productrices d’acides gras à chaîne courte : Faecalibacterium, Lachnuspira et Alistipes. Il est très riche en composés antioxydants et anti-inflammatoires et constitue une excellente matière première pour les produits de beauté. Cette grande polyvalence augmente sa commercialisation.
Il existe plusieurs types d’avocats tels que le Bacon, le Reed, le Zutano, le Lamb, le Pinkerton, le Nabal, le Lachnuspira et l’Alistipes. Les principaux types d’avocats destinés à l’exportation sont le Hess et le Fuerte.
Bien que la production biologique ait augmenté, elle n’est pas suffisante et le prix du marché pour le consommateur est élevé.
Si la plantation, l’irrigation et la fertilisation continuent d’être effectuées de manière inconséquente afin d’augmenter la production, les maladies et les parasites des avocatiers deviendront de plus en plus fréquents. Le problème le plus important et le plus répandu est la pourriture des racines causée par le pathogène Phytophthora cinnamomi. La lutte contre ce pathogène est extrêmement difficile. Un mauvais drainage et des sols qui retiennent l’eau favorisent la propagation des agents pathogènes.
Une autre maladie des avocatiers est le cancer bactérien causé par des agents pathogènes fongiques. Les principaux ravageurs de l’avocatier sont les mouches méditerranéennes des fruits, les araignées rouges et les poux.
Si des mesures ne sont pas prises pour assurer le processus d’irrigation et de fertilisation afin que les plantations d’avocats reçoivent des minéraux et des vitamines de manière saine, le risque est plus que considérable.
Les problèmes liés à cet « or vert », également appelé « le nouveau diamant de sang », sont nombreux et graves. La première chose à faire est de soutenir l’agriculture biologique en achetant des produits biologiques et de réduire la consommation de ceux qui sont les « nouveaux diamants de sang ».
Ana López Khi, Unión AnarcoComunista España
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Karel Yon : Le syndicalisme est politique : Question stratégiques pour un renouveau syndical
Le syndicalisme est politique : le grand mouvement social pour nos retraites vient d’en faire la démonstration. En remettant sur le devant de la scène les réalités du travail, la grève, la solidarité interprofessionnelle, les syndicats ont enclenché une dynamique de politisation des classes populaires…
C’est un fait avéré : le syndicalisme se retrouve de plus en plus impuissant après des décennies de néolibéralisme qui ont considérablement réduit ses marges de manœuvres, dans les entreprises comme dans la société.
Les centrales ayant fait le choix de l’intégration au management ont pu s’en rendre compte lors du dernier mouvement social, en faisant face à un « mur néolibéral ». De plus en plus, les syndicats se sont vu transformer en organisations de mandaté·es, expert·es et déconnecté·es du salariat.
Dans Le syndicalisme est politique : questions stratégique pour un renouveau syndical, Karel Yon et 7 autres chercheurs et chercheuses, augurent une repolitisation du syndicalisme. Cela passerait en partie par la participation à un nouveau front populaire, appuyant et se servant de l’État pour retrouver une légitimité, dans le domaine de la production bien sûr, mais aussi dans la démocratie toute entière.
Cette proposition, bien qu’éloignée de la stratégie syndicaliste révolutionnaire de notre organisation, offre des questionnements et des sujets de débats.
Des analyses sociologiques permettent de justifier des propositions communes. Un chapitre sur le mouvement des Gilets jaunes et de son rapport avec le syndicalisme montre l’intérêt capital de la sociabilité dans une perspective politique pour un large pan du prolétariat (employé·es de TPE, fonctionnaires hospitalier·es, etc…), justifiant alors un développement des unions locales sur le modèle des bourses du travail.
Si la plupart de l’aspect revendicatif développé dans ce livre relèverait, quand bien même d’une alliance avec les partis de gauche et de la nécessité d’un rapport de force, ces propositions sont l’occasion de mettre en lumière un manque avéré de perspectives pour le syndicalisme et de proposer des objectifs à moyen terme.
La critique socio-historique de nos organisations met en exergue des sujets sur lesquels nous ne pouvons pas rester sans réponses, tels que la connaissance de l’entreprise, les orientations dans la production, les réformes d’un pseudo « dialogue social », l’impossibilité de pouvoir prétendre à la reprise en main de l’appareil de production ou simplement même le contrôle ouvrier, l’incapacité à lier ensemble la transition écologique et l’action syndicale, la contradiction entre intégration nécessaire du prolétariat féminin et tradition viriliste voire masculiniste dans les syndicats.
Un chapitre traite de la prise en compte des violences sexistes et sexuelles dans le syndicalisme (toujours pas acquise partout). Il met en évidence le nécessaire travail qu’il reste encore à faire pour ouvrir le syndicalisme à l’étendue de la classe qu’il prétend représenter.
À partir d’une analyse des dynamiques en court lors du mouvement retraite de 2023, ayant montré qu’un syndicalisme, quand il est rassemblé, est capable de se faire le porte-parole d’une classe, l’ouvrage offre donc des fragments de réflexions sur la direction que pourrait prendre des organisations enregistrant une hausse de syndicalisation.
Judi (UCL Caen)
Karel Yon (dir.), Le syndicalisme est politique : Question stratégiques pour un renouveau syndical,, Éditions La dispute, septembre 2023, 204 pages, 16 euros.
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Antivalidisme : ESAT, faux-semblants et véritable exploitation
Après le numéro d’AL de décembre qui mettait au centre les luttes antivalidistes, nous continuons de nous pencher sur les oppressions subies par les personnes handicapées. Au cœur du sujet ce mois ci, l’exploitation des travailleurs·ses des « Établissement et service d’aide par le travail » (ESAT).
Un récent décret ouvre enfin aux travailleurs et travailleuses handicapé·es des ESAT le droit à la syndicalisation et à la représentation collective. Cette avancée permet à la France de donner des gages à l’ONU qui l’a condamnée plusieurs fois aux vues des violations flagrantes du respect des personnes que produit cette institution.
Si cette loi apporte quelques avancées (nouveaux droits du travail), il en faudra bien plus pour modifier les rapports sociaux existants au sein des ESAT. En effet, l’ESAT est une institution à la fois prise dans les rapports du monde médico-social et ceux du monde du travail. Cela se traduit par des travailleurs·ses handicapé·es qui ont accès sur leur site de travail à certains services (par exemple, de la formation sur des taches administratives).
Cependant, la partie « travail » est presque totalement occultée par l’institution. Le symptôme le plus visible est que les travailleurs·ses y sont considéré·es comme de simples usagers.
Difficile de décrire à quel point ce simple mot est une source d’aliénation et de frustration pour de nombreux travailleurs·ses car il façonne leur rapport au travail et implique qu’ils et elles reçoivent un service.
Imaginez-vous accomplir un travail et voir celui-ci nié par l’institution qui vous demande de l’accomplir ?
Il est beaucoup question de la souffrance au sein des bullshit jobs : comment qualifier alors un travail nécessaire, que l’on fait passer pour un simple passe-temps qui vous est octroyé ?
Des travailleurs·ses m’ont raconté avoir déjà demandé une augmentation de salaire. Rappelons que leur salaire est largement inférieur au SMIC et ne peut le dépasser ! La direction leur a refusé cette augmentation au motif que cela entraînerait une baisse de leur Allocation Adulte Handicapé qui complète leur revenu.
L’excuse est vraie mais révélatrice du paternalisme de l’institution, vous expliquant gentiment que votre travail n’a pas de valeur.
Usagers et usagères sans salaire
Pourtant, il dégage bien une valeur ajoutée non négligeable. Une partie importante des ESAT sont spécialisés dans la sous-traitance industrielle pour tâches jugées trop répétitives ou pénibles, que les entreprises du coin préfèrent refiler aux personnes handicapés. Cette sous-traitance leur permet même de passer la barre des 5 % d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OTEH) en entreprise. Pourquoi alors les entreprises feraient-elles un effort pour employer des personnes handicapées si elles peuvent bénéficier de leur travail pour même pas un demi-salaire dans des structures subventionnées par l’ARS ?
Pour conclure, rappelons que pour beaucoup de travailleurs·ses en ESAT, le travail en milieu ordinaire constitue le Graal. L’éthique du travail de notre société leur fait comprendre que ce serait la seule façon de prouver leur complète valeur en tant qu’individu. Mais « l’ascenseur social » est saboté au départ car aucune entreprise n’a intérêt à ces embauches. Leur statut, leur salaire et la reconnaissance de la société devront s’acquérir par la lutte. La stratégie de l’État et du Capital est précisément de maintenir ces personnes isolées, il est donc important que syndicats et associations anti-validistes aient le regard tourné vers les travailleur·euses et leurs aspirations car, comme partout, la solidarité est notre arme.
Corentin (UCL Kreiz-Brezh)
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Fermetures dans l’Education Nationale : Plus de Jacques Decour, moins de Stanislas
Depuis quelques jours, la nouvelle ministre de l’éducation nationale déclame un mépris de l’enseignement public et de l’égalité typique de sa classe. Pendant ce temps à la cité scolaire Decour, dans le IXe arrondissement de Paris, le personnel se mobilise devant le projet de fermeture partiel de l’établissement.
En décembre dernier la nouvelle tombe de nulle part : sous prétexte de travaux attendus, certains depuis 20 ans, une partie des classes de la cité scolaire Jacques Decour [1] (qui regroupe des élèves du collège jusqu’au lycée et en classes préparatoires scientifiques) va fermer à la rentrée prochaine, et le collège entier en 2025. Sans garantie de réouverture de la part du rectorat.
Que deviennent les élèves ? Les enseignant·es et l’équipe pédagogique ? Pas de réponses, ou presque. Les élèves seront « délestés » sur d’autres établissements, les enseignant·es auront des points supplémentaires pour partir… C’est déjà très insuffisant mais pour les un·es comme pour les autres, la question est : pour aller où ? Dans une académie de Paris où les fermetures de classes pleuvent (40 classes de 6e, 125 classes de primaires en 2023) ? Cela rend la situation de toutes et tous dans l’établissement incertaine. Et les conséquences tant pour les familles que pour l’équipe éducative sont difficiles : perte des liens, risque de se retrouver dispersé·es dans toute la ville, obligations d’occuper des postes plus flexibles et plus précaires…
Surtout, c’est la finalité des travaux qui interroge : une fois vidée de ses élèves, la cité scolaire sera-t-elle réouverte ? Ou bien les travaux entrepris servent-ils à faire encore une fois basculer un bien public vers une vente lucrative ? Fermer des classes dans ce contexte, n’est ce pas aussi une manière de pousser les familles les plus favorisé·es vers l’enseignement privé ?
Occupation des locaux et tentative de blocage
Alors, l’équipe éducative s’est mobilisée. Avec le soutien des parents d’élèves, une trentaine d’enseignantes et enseignants ont lancé deux jours de grève les 16 et 17 janvier, avec occupation du gymnase de l’établissement la nuit du 16 au 17 janvier dernier. En soutien à la mobilisation, le 16 au matin, les lycéens et lycéennes ont bloqué l’entrée de l’établissement mais se sont fait chassé·es par la police sur demande du proviseur. Un rassemblement de parents et d’enseignantes et enseignants a aussi été organisé devant les bureaux du rectorat de l’Académie de Paris. Une pétition en ligne a été lancée.
Les revendications immédiates sont claires : aucune fermeture de classes pour 2024, pas de travaux sans calendrier en concertation avec les enseignantes, enseignants et les parents, maintien de la structure éducative et pédagogique du collège. Pour le moment, le Rectorat campe sur sa position. Du côté de l’équipe mobilisée, on compte bien sur la grève du 1er février pour se faire entendre, et défendre par la même une éducation publique, gratuite et de qualité, loin des intérêts financiers !
Hugues (UCL Fougères) en lien avec le personnel en lutte
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Violences sexistes et sexuelles : 11 janvier 2024, mobilisation féministe
Dans la foulée du scandale autour de « l’affaire Depardieu » et des déclarations d’Emmanuel Macron, le collectif d’associations féministes et de syndicats #grève féministe appelait à des rassemblements devant les tribunaux ou les préfectures ce 11 janvier avec comme slogan : « Gardez votre vieux monde, nous en voulons un sans violences sexistes et sexuelles ».
L’émission de TV « Complément d’énquête » a récemment mis en avant des propos et des actes de Depardieu envers les femmes totalement inadmissibles, ravivant dans les médias sa mise en examen en 2020 pour viol et agression sexuelle.
La liste de tous ceux mis en cause ne fait que grossir : on pense notamment au cas de Benoit Jacquot dénoncé par Judith Godrèche. Cela révèle des problématiques qui vont au-delà du simple cas individuel : les agressions sexuelles commises par des célébrités sont bien souvent connues de toutes et tous, et le système les protège. Nous ne pouvons donc que saluer la contre-tribune signée par 600 artistes en réponse à celle de l’élite du septième art parue dans le Figaro craignant la fin de carrière de Depardieu.
Mais de toute façon, au plus haut sommet de l’état, on avait déjà tranché : « Gérard Depardieu rend fière la France », « il y a la présomption d’innocence ». Grand admirateur de l’acteur, Emmanuel Macron dénonce une prétendue « chasse à l’homme ». Pas un mot pour les victimes… On pourrait aujourd’hui qualifier le président de la république de défenseur des agresseurs présumés. Il n’en est de toute façon pas à son coup d’essai. Souvenons-nous de l’affaire Darmanin, ou encore celle de Nicolas Hulot lorsqu’il discréditait les féministes en les comparant à une « société de l’Inquisition » faisant d’elles des bourreaux.
En invalidant la parole des victimes dénonçant ces propos et ces actes, Emmanuel Macron peut anéantir les espoirs de reconnaissance du préjudice subi et les tentatives de reconstruction de ces femmes. A l’image de son bilan politique en matière de grande cause nationale, leader autoproclamé de la lutte contre les violences faites aux femmes, il a une nouvelle fois vidé cette nécessité absolue de son sens.
Une inversion des stigmates préjudiciable
Le 25 novembre dernier, nous étions encore des milliers dans les rues pour influer sur le cours des événements en réclamant des moyens pour lutter contre les violences faites aux femmes et aux minorités de genre. Beaucoup d’entre nous s’y attèlent quotidiennement, car malheureusement, l’exercice de la violence ne relève pas seulement des puissants et des personnalités publiques.
Mais à la différence des prédateurs anonymes du quotidien, les agresseurs connus, par leur influence et leur notoriété, légitiment la lâcheté et la violence de tous les autres comme des normes sociales acceptables.
Le 8 mars nous serons encore dans la rue notamment pour dénoncer les violences qu’exercent nos patrons et nos supérieurs hiérarchiques à travers nos conditions de travail, la mauvaise gestion du harcèlement et des violences dans les entreprises et les institutions. Le travail domestique gratuit des femmes demeure. Le patriarcat est tellement habitué à compter dessus que quand les femmes continuent de manière salariée le travail qu’elles font déjà à la maison elles sont sous-payées, précarisées, maltraitées et leur fonction sociale dévalorisée.
Nous ne l’acceptons pas et c’est pourquoi nous ne lâcherons rien.
Anne (UCL Montpellier)
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Luttes trans et antifascisme, un duo indissociable
Partout dans le monde, l’extrême droite s’illustre par des attaques régulières contre les droits LGBTI et vise explicitement les personnes trans à tous les niveaux. En France, le backlash anti-trans est vigoureux, promu par l’État, et suit la fascisation de l’Occident. Il est impératif de penser un antifascisme solidaire et inclusif et d’œuvrer à une perspective antifasciste dans les luttes LGBTI.
En France, la transphobie d’État a fait du chemin et le gouvernement se fait le promoteur de cette idéologie mortifère. Lors du dernier remaniement, Aurore Bergé (qui avait déjà invité à l’Élysée, durant l’été 2022, Dora Moutot et Marguerite Stern, des personnalités publiques connues pour leurs positions anti-trans) a été nommée au ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes de la Lutte contre les discriminations.
Si l’État et la gauche réformiste mettent en avant l’homosexualité de Gabriel Attal maintenant Premier ministre, comme un gage de progrès, le message est bien celui d’une égalité qui ne se fera pas avec les personnes trans. Or ce discours irrigue l’ensemble de la société et l’on retrouve des relais transphobes dans le milieu écologiste ou chez des mouvements dits féministes.
Aujourd’hui, la transphobie s’inscrit directement dans les lois. Un arrêté du 19 décembre instaure pour une durée de six ans le fichage systématique des personnes changeant de nom ou de prénom. En complément de la loi Immigration, ce texte entérine la surveillance policière des immigré·es et des personnes trans, deux populations parmi les plus susceptibles de changer de nom, et scelle l’association du racisme et de la transphobie.
Au niveau étatique, la transphobie ne se limite plus à un aspect de communication : cela marque un premier pas rejoignant l’impulsion des législations transphobes déjà établies dans d’autres pays où les fascistes sont au pouvoir, tel que l’Italie ou la Hongrie.
Une image réactionnaire et globale de la société
Les personnes trans sont une cible de premier plan des fascistes. La construction d’un ennemi intérieur, que l’on retrouve à travers l’histoire des mouvements fascistes, est un outil stratégique pour faire bloc et édifier une union des droites.
C’est également un levier pour recruter des militants et pour imposer leur vision réactionnaire de la société. Pour l’extrême droite, l’existence des personnes trans met à bas le modèle de la famille patriarcale et la division genrée et sexuelle de la société. Ce modèle actuel de la famille patriarcale s’inscrit dans une vision blanche et occidentale, qui s’est imposée par le colonialisme en passant par l’invisibilisation et s’accompagnant parfois de génocides d’autres cultures et sociétés.
Les attaques transphobes s’illustrent par l’offensive contre l’IVG et s’étendent à l’ensemble des droits reproductifs en particulier ceux des personnes trans. Le but affiché est de provoquer une panique morale qui s’impose dans le débat public. La droite capitalise sur l’identité et développe sa rhétorique autour de cette idée, notamment l’identité trans, tout en faisant pression sur plusieurs questions simultanément. Le noyau de la haine anti-trans est fasciste, il prend racine dans la suprématie blanche.
Les mouvements fascistes profitent largement du relais médiatique et institutionnel ; ils exploitent également les réseaux sociaux dont ils ont une maîtrise quasi professionnelle comme en témoigne le Gamergate (une campagne de harcèlement sexiste en ligne visant des journalistes et développeuses).
Le courant fémonationaliste les rejoint, construit sur un essentialisme biologisant qui reprend le discours confusionniste porté par l’extrême droite. Ce confusionnisme allie ces nouveaux tropes aux rhétoriques classiques de l’antisémitisme, par exemple en diffusant l’idée que Georges Soros financerait le mouvement trans et serait lui-même à l’origine de complots à l’échelle mondiale. Devant cet état de fait, nous avons besoin d’un antifascisme intersectionnel.
Allier les luttes trans et antifas
Si l’antifascisme se doit de prendre une part active dans les luttes trans, il y a également nécessité de porter une vision antifasciste de la lutte LGBTI. Cela passe par le dialogue et la construction avec les associations et collectifs de luttes LGBTI ainsi que par la mise en avant des droits des personnes trans chaque fois que cela est possible. Ce travail est encore à construire.
Des collectifs antifascistes comme La Horde regrettent un manque de coordination entre les acteurs des luttes pour les droits LGBTI et les antifas. Historiquement, l’antifascisme a été dominé par le virilisme et par un manque d’inclusion. Les collectifs antifas se sont impliqués tardivement dans les combats pour les droits des personnes trans et plus largement pour les droits des personnes LGBTI et les luttes féministes. En 1984, le Scalp (Section carrément anti Le Pen) faisait déjà état d’un machisme ambiant dans ses rangs.
Ces dernières années, la conquête de nouveaux droits pour les LGBTI et la montée du fascisme ont mis en avant la nécessité de penser ces luttes en complémentarité. Face au vécu d’invisibilisation dans les milieux militants, des collectifs revendiquant une appartenance à l’antifascisme et aux communautés LGBTI tel Paris Queer Antifa se sont créés.
L’image véhiculée par les médias de l’antifa correspond à celle du black block, soit un homme cagoulé allant à la confrontation physique. Cela donne à voir une vision très viriliste, où la violence prédomine et finalement une vision binaire et spectaculaire de l’affrontement entre fascistes et antifascistes. L’antifascisme pâtit de cette image romancée du guérillero urbain et une vision déformée du concept d’autodéfense, compris ici seulement sous l’angle de la confrontation physique.
Cela a conduit à un isolement du mouvement antifasciste qui ne profite à aucune lutte sociale. La réalité de l’antifascisme est la diversité des moyens d’actions et registres allant de l’éducation populaire à la mobilisation de rue et les liens avec d’autres mouvements d’émancipations. En ce sens, il est impératif de penser les luttes trans et les luttes antifas pour permettre une organisation du mouvement social et donner une perspective politique commune.
Les luttes trans ont construit des savoirs militants, une culture trans partagée entre ses différents acteur·ices afin de survivre et combattre la haine qu’ils et elles rencontrent. Faire vivre une culture commune et la mémoire collective des luttes fait partie intégrante de l’antifascisme.
Des bases théoriques solides sont également nécessaires. Dans ce sens, la motion « Pour une contre-offensive trans » [1] est une étape majeure dans les réflexions portées par l’UCL pour un matérialisme trans non dogmatique. C’est aussi une étape majeure pour l’élaboration d’une stratégie unitaire dans notre camp social et la construction de solidarités concrètes. En tant qu’organisation, il sera impératif de faire vivre ce texte sur le terrain.
Sarah (UCL Montpellier)
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YokoAoki🌍🕊️#StopGazaGenocide, calou, Olivier Andersen and Emily Fox like this.
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Affaire Oudéa-Castéra Ce sont eux les séparatistes !
La première apparition publique de la nouvelle ministre à mi-temps de l’Éducation nationale a été l’occasion d’une sortie de route cauchemardesque pour le nouveau gouvernement Attal. Son mépris affiché de façon aussi décomplexée pour l’école publique et les enseignant·es du public est la marque d’une bourgeoisie qui fait de l’entre-soi et du séparatisme social un art de vivre.
La scène est déjà entrée au panthéon des pires sorties politiques. Le lendemain de sa nomination au Ministère de l’Éducation nationale en remplacement de Gabriel Attal nommé premier ministre, Amélie Oudéa-Castéra est interrogée par Mediapart à propos de la scolarisation de ses enfants dans le très select Collège Stanislas [1]. Cet établissement privé catholique s’illustrait jusqu’alors pour l’excellence de ses résultats au baccalauréat (100 % de réussite et de mention en 2022) et de ses classes préparatoires aux grandes écoles est l’un des établissements les plus prisé de la bourgeoisie parisienne.
La ministre se lance alors dans une tirade, préparée, comme le confirmera Ilyès Ramdani, journaliste au pôle politique de Mediapart [2], qui n’est qu’une tentative d’imposer un storytelling politique : « Je vais vous raconter brièvement cette histoire […] ». L’objectif était de susciter l’identification du plus grand nombre en convoquant des éléments qui relèvent autant du prof-bashing que du fonctionnaire-bashing (forcément toujours absent·es) tout en se mettant au niveau des millions de parents qui s’inquiètent pour l’avenir de leurs enfants : « Et puis la frustration de ses parents, mon mari et moi, qui avons vu des paquets d’heures qui n’étaient pas sérieusement remplacées, on en a eu marre comme des centaines de milliers de familles qui à un moment ont fait un choix d’aller chercher une solution différente ».
Un mépris de classe savamment entretenu
Heureusement, il reste des journalistes pour qui l’information ne se résume pas à servir la soupe aux puissant·es et très vite les preuves de dissimulation et de mensonge de la ministre se sont accumulées : son fils n’a été scolarisé que quelques mois dans le public, à temps partiel, en petite section ; l’enseignante de son fils niant qu’il y ait eu « des paquets d’heures qui n’étaient pas sérieusement remplacées » ; elle et son mari ont fait le choix d’une éducation en non-mixité pour leurs enfants… La communication de la ministre devenant de jour en jour plus absurde, jusqu’à aller affirmer qu’elle n’avait pas menti mais que « la réalité lui donnait tort » ! Amélie Oudéa-Castéra s’est élevée au niveau d’Emmanuel Macron pour ce qui est du mépris exprimé envers les classes populaires.
Le couple Castéra n’est pas une famille française comme tant d’autres. On est là en plein cœur de l’élite médiatico-politico-financière, si souvent évoquée mais rarement démasquée (elle sait se faire discrète). Amélie Oudéa-Castéra est diplômée de Science-Po Paris, de l’ESSEC, et enfin de l’ENA. Si elle commence sa carrière à la Cour des comptes, elle va vite aller exercer dans le privé, autrement plus lucratif, chez AXA d’abord, puis à Carrefour, elle est également présente au sein de conseils d’administration de plusieurs entreprises et intègre même le Medef. Son mari, Frédéric Oudéa, est un ancien conseiller de Nicolas Sarkozy au ministère du Budget, ancien directeur général de la Société générale de 2008 à 2023 dont il fut le PDG entre 2009 et 2015, et actuel président du conseil d’administration du laboratoire pharmaceutique Sanofi depuis mai 2023. Ajoutons que Amélie Oudéa-Castéra est la nièce des éditorialistes politiques Alain Duhamel (BFM TV) et Patrice Duhamel (directeur général de France Télévisions), nièce de l’éditorialiste Nathalie Saint-Cricq (France Télévisions) et cousine du journaliste Benjamin Duhamel (BFM TV). Mediapart n’hésitant pas à parler du couple Castéra comme d’un « parangon des élites françaises ».
Un rapport resté sur le bureau du ministre
L’établissement privé dans lequel les époux Castéra scolarisent leurs enfants est un établissement catholique qui promeut les thérapies de conversion pour les personnes homosexuelles (interdites en France), qui nie la contraception autre que « naturelle », qui prône une éducation différenciée en fonction du genre –les enfants Castéra étudient d’ailleurs dans des classes non-mixtes ! – et qui impose aux filles des tenues « correctes » afin de ne pas attirer les regards et de « se respecter ». Rappelons que dans les missions de la ministre à mi-temps il y a la lutte contre les stéréotypes de genre à l’école. Les nombreuses infractions de cet établissement de prestige ont d’ailleurs fait l’objet d’un rapport interne de l’inspection générale de l’Éducation nationale commandé par Pap Ndiaye, mais que Gabriel Attal a choisi de ne jamais rendre public [3]. Sans doute Gabriel Attal, ancien élève d’un autre établissement prestigieux, privé mais laïc celui-ci, l’École alsacienne, autre lieu de l’entre-soi du gotha [4], également situé dans le VIe arrondissement de Paris, n’a-t-il pas voulu heurter un établissement où le « gratin » de la bourgeoisie économique scolarise ses enfants. La conscience de classe est toujours bien développée dans la bourgeoisie.
L’« affaire Stanislas » tombe d’autant plus mal pour la Macronie qu’elle intervient quelques semaines après qu’un autre établissement privé confessionnel, mais musulman celui-ci, ait également fait l’objet d’un rapport de l’inspection générale de l’Éducation nationale, le lycée Averroès à Lille. Dans un cas un rapport accablant mis sous silence. Dans l’autre, un rapport dans lequel aucune recommandation n’est suggérée… mais le préfet qui s’en servira pour notifier la fin du conventionnement avec l’État [5]. Tandis qu’on apprendra que Stanislas se voit offrir une dotation horaire supérieure aux établissements du public comparables et qu’il obtient des subventions supralégales de la part de la Région Île-de-France [6]. Deux poids, deux mesures…
Bourgeois et réactionnaires main dans la main
Derrière le cas Oudéa-Castéra et du Lycée Stanislas c’est tout un système de l’entre-soi d’une caste de privilégiés qui vivent sur les fonds publics tout en faisant l’éloge de la libre-entreprise, et font du séparatisme un art de vivre. Rien dans le lycée Stanislas n’est en accord avec la loi confortant le respect des principes de la République, dite loi séparatisme. Bien évidemment celle-ci ne visait pas l’entre-soi bourgeois, volontiers catholique intégriste. La couverture du torchon raciste et réactionnaire – dont le titre doit être compris comme une anti-phrase –, Valeurs actuelles, du 25 janvier dernier : « Pourquoi il faut sauver l’école privée », montre bien qui sont les soutiens de ces projets de ségrégationnisme scolaire.
Contrairement à ce qu’affirme Valeurs actuelles, ce n’est pas une guerre scolaire mais belle et bien une guerre de classe. Si l’« école libre » comme aime à l’appeler celles et ceux qui ne rêvent que d’écoles casernes est un choix qui appartient aux familles, celui-ci ne doit pas se faire sur des fonds publics. Dès à présent exigeons le déconventionnement de Stanislas et engageons la fin du financement public des établissements privés. Ce dont l’école publique a besoin ce n’est pas d’une ministre à mi-temps, méprisant les valeurs d’égalité et de liberté, mais des moyens à hauteur des besoins de toutes et tous les élèves.
David (UCL Savoies)
[1] En fait une cité scolaire, propriété d’une société anonyme, qui scolarise des enfants depuis la maternelle jusqu’aux classes préparatoires.
[2] À l’air libre, « Oudéa-Castéra, lycée Stanislas : comment Mediapart a enquêté », sur le site Mediapart.fr
[3] « Affaire Oudéa-Castéra : Mediapart publie le rapport sur Stanislas caché par les ministres », Mediapart, 16 janvier 2024.
[4] « Le couple Oudéa-Castéra, parangon des élites françaises », Médiapart, 15 janvier 2024
[5] « Entre les lycées Stanislas et Averroès, “l’inégalité de traitement est évidente”, entretien avec Pierre Mathiot », Mediapart, 24 janvier 2024.
[6] « Une enquête ouverte sur l’établissement scolaire privé Stanislas pour injures sexistes et homophobes », Le Monde, 19 janvier 2024.
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Mayotte : feu au colonialisme français 13/11
Nouvelle étape dans la convergence Macronie-RN : pour « lutter contre l’immigration », le gouvernement veut réviser la Constitution pour supprimer le droit du sol à Mayotte. C’est une brèche évidente pour casser ce droit sur l’ensemble du territoire français. C’est aussi un énième rappel de la zone non-droits que représente Mayotte pour l’Etat français, après l’opération Wuambushu d’avril 2023 qui prévoyait 24 000 expulsions sur deux mois, dans un climat de fureur xénophobe et de violences policières.
La situation à Mayotte est dramatique, 77% des habitant.es vivent sous le seuil de pauvreté et le taux de chômage atteint les 30 %. L’archipel connaît depuis plusieurs mois une crise de l’eau sans précédent [1]. La situation de l’éducation [2] et du système de santé [3] est critique. Mais gestion coloniale oblige : le problème, ce sera l’immigration.
Mayotte française, l’histoire d’une magouille coloniale
Les sans-papiers et « l’immigration massive » dont parle Darmanin proviennent quasi exclusivement des autres îles de l’archipel des Comores, avec lequel Mayotte forme un même ensemble géographique, historique et culturel. Mayotte n’a été séparé que très récemment dans son histoire des autres îles comoriennes, passées sous protectorat français en 1886. Lors du réferendum d’autodétermination, en 1974, l’archipel a voté massivement pour l’indépendance. Au mépris du droit international, l’Etat français a alors choisi de prendre en compte le résultat île par île, et non le résultat global puis de réorganiser un référendum illégal à Mayotte étant donné que l’île avait voté contre l’indépendance à 63,22 % lors du premier. Le drapeau tricolore y a été maintenu, en dépit de l’accession à l’indépendance du reste des Comores et des protestations de l’ONU, qui reconnait dans 20 résolutions depuis 1975 la souveraineté des Comores sur l’île de Mayotte.
Cela ne va pas sans drames. La circulation entre les îles de l’archipel a toujours existé, même pour des questions familiales, mais la création d’une frontière artificielle par l’Etat français en a fait une pratique illégale. Depuis 1995 et l’instauration du « visa Balladur » restreignant la liberté de circulation, on parle d’entre 7 000 et 20 000 de morts en mer [4] sur des kwassas, bâteaux de pêche traditionnels.
Un département français d’exception
Depuis 2011, Mayotte est reconnu 101e département français, mais sans égalité des droits [5]Le monde, 27 avril 2023. Le droit du sol à Mayotte y est déjà restreint : titres de séjour spécifiques à l’île, pas d’allocation pour les demandeurs d’asile, pas de suspension de l’expulsion en cas de contestation d’Obligation de quitter le territoire français (OQTF), délai plus court pour déposer une demande d’asile, pas d’Aide médicale d’Etat, un délai de saisine du juge en centre de rétention plus de deux fois plus long qu’en métropole et enfin un harcèlement policier permis par des contrôles d’identités quasi systématiques sur toute l’île. Mais c’est également le cas dans d’autres domaines, comme le droit du travail : le temps de travail légal était fixé à 39 heures/semaine jusqu’à la grève générale de 2016, un smic inférieur au smic métropolitain, un RSA au rabais. Le droit du travail n’est appliqué que depuis 2018 mais les conventions collectives sont encore très rares. La rentrée forcée de cette île dans le système capitaliste calqué sur le modèle français sont responsables de la misère sociale qui y règne.
Les citoyen·nes mahorais·es sont considéré·es, dans le droit et dans les faits, comme des citoyen·nes de seconde zone. C’est cette législation coloniale qui a permis l’opération Wuambushu : la destruction arbitraire de « logements informels », et donc la mise à la rue de centaines de personnes.
Le symptome d’un impérialisme français à l’agonie
La puissance de l’Etat français tient par son impérialisme, celui se bat pour ne pas se voir déclasser. Chassé du Sahel notamment par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, qui annoncent vouloir sortir du franc CFA et de la mainmise française, l’Etat français colonial cherche à conserver sa présence stratégique dans l’océan Indien. La période de décolonisation ayant fait disparaître officiellement les catégories de sous-citoyen·nes ou sous-Français·es il redouble d’efforts pour contrôler les peuples colonisés sur son sol, et utilise le droit sur l’immigration et l’accès à la nationalité pour créer et maintenir une population stigmatisée et exploitée.
Faire front contre le colonialisme
Cette politique de répression et d’exception juridique appliquée à un département français ouvre une brèche pour les 100 autres. Aujourd’hui, le projet de réviser la Constitution pour supprimer le droit du sol à Mayotte représente un danger énorme. Déjà l’extrême droite surenchérit et demande la suppression du droit du sol sur l’ensemble du territoire français. Après la loi Darmanin-Le Pen sur l’immigration, la converence de la Macronie et du RN s’accélère.
En raison du préjudice historique subi par les quatre îles des Comores, puis des multiples coups d’État orchestrés par l’Etat français depuis l’indépendance du pays, qui ont contribué à son instabilité politique et économique, il n’y a pas de solution « française » à la crise à Mayotte. La liberté de circulation doit reprendre ses droits. L’archipel des Comores devrait retrouver son équilibre géographique et économique en réintégrant Mayotte. L’Etat français devrait accompagner cette rétrocession d’une aide économique de rééquilibrage, au titre des réparations. C’est en effet l’Etat français qui, par sa politique inique, a séparé les populations, puis creusé entre elles un fossé qu’il s’agit aujourd’hui de combler.
[1] Nathalie Guibert et Jérôme Talpin lemonde.fr/politique/article/2… Le monde, 20 octobre 2023
[2] unioncommunistelibertaire.org/… Alternative Libertaire, 4 janvier 2011
[3] unioncommunistelibertaire.org/… Alternative Libertaire, 11 septembre 2023
[4] lacimade.org/quelques-elements… La cimade, 17 octobre 2017
[5] Romain Geoffroy, Pierre Breteau et Manon Romain lemonde.fr/les-decodeurs/artic…
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