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Pour une contre-offensive trans IIe congrès de l’UCL (Angers, 3-5 novembre 2023)
Depuis plusieurs années, une offensive réactionnaire de grande envergure cible la population trans, en particulier aux États-Unis et au Royaume-Uni, où elle a des effets catastrophiques. Il s’agit dans ces pays, et aussi de plus en plus en France, d’une priorité stratégique pour l’extrême-droite, qui s’en sert comme d’un tremplin pour le contrôle des corps et la fascisation de la société. Nous devons y faire face en conséquence.
Cette motion réaffirme notre soutien aux luttes trans et en dresse les contours idéologiques, revendicatifs et stratégiques.
Elle clarifie notre analyse de la transidentité (ou transitude) : sur des bases matérialistes, ouvertes, en écartant les modèles réductionnistes et les stratégies mal avisées. Elle établit nos points d’accord et de désaccord avec les analyses queers, ceci dans le but de permettre une compréhension commune et donc un travail unitaire.
Enfin elle établit l’action de l’UCL sur ces sujets. D’abord au sein de nos milieux, où nous devons : former aux luttes trans et les pousser en interne aux contre-pouvoirs ; inciter à une prise de position des organisations de gauche même réformistes ; et agir à long terme et stratégiquement dans les cadres unitaires. Ensuite plus largement au sein de la société, où nous devons travailler de pair avec les organisations spécifiques pour informer, revendiquer et soutenir, y compris au-delà des frontières.
Une offensive réactionnaire à visée exterminatrice et fasciste
Aux États-Unis, on assiste depuis plusieurs années à une offensive de grande envergure pour faire reculer les droits des personnes trans ainsi que leur perception par le public. Portée par un groupe organisé de fondamentalistes chrétiens nationalistes et soutenue par le parti Républicain [1], cette offensive fait adopter depuis trois ans des lois de plus en plus réactionnaires et violentes dans de nombreux états, forçant les personnes trans et leur famille à fuir – devenant des réfugié·es dans leur propre pays – ou à se voir priver d’accès à des soins indispensables, aux démarches de changement d’état civil, au sport, voire tout bonnement à l’espace public [2].
Les promoteurs de cette offensive ne se gênent désormais plus pour révéler leurs vraies intentions. Trump annonce ainsi vouloir empêcher tout soin et toute reconnaissance aux personnes trans si réélu, tandis qu’un appel à « l’éradication du transgenrisme » reçoit une ovation à un forum conservateur [3], un an après la recommandation d’un candidat Républicain à passer les personnes trans devant un peloton d’exécution [4].
Dans un contexte de fascisation du parti Républicain, cette offensive a des conséquences catastrophiques au-delà même des principales personnes visées : elle légitime et habitue la population au contrôle des corps, en profitant d’un sujet sur lequel elle est peu informée. Elle se combine aux attaques contre le droit à l’avortement ou la communauté LGBTI dans son entièreté. Il s’agit d’une même dynamique, organisée par les mêmes groupes politique, en faveur d’un régime fasciste et théocratique.
Cette offensive n’est pas restreinte aux États-Unis : les fondamentalistes s’attellent à créer un réseau international pour y exporter leur travail. La Russie a ainsi récemment voté une des lois les plus répressives jamais observées, interdisant toute forme de transition médicale et administrative, et retirant aux personnes trans le droit de se marier ou d’avoir des enfants.
Moins radicalement mais depuis plus longtemps, le Royaume-Uni est lui aussi touché : des tabloïds, des personnalités publiques (comme J. K. Rowling), des grands médias (y compris The Guardian ou la BBC) et des politiques font tout pour attiser la haine transphobe dans le pays, si bien que les argumentaires réactionnaires et pseudo-féministes servent de cadre au « débat » de société engendré. Cette campagne porte morbidement ses fruits, par exemple avec le meurtre de Brianna Ghey en février 2023.
Côté législatif, l’avancée des droits est bloquée, le gouvernement conservateur allant jusqu’à faire annuler une loi du parlement écossais (poussée par le parti indépendantiste SNP), une première depuis son rétablissement en 1998.
Le Labour est divisé, et son chef Keir Starmer a décidé de supplanter la branche écossaise du parti travailliste pour minimiser les droits des personnes trans, en reprenant des arguments transphobes. Nous avons affaire ici à un véritable arc d’extrême-droite international, chaque parti et organisation s’inspirant les uns les autres, et reprenant et partageant le travail réalisé par chacune, d’une manière de plus en plus organisée.
En France aussi, un mouvement transphobe s’organise et s’élargit à grande vitesse, réunissant médias, personnalités, partis et organisations politiques, militant·es « techno-critiques », associations soi-disant féministes, groupes de parents plus ou moins noyautés, etc. Les paniques morales transphobes font la une [5], des figures de la transphobie et opposantes à l’interdiction des thérapies de conversion visant les personnes trans sont reçues au ministère [6] et encensées par des députés LREM [7], et les argumentaires transphobes font leur chemin y compris dans les milieux de gauche.
La situation s’est récemment accélérée avec des offensives parlementaires menées par les Républicains et le Rassemblement national, et menace de devenir aussi critique que dans les pays pré-cités si nous n’arrivons pas à y faire face.
Partout où cette offensive prend de l’ampleur, elle s’accompagne d’une explosion de la violence [8], du harcèlement en ligne [9] jusqu’aux attaques terroristes [10], qui s’étend plus largement à la population LGBTI. Une violence qui touche déjà d’ordinaire les personnes trans de manière disproportionnée, notamment les femmes [11].
Les luttes trans sont aujourd’hui un impératif. Il revient à la gauche, au sens large, de clarifier ses positions, de soutenir activement les personnes trans, et de repousser l’offensive réactionnaire partout dans le monde. Des millions de vies sont en jeu. Pour cela, une position seulement défensive ne suffira pas : il nous faut contrer frontalement la transphobie, faire évoluer la société, conquérir des droits qui font encore cruellement défaut. D’un point de vue communiste libertaire, il s’agit de faire reculer le patriarcat, d’unifier notre classe, de préparer un futur inclusif pour les personnes trans comme pour toutes les minorités.
Nos ennemis font de plus en plus de la transphobie une priorité idéologique et tactique. Nous devons nous adapter en conséquence. Nous avons besoin d’une véritable contre-offensive.
La place de l’UCL dans le mouvement trans
Rappel de nos positions
Nous « considérons la transphobie […] comme [une] manifestation du patriarcat. […] Nous combattons ces oppressions en reconnaissant la jonction et les spécificités des luttes LGBTI. » (Manifeste de l’UCL)
Au Ier congrès de l’UCL, à Fougères, nous avons détaillé et affiné nos positions féministes [12]. Sur le plan théorique, nous avons réaffirmé le caractère indissociable des luttes LGBTI et de l’antipatriarcat, et avons adopté une grille d’analyse intégrant en particulier le féminisme matérialiste, le féminisme intersectionnel et le féminisme lutte de classe.
Nous appelions à un travail pour se saisir collectivement de ces outils. En réponse à cet appel et à une nécessité de clarifier nos positions au sein du mouvement trans, le présent texte propose une analyse matérialiste plus détaillée des luttes trans.
Sur le plan pratique, le congrès de Fougères appelait à rejoindre, renforcer, soutenir voire créer des organisations LGBTI, à soutenir le travail et les systèmes d’entraide de nos camarades, à pousser l’avancée des luttes LGBTI au sein des contre-pouvoirs et notamment des syndicats, et à mettre l’accent sur la formation en notre sein.
Ce texte s’inscrit dans la continuité du travail réalisé en interne depuis 2021, notamment à travers nos décisions en Coordination Fédérale et notre validation des formations antipatriarcat et LGBTI internes.
Un mouvement trans divisé
Le mouvement militant trans, comme plus largement le mouvement LGBTI, est traversé de différences idéologiques et stratégiques. On distingue en particulier deux grilles d’analyse majeures, qui se subdivisent en une variété de positions : les modèles queers, et les modèles matérialistes.
Entre ces deux grands axes, le dialogue est très compliqué. Cela s’explique par des différences de bases théoriques, de vocabulaire et de stratégies, sources de confusion et de malentendus ; par des pratiques délétères, telles des exagérations, caricatures, logiques de camps et solidifications de conflits interpersonnels ; ainsi que par leur histoire et leurs filiations.
Sur ce dernier point en particulier, un élément de tension majeure vient du fait qu’une partie du féminisme transphobe (dénommé TERF, pour « féministes radicales excluant les personnes trans » [13]) se revendique du matérialisme. Même chose pour un ensemble de positions décriées au sein du mouvement trans, qu’on peut regrouper sous le terme de transmédicalisme.
Il nous revient donc de préciser de quel matérialisme nous nous revendiquons exactement.
Pour une analyse matérialiste non dogmatique
Le matérialisme est pour nous un outil d’analyse du réel, permettant de percevoir et d’analyser des systèmes d’exploitation et d’oppression au sein de la société. Cela implique que notre analyse doit évoluer en fonction des faits et de notre compréhension de ceux-ci. Nous devons prendre garde à ne pas essentialiser nos modèles, c’est-à-dire à les plaquer sur la réalité alors qu’ils ne paraîtraient plus adaptés ; nous devons au contraire partir de la réalité pour les élaborer.
La prise en compte des vécus trans a mené à une fracture au sein du féminisme matérialiste. Une partie du mouvement, aujourd’hui dénommé TERF, a tenté de justifier, par une analyse matérialiste, des positions transphobes et l’exclusion des femmes trans du milieu féministe. Nous affirmons que ce mouvement, qui a largement pivoté sur la transphobie comme unique axe de lutte, a au contraire essentialisé son analyse plutôt que de la mettre à jour, et est entré en contradiction avec des principes de base du matérialisme comme du féminisme de lutte.
En particulier, ce mouvement prône une origine biologique, et non sociale, de l’oppression des femmes, et insiste sur le caractère indépassable de la « socialisation primaire », c’est-à-dire des comportements inculqués dans la jeune enfance.
Au contraire, l’analyse actuelle de l’Union communiste libertaire est de considérer deux classes de sexe, « hommes » et « femmes », auxquelles est assigné chaque individu par un mécanisme social, imposé par la société. Cette assignation est censée être fixe ; en réalité elle n’a pas lieu qu’une seule fois à la naissance mais tout au long de la vie, à chaque interaction sociale, sur la base de marqueurs de genre (des éléments de l’apparence et du comportement de l’individu, de l’état civil, etc.).
Les classes de sexe permettent l’exploitation de la classe des femmes par celle des hommes, et la société patriarcale impose pour ce faire leur binarité et leur rigidité.
Les personnes trans sont opprimées spécifiquement par le patriarcat car elles contreviennent à ces principes. Le processus même de mobilité de classe – devenir des transfuges de classe de sexe – est un affront à la binarité du système, affront répété par les personnes qui refusent leur assignation à l’une des deux seules classes considérées légitimes. La transphobie est l’oppression punissant ces affronts.
Les femmes trans en particulier voient leur position sociale se dégrader dès les premières démarches de transition, et sont soumises à la transmisogynie, par intersection de la misogynie et de la transphobie. Les hommes trans sont eux soumis à des logiques d’infantilisation, afin d’un côté de leur refuser ou compliquer l’entrée dans la classe des hommes, et de l’autre côté de servir d’étendard aux « féministes » transphobes en niant leur autonomie pour les dépeindre en femmes victimes malgré eux, reprenant là encore des poncifs misogynes.
Les luttes trans font donc partie intégrante des luttes antipatriarcales, et les femmes trans font partie intégrante des luttes féministes.
Nous rejetons les positions essentialisantes. Nous analysons que la place de chaque individu dans le système d’oppression patriarcal ne dépend pas de sa biologie ou de sa socialisation passée, mais de sa position sociale présente. Nous respectons et aidons les personnes trans dans leur transition en les considérant de leur genre souhaité, peu importe leur conformité aux attentes patriarcales. Notre lutte vise à abolir ce système et ses classes de sexe, et nous agissons en cohérence avec cet objectif.
Une partie du mouvement trans, se revendiquant lui aussi souvent du matérialisme, prône que la transidentité (ou transitude) est une affection mentale, pour laquelle la transition médicale est le remède. Cette tendance milite donc généralement pour le maintien de la psychiatrisation des parcours de transition. Cette position, dénommée transmédicalisme, est plus stratégique qu’idéologique : l’idée est de présenter la transidentité d’une manière qui la rendrait plus acceptable par le système patriarcal, et par là, en théorie, de protéger les personnes trans.
Si nous sommes sensibles aux craintes et aux stratégies individuelles des personnes trans pour obtenir l’accès aux soins, nous rejetons le transmédicalisme en tant que stratégie politique. Nous jugeons en effet qu’elle ne saurait nous protéger ni du backlash réactionnaire ni du patriarcat dans son ensemble, qu’elle ne permet pas de combattre. Elle jette en particulier sous le bus toutes les personnes trans qui ne peuvent se soumettre aux injonctions du système : les personnes non-binaires, homosexuelles, bisexuelles, neurodivergentes, etc. La dépsychiatrisation est pour nous une revendication centrale des luttes trans.
Enfin, nous rejetons les positions réductionnistes, qui ne prennent pas en compte les violences psychologiques en tant que conditions matérielles. Nous constatons en particulier que le placard est une situation très difficile, et que les démarches de transition sociale (coming-outs, modifications de l’apparence et du comportement) entraînent elles aussi un réel danger pour les personnes trans, de par toutes les formes de violence que la société transphobe déchaîne en réponse. Cela se traduit par des taux de dépression et de suicide stratosphériques [14].
Pour un travail unitaire apaisé
La majorité du mouvement trans adopte des grilles d’analyse issues des théories queers. Nous avons des points d’accord mais aussi des désaccords politiques avec celles-ci, qu’il convient de clarifier pour permettre le travail commun. Mais une source de tensions courante provient aussi d’une simple différence de priorités. Quoi qu’il en soit, nous affirmons que ce qui nous unit, la conquête de droits et la fin du patriarcat, sera toujours plus fort et important que ce qui nous divise.
Les organisations trans placent une grande partie de leur énergie sur les besoins urgents et vitaux des personnes trans, à travers l’entraide et l’accompagnement – notamment pour l’accès aux soins et aux démarches administratives – ainsi qu’au soutien moral et à la création d’espaces de sociabilité, qui font cruellement défaut aux personnes trans, souvent victimes de rejet et d’isolement. Il s’agit d’un travail titanesque, qu’il nous revient de saluer et de soutenir.
Cette priorité, tout à fait logique, mise sur les besoins immédiats de la communauté trans, peut justifier un accent porté sur les individualités. Quelqu’un qui s’est vu rejetée et reniée son humanité a besoin d’entendre qu’iel est légitime. Nous rejoignons le souhait de créer une société dans laquelle tout individu peut s’épanouir sans crainte.
En tant qu’organisation politique, l’Union communiste libertaire n’a pas vocation à se substituer aux espaces d’entraide, qu’elle doit soutenir de l’extérieur. Notre objectif est de pousser la société à évoluer vers l’acceptation et l’intégration des personnes trans, jusqu’à l’élimination du système d’oppression patriarcal, combiné aux luttes féministes et LGBI. Sur ce champ d’action, nous considérons que les logiques individualisantes sont préjudiciables : nous avons besoin de créer du collectif, sur la base d’expériences partagées.
Nous souhaitons donc regrouper tout ce que cela signifie de transitionner (ou de vouloir transitionner) dans notre société patriarcale, posant ainsi le socle de nos critiques, craintes et revendications communes. Cela implique de faire vivre des contre-pouvoirs larges et démocratiques. Nous ne mettons donc pas l’accent sur des figures individuelles ou des groupes affinitaires, même si nous saluons leur travail et pouvons collaborer avec elles et eux.
Cette position n’est pas antinomique à la reconnaissance de la diversité des parcours de transition. Les avancées politiques bénéficieront à toutes, tous et toustes, peu importe les démarches effectivement entreprises par chaque individu. Ce n’est pas notre rôle de juger la « légitimité » de telle ou telle identité. Notre analyse se base sur les conditions matérielles d’existence : nous nous battons pour toutes les personnes dont les conditions matérielles sont affectées par la transphobie, comme par les autres systèmes d’oppression.
Cela signifie pour nous une démarche ouverte sur l’extérieur, qui se confronte à la société, et qui ne soit ni trop intellectualisée et abstraite ni dépourvue d’analyse théorique.
Une autre source de tension courante entre stratégies queers et matérialistes est l’utilisation du vocabulaire. Les stratégies queers, qui incluent la redéfinition des termes liés au genre dans une visée émancipatrice et de « déstabilisation » du genre, proposent que les termes d’identité et d’orientation sexuelle soient appropriés au niveau individuel : que chacun·e choisisse les étiquettes qui lui correspondent afin de se comprendre ou se trouver soi-même.
A l’UCL, notre approche prend une position de départ différente et aboutit donc à une utilisation du vocabulaire adaptée à notre grille d’analyse. Sans remettre en cause le principe d’autodétermination, nous partons de la transition comme d’un fait social, puis nous étudions les logiques d’oppression que cela engendre. Notre vocabulaire désigne donc les personnes touchées structurellement par ces oppressions, par exemple de par un parcours ou une volonté de parcours de transition (incluant les volets médicaux et administratifs mais aussi sociaux).
Ces différences d’utilisation du vocabulaire, liées à des analyses et stratégies différentes, ne constituent pas à notre avis une source pertinente d’opposition à elles seules : nous devons donc expliciter nos termes lorsque nécessaire sans s’attarder sur des guerres de dictionnaires.
Par ailleurs, nous exprimons nos réserves face à certains discours radicaux, que nous craignons d’être inaudibles par la société actuelle. Sans jamais renier nos ambitions révolutionnaires, nous préférons user de stratégie et mener une bataille de long terme, en gagnant notre légitimité auprès de notre classe et en faisant progresser la société au rythme qui nous semble atteignable.
Nous avons mis en avant ici notre démarche et nos désaccords afin de clarifier notre positionnement, non pas pour tracer une ligne avec les autres orientations politiques, mais au contraire pour permettre le travail commun avec elles en connaissance de cause. Nous devons éviter de transformer ces désaccords en conflits : par l’échange, par la recherche du consensus, par la diversité des actions. Plus que jamais, nous avons besoin d’être uni·es. Outre les différences de pratiques et de stratégies, notre objectif est le même. Le principe du travail unitaire fait partie des impératifs de notre organisation et devra toujours guider notre action.
Identifier nos ennemis et y opposer les revendications de la communauté trans
Nous dressons ici un panorama rapide des mouvances transphobes français et de leurs argumentaires. Nous devons apprendre à les réfuter, et à leur opposer la situation réelle de la population trans. Nous faisons nôtres la plupart des revendications des militantes et militants trans, que nous détaillons de manière non exhaustive dans la seconde sous-partie.
Une opposition issue de tous les courants politiques
Les acteurs propageant la transphobie en France (comme ailleurs) se réclament de tous les courants politiques.
On trouve bien sûr les partis de droite et d’extrême-droite. Ainsi Zemmour crée des groupes de « parents vigilants » qui lancent des campagnes de pression contre des établissements scolaires [15] , dans la droite ligne de la stratégie de l’extrême-droite américaine. Les Républicains aussi font leur cette stratégie contre le « wokisme », et lancent dans ce cadre une offensive médiatique [16] et parlementaire [17] très directe et violente, contre une prétendue idéologie transgenre qui menacerait les enfants.
Du côté du Rassemblement national, la ligne de Marine Le Pen, qui était stratégiquement muette ou instrumentaliste sur les droits des femmes et des personnes homosexuelles [18] – tout en dissimulant leurs réelles positions réactionnaires – laisse la place elle aussi à une ligne intégrant plus franchement la guerre culturelle poussée outre-Atlantique. Leur groupe à l’Assemblée nationale lance lui aussi une offensive législative, ciblant l’accès des personnes trans [19] au sport.
Il s’agit d’une stratégie plus fine et progressive que celle de LR, mais avec la même finalité d’oppression totale des personnes trans. Outre les partis, des groupements réactionnaires se constituent spécialement sur le sujet, le plus important d’entre eux étant l’Observatoire de la Petite Sirène, proche des milieux de La Manif Pour Tous et des Républicains, qui a son influence au ministère de l’éducation nationale et qui a tenté de porter ses arguments au sein même de la DILCRAH [20].
Les arguments de ce camp politique reprennent les poncifs habituels : « protection » des enfants voire de la civilisation, affront à l’ordre naturel ou biblique, et les sempiternels discours complotistes et antisémites. Comme développé en partie I, la lutte contre la transphobie est aujourd’hui un impératif antifasciste.
Mais dans cette lutte contre les droits des personnes trans, l’extrême-droite a du soutien. Le féminisme libéral « universaliste », tout en prétendant respecter les personnes trans, opposent leurs droits à ceux des femmes [21]. S’indignant du vocabulaire incluant les hommes trans aux questions de santé reproductive, et dénonçant le soi-disant avantage des femmes trans dans le sport, c’est à nouveau le registre de la menace planant sur la société qui est invoqué.
Moins subtilement, la question des espaces en non-mixité femmes (notamment les toilettes publiques) est invoquée pour dépeindre les femmes trans en agresseuses, reprenant le poncif classique des LGBTI comme pervers sexuels. Sur ce point et tant d’autres, ce féminisme libéral est rejoint par la frange transphobe du féminisme radical, de plus en plus poreuse avec lui, et qui insiste comme dit précédemment sur la primauté de la biologie ou de la « socialisation primaire » comme source des oppressions patriarcales.
En miroir des femmes trans agresseuses, les TERFs considèrent les hommes trans comme des lesbiennes victimes des « transactivistes », peu importe leur orientation sexuelle réelle et sur une logique d’infantilisation misogyne.
Les milieux écologistes ne sont pas épargnés. Outre les gourous naturopathes [22], on trouve des tendances transphobes du côté des mouvances techno-critiques et primitivistes, comme Pièces et main-d’œuvre (PMO) [23] et Deep Green Resistance (DGR) [24], souvent plus proches de l’écofascisme que de l’écologie de lutte. Ces groupes dépeignent les transitions de genre comme contre-nature et issues d’une idéologie transhumaniste.
Toutes ces composantes se lient et se soutiennent, au-delà des appartenances politiques affichées : la transphobie devient le dénominateur commun rassemblant des courants qui devraient pourtant s’opposer. Ainsi des figures connues sur les réseaux sociaux pour leur activisme transphobe frénétique se déclarent féministes mais répondent présentes aux invitations de médias d’extrême-droite pro-Poutine [25].
PMO cite des membres de l’Observatoire de la petite sirène (OPS), tandis que des émissions libertaires font la part belle au féminisme libéral transphobe [26]. Une ex-militante de DGR véhicule les argumentaires transphobes sur son blog et est invitée dans des podcasts pseudo-féministes tout aussi obnubilés par la question, et se faisant le relai d’Ypomoni, un collectif proche de l’OPS promouvant les thérapies de conversion et faisant pression dans les médias comme sur les médecins [27].
Ce mélange des genres démontre la réelle base commune derrière la transphobie : une idéologie réactionnaire et confusionniste.
De nombreux droits à conquérir
Face à la désinformation transphobe, nous agissons pour une meilleure information au sujet de la transidentité au sein de la société, incluant une meilleure identification et condamnation de la transphobie et des violences qu’elle engendre. Nous luttons contre les discriminations et la précarisation de la population trans.
Nous militons pour l’accès aux soins des personnes trans. Cela passe par l’arrêt des discriminations et des violences médicales, mais aussi par une meilleure formation des médecins quant à la prise en charge des personnes trans et la prescription et le suivi de leurs traitements. Nous sommes pour la dépsychiatrisation réelle et effective des parcours de transition, que ce soit au sein des pratiques médicales ou pour leur remboursement.
Nous appelons à une réelle politique de santé publique, mettant fin aux pratiques des équipes pluridisciplinaires de l’ex-SoFECT (extrêmement psychiatrisées, rigides et patriarcales), répondant correctement aux besoins des mineurs comme des adultes, et permettant la mise à disposition de traitements adaptés. Enfin, nous revendiquons une sécurité sociale renforcée, contrôlée par notre classe, au fait des besoins de la population trans, et prenant en charge la totalité des frais de santé sans nécessiter de mutuelle ni de reconnaissance d’affection longue durée (ALD). Nous combattons les logiques capitalistes à l’œuvre dans le système de santé, qui créent une médecine à plusieurs vitesses en fonction des moyens des patient·es.
Nous demandons la simplification des procédures de changement d’état civil, pour qu’elles reposent sur une seule attestation sur l’honneur. Nous sommes pour la suppression du marqueur de sexe, symbole archaïque du contrôle de l’État sur les corps et les familles, qui expose à la discrimination. A minima, nous demandons la déjudiciarisation de la procédure de modification de ce marqueur. Afin de protéger les personnes trans du fichage et des discriminations, les changements d’état civil devraient être entièrement rétroactifs.
Nous sommes pour l’accès des personnes trans à la procréation médicalement assistée (PMA), quel que soit leur état civil, orientation sexuelle ou situation de couple. Nous demandons une reconnaissance automatique des liens de parenté.
Nous appelons à que soit garanti l’accès des personnes trans aux espaces dédiés à leur genre. Cela inclut les clubs et compétitions sportives, les sanitaires, les refuges contre les violences, etc. Nous rappelons que les contraintes mises sur le corps des femmes, y compris, soi-disant, au nom de leur propre sécurité, font courir dangers et discriminations non seulement aux femmes trans mais aussi aux femmes cis, en particulier LBTI [28] et racisées [29].
Stratégie pour une contre-offensive trans
Faire progresser les lignes dans nos milieux
Il est indispensable que la gauche, au sens large, et les contre-pouvoirs prennent position clairement en faveur des luttes trans. Comme on le constate à l’international, une gauche divisée, hésitante ou peu formée offre un boulevard aux pires discours, jusqu’à la persécution de la population trans.
Cela passe en premier lieu par une meilleure compréhension des réalités trans au sein des contre-pouvoirs. Les adhérents et adhérentes de l’Union communiste libertaire doivent être motrices dans les initiatives de formation et d’information au sein des contre-pouvoirs qu’iels investissent. Iels seront aidé·es en cela par les formations internes et par le matériel conçu par la commission antipatriarcat.
L’avancée de ces causes dans les syndicats revêt une importance particulière. De la même manière que pour les luttes féministes, antiracistes ou antivalidistes, les syndicats doivent être en mesure d’accompagner les personnes trans, victimes de fortes discriminations à l’emploi et sur les lieux de travail, et par là de s’imposer comme un outil pertinent à investir pour celles-ci. En tant que lieux d’organisation des prolétaires, ils ont le potentiel d’unir notre classe par la convergence des luttes, incluant donc les luttes trans ; un potentiel que nous devons chercher à réaliser.
Au-delà de nos contre-pouvoirs, nous devons travailler à faire progresser les luttes trans dans l’ensemble de la gauche, et à y faire reculer la transphobie. Cela inclut les partis réformistes disposant d’une large audience dans la population, dont nous ne devons pas sous-estimer le rôle. Il convient de les inviter à nos initiatives sur ce sujet et d’ouvrir un dialogue avec eux aux échelles locales et fédérales, sur la même logique et pour les mêmes raisons que concernant l’antifascisme.
Dans les cadres inter-orgas, notamment féministes, nous faisons de la mise en minorité des positions transphobes l’une de nos priorités. Pour ce faire, nous devons nous doter d’une stratégie de long terme, qui ne relève ni de positions de posture inefficaces ni d’une passivité désemparée.
L’UCL est attentive aux situations où la question des luttes trans semblent provoquer une gêne, ou sont mises de côté car jugées à part du mouvement féministe. Nous devons dialoguer avec, convaincre et accompagner les organisations qui seraient frileuses sur ces questions par manque de formation ou par crainte du conflit. Nous devons gagner en légitimité et en soutiens au sein de ces cadres si l’on souhaite pousser notre vision d’un antipatriarcat clair et unifié.
Lorsque cela est acquis, nous devons être force de proposition pour que les questions trans soient prises en compte et que les oppositions soient mises explicitement en minorité. Les organisations transphobes doivent être conduites hors de nos espaces.
Lorsque nous ne sommes pas présent·es dans un cadre unitaire féministe large et ayant une audience importante, nous tâchons de le rejoindre tant que l’essentiel de ses positions publiques est aligné avec les nôtres, y compris si des organisations réticentes aux luttes trans y sont représentées. L’idée est qu’il sera plus efficace, à notre échelle, d’y mener une lutte interne au côté des organisations soutenant les causes trans plutôt que de les boycotter.
De même, le choix de signer ou non des communiqués venant de cadres où l’on est à ce moment absent·es doit prendre en compte les perspectives possibles de s’y investir et d’y faire bouger les lignes dans le sens des luttes trans. En cas de signature de textes ne prenant pas en compte les perspectives trans alors que cela serait pertinent, nous ajoutons un encart sur le sujet dans notre propre communication.
En revanche, lorsqu’un cadre unitaire nous semble contrôlé ou bloqué par des organisations transphobes, nous impulsons la création d’un cadre concurrent. Cette décision doit se reposer avant tout sur un critère d’efficacité. Elle ne peut se faire sans allié·es et implique de travailler au long terme à la construction de la légitimité de ce nouveau cadre.
Soutenir les luttes trans, au quotidien et à long terme
L’Union communiste libertaire vient en appui aux associations, organisations et contre-pouvoirs trans. Nous proposons notre aide à leurs initiatives, dans le cadre de nos positions politiques. Nous participons lorsque souhaité à la formation de leurs militant·es et à leur défense collective. Nous travaillons avec eux sur des communiqués et événements, les mettons en lien avec nos réseaux et contre-pouvoirs, les convions à nos espaces ouverts. Nous associons les organisations trans aux cadres communs de lutte contre le fascisme et l’extrême-droite.
Nous usons de nos outils de communication pour former et informer la société le plus largement possible. Nous développons les perspectives des luttes trans dans nos productions à chaque fois que cela est pertinent. Nous investissons chaque année la marche de l’ExisTransInter : par exemple par une production de matériel politique, par la tenue de réunions publiques autant que possible en lien avec les organisations trans, par du soutien logistique et/ou financier.
Nous encourageons l’essaimage de cette manifestation dans nos localités. Nous soutenons la population trans au-delà de nos frontières, particulièrement dans les pays où elle le plus en position de danger et de précarité, et dans ceux où elle est directement attaquée par les offensives réactionnaires. Nous réalisons ce soutien à travers nos réseaux internationalistes, que nous devons développer à travers cet axe, et aussi de manière directe lorsque pertinent : soutien aux réfugié·es, actions devant les ambassades, etc.
Sans prendre la place des organisations spécifiques et dans l’esprit d’auto-détermination des luttes, nous encourageons la création de contre-pouvoirs et de cadres unitaires autour des luttes trans et de la défense contre les mouvances transphobes.
En somme, l’Union communiste libertaire met ses forces au service des luttes trans, en conjonction avec ses autres combats. Elle dénonce les argumentaires transphobes portés dans la sphère publique, y compris quand leurs promoteurs se réclament de la gauche ou du féminisme. Elle est attentive aux attaques réactionnaires : lorsque les ennemis de notre camp social font de la transphobie leur priorité stratégique, nous redoublons de moyens pour les contrer sur ce champ, de la même manière que pour les autres axes politiques. Nous rejoignons pleinement l’effort pour une véritable contre-offensive trans.
[1] Erin Reed, « 2600 Leaked Anti-trans Lobbyist Emails Show Fundamentalism, Not Evidence, Is How First Anti-Trans Bills Were Drafted », 10 mars 2023.
[2] « 2023 Anti-Trans Bills : Trans Legislation Tracker », consulté le 25 mars 2023.
[3] Peter Wade et Patrick Reis, « CPAC Speaker Calls for Eradication of “Transgenderism” — and Somehow Claims He’s Not Calling for Elimination of Transgender People », Rolling Stone, 6 mars 2023.
[4] Paul Blest, « Mississippi Republican Says Trans Rights Supporters Should Face a Firing Squad », Vice, 29 mars 2022.
[5] « Le Planning familial critiqué pour une affiche avec un homme transgenre enceint, la ministre Isabelle Rome apporte son soutien à l’association », Le Monde, 22 août 2022.
[6] Matthias Lecourbe, « Des militantes TERFs reçues par Schiappa : renforçons la lutte contre la transphobie », Révolution Permanente, 6 décembre 2021.
[7] Pauline Machado, « “Il faut réagir” : quand des députées Renaissance valident la transphobie », Terrafemina, 31 août 2022.
[8] Paolo Zialcita, « Colorado Politicians Have Promoted Anti-LGBTQ Rhetoric and Policies — from Local School Boards to Congress — That Escalate Violence, Experts and Advocates Say », Colorado Public Radio, 22 novembre 2022.
[9] Ali Breland, « The Website That Wants You to Kill Yourself—and Won’t Die », Mother Jones, mars 2023.
[10] « Fusillade dans une boîte gay aux États-Unis, 5 morts », Têtu, 20 novembre 2022.
[11] Sophie Boutboul, Anne-Laure Pineau, et Rouguyata Sall, « Féminicides politiques : l’acharnement à tuer les femmes trans », Mediapart, 31 mars 2023.
[12] Union communiste libertaire, « Motion de la commission antipatriarcat » (Ier Congrès de l’UCL, Fougères, 29 août 2021).
[13] Trans Exclusionary Radical Feminists
[14] Penelope Strauss et al., « Trans Pathways : The Mental Health Experiences and Care Pathways of Trans Young People » (Telethon Kids Institute, Perth, Australia, 2017).
[15] Robin Korda et Ariane Riou, « “Parents vigilants” : comment Éric Zemmour veut embraser l’école », Le Parisien, 15 décembre 2022.
[16] Mika Alison, « Pourquoi les conservateurs français s’intéressent-ils tant aux enfants trans ? », XY Media, 14 décembre 2021.
[17] Jacqueline Eustache-Brinio, « Proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle et l’identité de genre d’une personne, première lecture au Sénat, amendement n°3 déposé sur le texte n°239 de la commission des lois », Pub. L. No. 2022‑92 (2021).
[18] Clément Parrot, « Le Front national est-il vraiment devenu “gay friendly” ? », FranceTVinfo, 12 mars 2017.
[19] Nina Jackowski, « Le Rassemblement national va lancer une association pour lutter contre le wokisme », Journal du dimanche, 24 mars 2023.
[20] Rozenn Le Carboulec, « Mineurs trans : des groupuscules conservateurs passent à l’offensive », Mediapart, 17 mai 2022.
[21] Chiennes de garde et Zéromacho, « Le Manifeste du Front féministe », 8 mars 2022.
[22] Pauline Bock, « Planning familial : les anti-trans, “cautions progressistes” des réacs », Arrêt sur images, 5 septembre 2022.
[23] Collectif Stop Masculinisme, « Le coming-out masculiniste de Pièces et main d’œuvre », Indymedia Grenoble, 31 janvier 2015.
[24] Savannah, « I’m Not A Gender Zombie and Neither Are You : Rejecting Anti-Trans Bigotry From Rachel Ivey and Deep Green Resistance », Autostraddle, 20 mai 2013.
[25] Pauline Bock, « Fausse journaliste : le “piège” du film Omerta sur les trans », Arrêt sur images, 16 novembre 2022.
[26] « Jamila et Caroline Granier, Remue Méninges Féministe », Remue Méninges Féministe (Radio Libertaire 89.4, 15 novembre 2022).
[27] Collectif d’action et de recherche sur la transphobie et l’extrême droite (C·A·R·T·E), « Transphobie : de la confusion au risque fasciste », février 2023.
[28] Jasmine Andersson, « Butch Lesbian Opens up about “increasing Harassment” She Faces When Using the Public Toilets », INews, 19 janvier 2021.
[29] Daniel Villarreal, « Two more cis Black women banned from Olympics for their natural testosterone levels », LGBTQ Nation, 2 juillet 2021.
Pour une contre-offensive trans – UCL - Union communiste libertaire
Une motion qui réaffirme le soutien de l'UCL aux luttes trans et en dresse les contours idéologiques, revendicatifs et stratégiques.UCL - Union communiste libertaire
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Kurdistan : la solution est politique !
Une nouvelle année commence. Et elle commence sous de sales couleurs au Kurdistan : tandis que l’État turc continue de bombarder le Kurdistan syrien dans le plus grand silence international, le Kurdistan turc crie justice du fond des prisons. Depuis le 27 novembre 2023, une grève de la faim collective mobilise des milliers de captifs dans une centaine d’établissements pénitentiaires.
Ils réclament, une fois de plus, la libération d’Abdullah Öcalan, cofondateur du PKK incarcéré depuis 1999 et soumis à l’isolement le plus total. C’est qu’Öcalan, comme Nelson Mandela en son temps – lui aussi qualifié de « terroriste » par le régime d’apartheid –, est le seul à pouvoir mettre un terme à la « question kurde » en Turquie.
Voilà des décennies que le leader autonomiste appelle à une solution négociée, juste et pacifique. Les armes, répète-t-il, seront alors rendues par le biais d’une médiation internationale. Des pourparlers de paix avaient été entrepris en 2013, avant d’être foulés aux pieds par Erdogan deux ans plus tard, faux défenseur des Palestiniens et vrai oppresseur des minorités vivant sous son contrôle.
Les prisonniers kurdes appellent à la solidarité internationale. Leur voix doit, partout, être entendue ; leur voix doit, partout, être relayée. Les pays occidentaux entretiennent des relations économiques et militaires avec l’État turc, éminent membre de l’Otan. Chaque citoyen a son mot à dire sur la politique étrangère de son propre gouvernement. Chaque parole engage. Chaque silence aussi.
Depuis le mois de décembre 2023, Selahattin Demirtas, cofondateur de la principale formation de la gauche démocratique en Turquie, le HDP, plaide sa cause face aux juges. Arrêté en 2016, il risque jusqu’à 142 ans de prison. Demirtas déclare aujourd’hui : « Nous appelons une paix honorable, un environnement paisible où les Turcs, les Kurdes, les Alévis et les sunnites vivraient librement. (…) L’État turc nous juge à des fins racistes et nationalistes, simplement parce que nous sommes kurdes. Nous sommes jugés parce que nous ne nous soumettons pas à l’idéologie et aux thèses racistes turques. Le Kurdistan est notre patrie et nous sommes jugés pour avoir dit : ”Vous ne pouvez pas occuper le Kurdistan, vous ne pouvez pas le détruire.” Dans cette salle, on veut condamner la réalité kurde en notre personne. »
L’ancienne députée HDP Sebahat Tuncel, elle aussi détenue depuis 2016, ajoute : « Il y a l’option de la fraternité, de l’amitié et de la coexistence à travers la promotion de la vie. » Mais cette option, le pouvoir turc, allié au mouvement ouvertement fasciste MHP, la rejette systématiquement.
Or on le sait : les conflits n’ont de solution que politique. La répression, la discrimination, les massacres, les emprisonnements ne durent jamais éternellement. Aussitôt qu’un peuple est assujetti, il résiste : l’Histoire en jure. Les opprimés ont résisté en Inde, au Vietnam, en Algérie, en Afrique du Sud : ils ont fini par recouvrer leur liberté. Un jour viendra celle du peuple kurde. Pour l’heure, celui-ci promeut la démocratie face à l’autocratie et au nationalisme guerrier. Soutenons-le depuis notre sol. Ne laissons pas les prisonniers dans l’ombre.
Écoutons Abdullah Öcalan. Écoutons Selahattin Demirtas. Écoutons Sebahat Tuncel. Écoutons l’ancienne maire et militante féministe Ayse Gökkan, arrêtée à quelque 80 reprises et détenue depuis 2021. Écoutons l’ancienne coprésidente du HDP Figen Yüksekdag, incarcérée en 2016. Écoutons l’ancienne maire Gültan Kisanak, torturée dans les années 1980 et incarcérée en 2016.
Écoutons la chanteuse Nûdem Durak, condamnée à dix-neuf ans de prison pour avoir défendu les droits et la culture de son peuple par son art. Écoutons le chanteur Erkan Beli, torturé et condamné à la détention à perpétuité. Écoutons la journaliste Dicle Müftüoglu, coprésidente de l’association des journalistes Dicle Firat Gazeteciler Dernegi (DFG), emprisonnée depuis mai 2023.
Écoutons le journaliste Ziya Ataman, de l’agence Dicle Haber Ajansi (Diha), désireux que « (leur) situation en prison soit connue du public ». Écoutons Nedime Yaklav, qui, bien qu’ayant purgé sa peine de plus de trente ans, demeure emprisonnée. Écoutons Mustafa Murat Perisan, lui aussi otage depuis plus de trente ans et maintenu en détention au motif qu’il refuse de signer une déposition de « remords ». Écoutons Selver Yildirim et Abdulalim Kaya, gardés en détention en dépit de maladies lourdes.
La liste serait sans fin. Écoutons, oui. Et, comme citoyens français, exigeons : l’arrêt des partenariats commerciaux et de la collaboration militaire avec l’État turc ; le retrait du PKK de la liste des « organisations terroristes » ; la fin de la coopération policière et judiciaire, via Interpol, avec l’État turc ; la levée du secret-défense dans l’affaire du triple féminicide kurde de janvier 2013, à Paris.
Signataires
Nadège Abomangoli, députée FI Arié Alimi, avocat, auteur et membre de la LDH Hakim Amokrane, chanteur, cofondateur de Zebda Mustapha Amokrane, chanteur, cofondateur de Zebda Joseph Andras, écrivain Ludivine Bantigny, historienne Miguel Benasayag, philosophe et psychanalyste Olivier Besancenot, ancien candidat du NPA à l’élection présidentielle Rachida Brakni, actrice et cinéaste Rony Brauman, médecin et essayiste Éric Cantona, acteur, chanteur et ancien footballeur Carmen Castillo, cinéaste Patrick Chamoiseau, écrivain Laurence Cohen, sénatrice honoraire PCF Éric Coquerel, député FI Leyla Dakhli, historienne Hendrik Davi, député FI Alice Diop, cinéaste Sébastien Delogu, député FI Rokhaya Diallo, autrice et réalisatrice Éric Fassin, sociologue Elsa Faucillon, députée PCF Robert Guédiguian, cinéaste Nadia Yala Kisukidi, philosophe Anouche Kunth, historienne Adèle Haenel, actrice Kaoutar Harchi, écrivaine et sociologue Andy Kerbrat, député FI Pierre Laurent, sénateur honoraire PCF et ancien vice-président du Sénat Jean-Paul Lecoq, député PCF et conseiller municipal Frédéric Lordon, philosophe et économiste Michael Löwy, sociologue Maryam Madjidi, écrivaine Chowra Makaremi, anthropologue et réalisatrice Carlos Martens Bilongo, député FI Edgar Morin, sociologue et philosophe Aline Pailler, journaliste Ernest Pignon-Ernest, artiste plasticien Philippe Poutou, ancien candidat du NPA à l’élection présidentielle Anne Querrien, sociologue, urbaniste et codirectrice de Multitudes Rocé, rappeur Pinar Selek, sociologue et écrivaine Danielle Simonnet, députée FI Pierre Tevanian, philosophe Ana Tijoux, rappeuse et chanteuse Laetitia Tura, réalisatrice Françoise Vergès, politologue et essayiste Gisèle Vienne, metteuse en scène et chorégraphe Abdourahman Waberi, écrivain Malik Zidi, acteur et écrivain.
COLLECTIFS
Assemblée féministe transnationale, Association France-Kurdistan, Cases rebelles, Conseil démocratique kurde en France, Dispac’h, Féministes révolutionnaires Paris, Gauche écosocialiste, la Grenade, collectif féministe, Lesbiennes contre le patriarcat, l’Offensive, Peps (écologie populaire et sociale), réseau internationaliste Serhildan, Tsedek !, Union communiste libertaire, union syndicale Solidaires, Wana (West Asia-North Africa).
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#ClassStruggle #Solidarity #MutualAid
#ClassUnity #ClassPride #ClassWar
#AnarchyInTheUk #LibertarianCommunism #Libcom #EatTheRich
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Ne nous trompons pas de colère (édito)
La colère gronde. Après un mouvement social d’une ampleur inédite depuis plusieurs décennies, autour de la question de la réforme des retraites, qui a marqué les six premiers mois de l’année 2023. Après les nombreuses manifestations contre les projets écocides, et en premier lieu à Notre-Dame-des-Landes. Après les révoltes urbaines à la suite du énième meurtre commis par un policier sur un jeune des quartiers populaires. En ce début d’année 2024, ce sont les travailleurs et travailleuses de la terre qui se révoltent.
Deux salles, deux ambiances. Tandis que d’un côté, le pouvoir a envoyé la Brav-M et ses autres sbires mâter les rebelles, ici le pouvoir dit entendre la souffrance et, comme l’a dit Darmanin, « On ne répond pas à la souffrance avec des CRS » ajoutant, tout de même, « ce sont des patriotes ». Derrière la colère de celles et ceux qui ne peuvent vivre décemment de leur travail, on trouve les mêmes causes : la casse des savoir-faire professionnels au profit de l’automatisation et de l’uniformisation dans une optique de concurrence internationale. Le solutionnisme technologique et chimique n’est pas une voie viable pour les agriculteur·ices et n’est pas socialement et écologiquement souhaitable. Et comme toujours, la recherche de bouc-émissaires n’est qu’une stratégie de diversion. Ici, ce sont les écolo ; ailleurs, ce sont les migrant·es. Ce qui met à mal le revenu d’une majorité d’exploitant·es agricoles ce sont les politiques mises en œuvre, main dans la main, par le trio FNSEA / État / Agrobusiness. Pourtant, un modèle existe, celui d’une agriculture paysanne. Et aussi des voies de convergences entre les luttes : elles avaient été tracées, notamment par Bernard Lambert dès 1970, dans Les paysans dans la lutte des classes.
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Février 1934 : De la tentative réactionnaire de coup d’État au sursaut antifasciste
Le 6 février 1934, en pleine crise économique et politique, les ligues d’extrême droite, profitant de la grogne sociale et d’un antiparlementarisme diffus, organisent une manifestation le jour où l’Assemblée nationale doit voter sa confiance en le nouveau gouvernement conduit par Édouard Daladier. En janvier, l’affaire Stavisky, scandale politico-financier auquel sont mêlés plusieurs parlementaires, fut l’occasion d’un regain de xénophobie et d’antisémitisme sous couvert d’antiparlementarisme. Le limogeage le 3 février du préfet Chiappe, proche de l’extrême droite, fut l’étincelle qu’attendaient les ligues pour entrer en action.
« Le Jour où la République a vacillé [1] » : que s’est-il passé le soir du 6 février 1934 ? Comment qualifier ces événements : tentative fasciste de coup d’État, coup de force réactionnaire contre le pouvoir de gauche ou expression confuse d’une exaspération sociale ? Le 6 février 1934, c’est un peu tout ça à la fois. C’est aussi le début d’un sursaut des forces de gauche qui, divisées depuis 1921, vont converger sur le plan syndical et politique pour aboutir à la victoire du Front populaire en 1936 et aux longues grèves qui s’ensuivent, lesquelles imposent au patronat des reculs historiques.
En février 1934, la France vit une triple crise. Une crise économique d’abord : les effets de la crise de 1929 se font fortement ressentir ; les prix augmentent ainsi que le nombre de chômeurs. La « classe moyenne » n’est pas épargnée et la colère sociale est diffuse. Une crise politique ensuite. Si un nouveau cartel des gauches a remporté la victoire lors des élections législatives de 1932, la SFIO (Parti socialiste – Section française de l’Internationale ouvrière) refuse l’alliance avec les radicaux et le centre droit qui gouvernent seuls. Les gouvernements se succèdent, toujours instables. Les forces de droite, notamment extra-parlementaires, n’acceptent pas cette assemblée « de gauche ».
Enfin, une crise du modèle républicain. La population tarde, plus de quinze ans après la fin de la guerre, à retrouver un niveau de vie auquel elle aspire. Sorti « considérablement affaibli de la Première Guerre mondiale », le régime parlementaire auquel est associée la République est « mis en accusation » [2]. Le pouvoir du Parlement est remis en question et certains avancent l’idée d’une réforme constitutionnelle qui mettrait sur pied un pouvoir fort, qui verrait un homme gouverner en lien direct avec le « Peuple » [3]. Les scandales politico-financiers sont l’occasion pour la presse d’extrême droite de déverser son discours réactionnaire et xénophobe sous fond d’antiparlementarisme. Ce discours est largement relayé par les ligues d’extrême droite et les associations d’anciens combattants alors très influentes.
Aux origines du 6 février
Se situant hors du jeu politique partitaire, les ligues et associations d’anciens combattants constituent des forces politiques très à droite [4] qui regroupent pour certaines plusieurs centaines de milliers d’adhérents. Parmi les associations, la très nationaliste Union nationale des combattants (UNC), compte 900 000 membres [5], tandis que les ultranationalistes Croix de feu du colonel de La Rocque regroupent quelques dizaines de milliers de membres.
De leur côté, les ligues sont divisées entre différents courants de l’extrême droite. On y retrouve les royalistes, ultranationalistes et antisémites de l’Action française (et leur bras armé, les Camelots du Roi), des nationalistes telles les Jeunesses patriotes et des ligues d’inspiration proprement fascistes : les Comités de défense paysanne, le Francisme et Solidarité française [6]. Si des ligues sont bien d’inspiration fasciste, elles ne sont ni les plus importantes en nombre, ni à l’origine des événements du 6 février.
À l’origine de la manifestation, plusieurs éléments dont deux ont particulièrement mis le feu aux poudres : l’affaire Stavisky et le limogeage du préfet Chiappe. L’affaire Stavisky, qui éclate en janvier 1934, est une affaire politico-judiciaire sur fond d’escroquerie à laquelle sont mêlés plusieurs parlementaires. Le principal intéressé, Alexandre Stavinsky, est né en Russie dans une famille juive : il est une cible de choix pour la presse réactionnaire sous fond d’antiparlementarisme et d’antisémitisme [7].
Le scandale politique qui s’ensuit amène à la chute du deuxième gouvernement du radical Camille Chautemps. Un autre radical, Édouard Daladier, est appelé à former un nouveau gouvernement. Trois jours après sa prise de fonction, le président du Conseil limoge le préfet de police Jean Chiappe, proche des monarchistes de l’Action française. Ce limogeage est perçu par l’extrême droite comme une provocation à laquelle elle entend répondre.
L’extrême droite à l’affut
Craignant des troubles, le gouvernement fait dépêcher des renforts de police, de gardes républicains et de pelotons mobiles de gendarmerie dans Paris. Des grilles d’arbres et des pavés sont enlevés tandis qu’au petit matin sont placardées, sur les murs de la capitale, des affiches appelant le « Peuple de Paris » à manifester. De son côté, L’Action française titre « Contre tous les voleurs, contre le régime abject TOUS, CE SOIR, DEVANT LA CHAMBRE » [8]. L’ambiance est électrique. Durant l’après-midi, les troupes sont déployées dans les lieux stratégiques notamment aux abords de l’Assemblée nationale. Ordre leur est donné de tenir le pont de la Concorde : les manifestant·es ne doivent pas franchir la Seine et accéder à la Chambre des députés.
Si des départs de cortèges des différentes organisations sont prévus un peu partout dès la fin d’après-midi, une foule s’amasse en ordre dispersé sur la place de la Concorde. Très vite, des premiers heurts éclatent avec les « forces de l’ordre ». À 18 h, la nuit tombée, d’autres affrontements ont lieu du côté des Halles : véhicules brûlés, magasins pillés. Le bruit court que ce sont des communistes, qui entendent ne pas laisser la rue et la colère à l’extrême droite, qui s’activent. Pendant ce temps, sur la place de la Concorde, les affrontements continuent. Un autobus est incendié. Pour disperser la foule, des coups de feu sont tirés. Un garde républicain est touché par un projectile au cours d’une charge : un premier mort, ce ne sera pas le dernier. La situation échappe à tout contrôle.
Convergeant vers le Palais Bourbon, les ligues se mettent en route. Sur le boulevard Saint-Germain, ce sont les Camelots du Roi de l’Action française. Depuis l’Opéra, les membres de Solidarité française dont le mot d’ordre est « La France aux Français ». Quant aux Jeunesses patriotes, elles partent de l’Hôtel de Ville. Réuni avec ses troupes sur l’esplanade du Trocadéro, le colonel de La Roque, voyant la situation dégénérer, ordonne à ses troupes de se disperser. Son objectif est d’empêcher Daladier d’obtenir l’investiture des parlementaires, en restant toutefois dans la légalité. L’objectif de l’Action française, tel que rappelé par le président de la Ligue d’Action française, l’amiral Antoine Schwerer, est clair : « Notre but, c’est de flanquer la République par terre », par tous les moyens, « Tous. Même légaux ! » [9].
Sur la place de la Concorde, la situation est insurrectionnelle. Malgré les assauts de la police, les manifestants essuient des jets de projectiles. Des coups de feu sont tirés par des manifestants, les forces de police répliquent, plusieurs manifestants sont touchés, des militants nationalistes tombent. Vers 21 h, le cortège de l’UNC, fort de plus de 20 000 personnes, se dirige vers la Madeleine (soit à l’opposé donc de la Chambre des députés). En cours de chemin, il se scinde en deux : une partie se dirige vers l’Élysée. La zone est interdite : la charge est violente, les blessés nombreux.
À 23 h, des barricades se montent sur la place de la Concorde. Nouvelle charge des forces de police : des coups de feu éclatent, huit morts. Le lendemain, l’armée est déployée dans la capitale, les manifestations sont interdites. Daladier présente sa démission au président Albert Lebrun. Gaston Doumergue est appelé à former un gouvernement d’union nationale, entre les radicaux et la droite. Celui-ci, guère plus stable que nombre de ses prédécesseurs, ne durera que neuf mois. Il verra l’entrée au gouvernement de Philippe Pétain en tant que ministre de la Guerre et, en octobre, de Pierre Laval aux Affaires étrangères…
Un tournant politique ?
Quelles furent les réactions à gauche le 6 et les jours suivants ? Cette journée du 6 février sonne comme un avertissement pour les forces de gauches, politiques et syndicales : « Le choc cumulé des événements de l’année 1933 et du 6 février 1934 ravive, au sein du camp républicain de gauche, les lointains souvenirs de la République en danger. Un front unique antifasciste émerge » [10]. Plus encore que l’ampleur des manifestations, la démission de Daladier est une mauvaise surprise pour le camp progressiste [11].
Le PCF, qui prend la mesure de l’échec de la mobilisation de l’Arac le 6 au soir – qui n’a réussi à rassembler que 3 000 personnes –, n’entend plus laisser la rue aux ligues. Il appelle « les ouvriers socialistes et communistes » [12] à une manifestation le 8 février avec un double mot d’ordre : « À bas la dictature sanglante du capital ! Vive le gouvernement ouvrier et paysan ! ». Là encore, la répression est sanglante avec quatre morts, tous adhérents au PCF. Malgré les déviances réciproques des instances dirigeantes, des militantes et militants socialistes ont rejoint le cortège communiste et, des deux côtés, on en appelle au « front unique à la base ».
La réaction du camp progressiste se fait dans un premier temps en ordre dispersé mais rapidement les mots d’ordre convergent vers un appel à manifester le lundi 12 janvier. C’est un appel à la grève générale par la CGT (proche de la SFIO) dès le 8 février dans Le Populaire, relayé le lendemain dans L’Humanité. La CGTU (proche du PCF) appelle également à la réussite de cette manifestation [13]. Le mot d’ordre reprend les mots prononcés dès le 6 février au soir au sein de l’hémicycle par Léon Blum : « La réaction fasciste ne passera pas » [14]. À Paris, deux cortèges, l’un socialiste et l’autre communiste, sont initialement prévus. Mais ils fusionnent, les militants communistes se joignant spontanément au cortège socialiste aux cris de « Unité ! Unité ! » [15].
L’union à la base
Partout en France, des cortèges, la plupart unitaires, rassemblent plusieurs centaines de milliers de manifestantes et manifestants. À ce propos, l’historien Antoine Prost souligne qu’il « apparaît alors que les communistes ont, localement, réalisé l’unité d’action avec les socialistes contre la menace “fasciste” avant même que le Komintern et les instances nationales du parti l’aient décidé » [16]. Il y voit « l’acte de naissance du Front populaire ». Au total, c’est près d’un million de personnes qui manifeste ce jour-là.
Une dynamique est enclenchée : elle voit s’accélérer le processus de réunification des deux confédérations, la CGT et la CGTU. En juin 1934, la CGTU avance « des propositions d’unité d’action à la confédération CGT » [17]. La réunification se réalise moins de deux ans plus tard, au congrès de Toulouse en mars 1936. Sur le plan politique, socialistes et communistes entament un rapprochement, même si la méfiance est toujours de mise. De nombreuses initiatives unitaires antifascistes prennent forme et aboutissent le 27 juillet 1934 : PCF et SFIO signent un « pacte d’unité d’action », dit « pacte d’unité d’action antifasciste », qui ouvre la voie au Front populaire.
David (UCL Savoies)
[1] Le jour où la République a vacillé : 6 février 1934 est le titre d’un documentaire réalisé par Cédric Gruat en 2020.
[2] Serge Berstein, Le 6 février 1934, Paris, Gallimard/Julliard, 1975, p. 30.
[3] André Tardieu, La Réforme de l’État, Paris, Flammarion, 1934.
[4] À l’exception de l’Association républicaine des anciens combattants (Arac), proche du PCF, qui appelle également à manifester le 6 février.
[5] Serge Berstein, op. cit., p. 53.
[6] C’est à l’initiative de travaux d’historiens étrangers, et notamment l’étasunien Robert Paxton et l’israélien Zeev Sternhell, qu’à partir des années 1970 la thèse de l’immunité française face au fascisme a été remise en question. Depuis lors, un débat historiographique oppose des chercheurs sur la caractérisation de ces ligues ainsi que des Croix de feu comme relevant ou non du fascisme. Dans la lignée des travaux de René Rémond sur les droites en France, des historiens tels que Serge Berstein, Pierre Milza ou Michel Winock continuent d’affirmer qu’il n’y eu pas de fascisme en France ou que celui-ci fut très marginal. Cette thèse est battue en brèche plusieurs historiens et politologues étrangers tels que Zeev Sternhell, Ernst Nolte ou Robert Soucy.
[7] Dès le 7 janvier, L’Action française, « l’organe du nationalisme intégral », titre « À bas les voleurs ». Le 9 janvier, l’Action française organise une manifestation et, un mois durant, ses troupes, notamment les Camelots du Roi, et ses militants étudiants maintiennent la pression.
[8] L’Action française du 6 février 1934.
[9] Rapport général fait au nom de la commission d’enquête chargée de rechercher les causes et les origines des événements du 6 février 1934, cité par Serge Berstein, op. cit., p. 69-70.
[10] Jean Vigreux, Le front populaire 1934-1938, Paris, PUF, 2011, p. 7.
[11] Danielle Tartakowsky parle de « capitulation de Daladier » ; Danielle Tartakowsky, « Archives communistes : Février 1934 – Juin 1934 », Cahiers d’histoire de l’institut de recherches marxistes, n° 18, Juillet-Septembre 1984, p. 31.
[12] Ibid., p. 32.
[13] Ibid., p. 33.
[14] Gilles Vergnon, L’antifascisme en France. De Mussolini à Le Pen, Rennes, PUR, 2009, p. 43.
[15] Serge Berstein, La France des années trente, Paris, Armand Colin, 1988, p. 105.
[16] Antoine Prost, Autour du Front populaire. Aspects du mouvement social au XXe siècle, Paris, Seuil, 2006, p. 43.
[17] Gérard Coste, « 1921-1936 : de la scission à la réunification », Les Utopiques, n° 5, juin 2017, p. 127.
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Le dernier #Jackdaw (12p) est téléchargeable avec des articles sur les guerres ; la lutte des universités ; le coût de la vie et donc l’#inflation ; les luttes de locataires ; la pseudo alternance Labour/Tories ; l’urgence climatique, le #greenwashing et la lutte du prolétariat italien…
#AnarchistCommunistGroup #AnarchyInTheUK
anarchistcommunism.org/wp-cont…
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Répression : Procès du « 8 décembre », toutes et tous terroristes ?
En octobre dernier se tenait le procès des « inculpé·es du 8 décembre » sous le chef d’accusation d’association de malfaiteur terroriste. Il s’agit du premier procès pour terrorisme visant la gauche depuis 2012. Les vides du dossier ont abouti à des condamnations basées davantage sur les idées des prévenu·es que sur leurs actes, posant la question : toute critique radicale de l’État et de la police est-elle terroriste aux yeux des juges ?
À l’aube du 8 décembre 2020, la DGSI et le RAID arrêtent neuf personnes à Rennes, Toulouse, Vitry-sur-Seine et Cubjac. Sur le coup celles et ceux que l’on finira par désigner comme les inculpé·es du 8 décembre ne comprennent pas ce qui leur tombe dessus, réveillé·es en pleine nuit par la police antiterroriste qui défonce leurs portes et les braque avec des fusils d’assaut. À l’issue des gardes à vue, sept personnes sont mises en examen pour « association de malfaiteurs en vue de commettre des actes terroristes ». Cinq d’entre elles sont placées en détention provisoire sous le statut de détenus particulièrement signalés (DPS), dans des conditions particulièrement difficiles.
En février 2022, Florian D., appelé Libre Flot, entame une grève de la faim. Il est alors le dernier inculpé encore en détention provisoire, maintenu à l’isolement depuis plus d’un an. Après 37 jours de grève, le juge d’instruction acceptera finalement sa demande de remise en liberté sous contrôle judiciaire pour raisons médicales, son état de santé devenant critique [1]. En parallèle, l’État est condamné en juillet 2023 pour les fouilles à nu subies de façon systématique pendant sa détention par Camille, seule femme prévenue dans l’affaire [2]. Dès l’instruction, le message est clair : la notion de présomption d’innocence ne s’applique pas aux détenu·es lambda, à plus forte raison à celles et ceux à qui l’on a collé l’étiquette de terroristes.
Après trois ans de procédure leur procès s’est ouvert le 3 octobre et aura duré quatre semaines. Dès le premier jour la présidente du tribunal donne le ton, se disant prête à faire « la police de l’audience », prévenant qu’elle n’hésitera pas à exclure des personnes du public où de nombreux soutiens sont présents. Les audiences seront souvent marquées par des rires devant les absurdités du dossier, comme lorsqu’un document présenté comme une carte des Champs Elysées le 14 juillet se révèle en fait être un mème, ou quand des sons au sein d’un enregistrement audio présentés comme des tirs de fusil automatique s’avèrent en fait être les chocs d’une cuillère sur un bol [3].
Construction policière
Au fil du procès, il apparaît de plus en plus évident que le dossier a été construit pour coller à une narration pré-établie par la DGSI. Celle-ci présente Libre Flot comme un « leader » ayant cherché à constituer un groupe autour de lui en vu de commettre des attentats. Le principal élément qui lui est reproché : un séjour au Rojava en 2018 pendant lequel il a combattu Daesh au coté des YPG. Les enquêteurs y voient le signe d’une radicalisation.
L’accusation va s’appuyer pour l’essentiel sur la saisie de quelques armes de chasse, non déclarées pour certaines, et surtout sur un séjour en Dordogne au milieu du premier confinement sanitaire pendant lequel certain·es inculpé·es ont pris part à des parties d’airsoft et fabriqué des explosifs artisanaux. Le parquet national anti-terroriste (Pnat) y voit un entraînement para-militaire. Pour la défense, il s’agit simplement d’un groupe d’amis trompant l’ennui pendant le confinement. Les rares documents disponibles vont dans ce sens, montrant une ambiance amicale et alcoolisée. Dans les sept mois suivant de surveillance policière il n’y aura plus d’occurrence des activités incriminées.
Surtout, si les documents sont rares, c’est par la volonté de la DGSI et grâce au soutien du tribunal. Sur les plus de 11 000 séquences audio enregistrées seules 86 sont retranscrites et versées au dossier. Des images vidéo provenant d’une caméra installée par les renseignements pendant le séjour disparaissent du dossier, à cause d’une « erreur non intentionnelle d’un opérateur » d’après la DGSI. Tout laisse deviner une sélection d’éléments à charge, quand ils ne sont pas directement fabriqués, comme certains enregistrements dont l’écoute à l’audience révélera un contenu bien différent de leurs transcriptions. Devant toutes les questions soulevées par l’enquête la défense a voulu citer comme témoins deux agents de la DGSI l’ayant élaboré. Ils ont tous les deux refusé de comparaître, avec le soutien de la présidente du tribunal qui aurait put les y contraindre mais a refusé de le faire.
Une grande partie des interrogatoires vont finalement tourner autour des opinions politiques des inculpé·es. On interroge la lecture de Kropotkine et Blanqui. On questionne les inculpé·es sur leurs tatouages ou leur alimentation. On utilise chaque élément de surveillance, relevant des phrases dites sous le coup de la colère, ou alcoolisé au milieu de la nuit, comme des éléments à charge. L’utilisation d’outils comme Signal ou Tor est aussi pointée du doigt, le simple fait de protéger sa vie privée devenant un motif de suspicion terroriste [4].
Prison ferme pour une suspicion d’intention
Après un mois d’attente, le délibéré a été rendu le 22 décembre. Tou·tes les inculpé·es sont déclaré·es coupables et condamné·es à des peines allant de 5 à 2 ans de prison et à une inscription au FIJAIT (voir encadré) pour six d’entre eux.
Dans la brève motivation donnée à l’audience la présidente déclare que si il n’y a pas « la preuve d’un projet abouti », elle considère que les inculpé·es en avaient « l’intention ». On arrive là à l’aboutissement du fantasme policier d’une justice d’anticipation : on ne condamne plus les actes, on ne condamne plus les projets d’acte, non, on n’hésite plus à condamner à de la prison ferme sur la seul base de l’hypothèse d’une intention. En d’autres termes, on acte la possibilité de condamner toute personne jugée un peu trop proche d’une idéologie révolutionnaire, à plus forte raison si celle-ci critique l’État et la police.
Six des inculpé·es ont annoncé faire appel. Face à un combat judiciaire qui s’annonce long, il sera important de continuer à les soutenir face à la violence de la justice anti-terroriste pour éviter que leur condamnation ne soit qu’une étape de plus dans l’escalade de la criminalisation des opinions et engagements politiques révolutionnaires, anticapitalistes, anarchistes et internationalistes.
N. Bartosek
[1] « Après 37 jours de grève de la faim, le militant détenu en isolement Libre Flot a été libéré », 7 avril 2022, sur Basta.media.
[2] « L’État condamné pour des fouilles à nu illégales pendant une détention provisoire pour “terrorisme d’ultragauche” », 11 juillet 2023, sur Streetpress.com.
[3] « Procès de “l’ultragauche” : “On était des débilos qui s’amusaient à faire des gros pétards” », 12 octobre 2023, sur Mediapart.fr.
[4] « Affaire du “8décembre” : le droit au chiffrement et à la vie privée en procès », le 2 octobre 2023, sur Laquadrature.net.
Pour soutenir les inculpé·es :
soutien812.blackblogs.org
soutienauxinculpeesdu8decembre.noblogs.org
solidaritytodecember8.wordpress.com (soutiens internationaux)
Le FIJAIT, fiché hess
Le fichier des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT) fait parti de l’arsenal de mesures sécuritaires introduites par la « loi renseignement » de 2015, adoptée par le gouvernement Valls dans le contexte des attentats de la même année.
Outre un fichage des personnes condamnées, le FIJAIT impose aussi des obligations légales, sous peine d’une sanction pouvant aller jusqu’à 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende : obligation de pointer tous les 3 mois en commissariat pour justifier de son domicile, déclaration obligatoire de tout changement d’adresse et de tout déplacement à l’étranger au moins 15 jours avant le départ. Ces obligations sont imposées pour 10 ans, un délai suspendu pendant une éventuelle peine de prison : le délai ne commence à courir qu’à la sortie d’incarcération.
Initialement présenté comme un outil de lutte contre le terrorisme islamiste, portant le sous-entendu raciste qu’il ne concernerait que la minorité musulmane, l’application du FIJAIT a évidement été rapidement élargie. La « loi séparatisme » de 2021 va étendre son application aux condamnations pour provocation aux actes de terrorisme et leur apologie. Sur les sept inculpé·es du 8 décembre, six ont été condamnés à une inscription au FIJAIT, malgré une « absence de projet » reconnue par le tribunal.
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#AlternativeLibertaire février n°346 est en kiosque
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Lire Grégory Chambat : Quand l’extrême droite rêve de faire école : Une bataille culturelle et sociale
L’école est une véritable obsession pour l’extrême droite, c’est ce que nous démontre Grégory Chambat qui nous propose un tour d’horizon des attaques de l’extrême droite contre l’école. Pour combattre l’extrême droite sur ce terrain, il est nécessaire d’en connaître les méfaits mais cela ne suffit pas. L’auteur nous engage à reprendre le combat pédagogique pour une école véritablement émancipatrice.
Dans ce court, mais dense, ouvrage, Grégory Chambat, enseignant et militant syndical, coanimateur la revue et de site Questions de classe(s), est l’auteur de plusieurs ouvrages : sur l’extrême droite à l’école, L’école des reac-publicains (Libertalia, 2016) ; sur les résistance à l’école caserne : L’école des barricades (Libertalia, 2014), Apprendre à désobéir, petite histoire de l’école qui résiste (avec Laurence Biberfeld, Libertalia, nouvelle édition 2021) et Pédagogie et révolution. Questions de classes et relecture pédagogique (Libertalia, nouvelle édition 2015).
Autant dire que l’auteur maîtrise son sujet ! Comme un prolongement de L’école des réac-publicains, Grégory Chambat, revient ici sur une obsession souvent minorée de l’extrême droite : l’école. En effet l’extrême droite rêve de « faire école », au double sens du terme (quand on voit comment la droite et la macronie se sont évertuées à faire entrer dans une seule loi sur l’immigration toutes les ignominies de l’extrême droite on se dit que la première partie de ce programme est déjà en bonne voie de réalisation).
Une obsession permanente des extrêmes droites
Pour comprendre « l’intérêt jamais démenti » de l’extrême droite pour l’école il faut, nous dit Grégory Chambat, « revenir sur son histoire et ses combats pour une école de la soumission et de la ségrégation scolaire ». Si l’école est une cible privilégiée de l’extrême droite c’est parce qu’au fil des siècles l’institution scolaire « s’est érigée en garant de l’ordre établi ».
Ainsi l’histoire de cette institution de puis la Révolution est celle d’un champ de luttes entre des rares aspirations émancipatrices (souvent du côté des instituteurs et institutrices) et des volontés de conserver et légitimer un ordre social établi. C’est non seulement le rêve des réactionnaires mais également celui de républicains tels que Lamartine ou Jules Ferry. Dans cette histoire, une constante : faire de l’institution scolaire la responsable de la perte de grandeur de la France.
Le laboratoire vichyste
C’est bien évidemment sous Vichy que s’est mis en oeuvre le « programme scolaire » de l’extrême droite. Il est à noter que les instituteurs, institutrices et les professeur·es furent les premières victimes des lois de Vichy (avant même que soit déclaré l’état français !). S’ensuivit une attention toute particulière aux questions scolaires, l’école devant être le fer de lance de la « Révolution nationale » portée par Pétain.
C’est d’ailleurs encore sur l’école que s’est reconstruite l’idéologie de l’extrême droite contemporaine autour du Grece (Groupement de recherche et d’étude pour la civilisation européenne) et de sa revue théorique Nouvelle école.
Une éducation identitaire
La (longue) liste des responsables de la baisse du niveau scolaire, vu de l’extrême droite, donne à voir, en creux, ce que serait une éducation à sa botte. Dans la liste des fautifs et fautives, que nous restitue Grégory Chambat on y trouve : les immigré·es, les pédagogues, les sociologues, les historien·nes , mai 68, les syndicalistes, les woke, les féministes, les pauvres, les handicapé·es, les déviant·es, les inadapté·es ! Ce qui constitue « une forme de reconnaissance de la pertinence du combat de toutes celles et tious ceux qui ne se satisfont pas de l’école telle qu’elle est et luttent pour un système éducatif émancipateur dans une société égalitaire » conclut l’auteur.
Rappelant que cette école de l’extrême droite existe déjà dans de nombreux pays, Grégory Chambat conclut en nous proposant des pistes pour construire la riposte. Ce combat sera, selon lui, à la fois syndical, social, pédagogique, historique, collectif et culturel. Un salutaire livre de combat à partager largement dans les salles de profs et au-delà !
David (UCL Savoies)
Grégory Chambat, Quand l’extrême droite rêve de faire école : Une bataille culturelle et sociale, Éditions du Croquant, 130 pages, 10 euros.
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Manif demain 15h Pl. de la Liberté à #Tours contre la #LoiImmigration : abrogation immédiate et sans conditions, fermeture des #CentresDeRetentionAdministrative, régularisation de tout·es les #SansPapiers !
#UneSeuleClasseOuvriere #NoBorders #NoNations #StopDeportations
Le 3 février, contre la Loi immigration on lâche rien !
Les fortes mobilisations des 14 et 21 janvier 2024 contre la loi immigration, loi raciste et xénophobe, ont permis de faire connaître au grand public un certain nombre de dispositions parmi les plus nauséabondes et retirées par ailleurs par le Conseil Constitutionnel.
Ce qui en reste demeure l’une des pires loi anti-immigrés. Non seulement elle les précarise davantage mais de plus elle favorise le dumping social entre tous les travailleur/ses.
Elle facilitera grandement les conditions d’expulsions, sans respect des droits fondamentaux, rendra plus précaire l’accueil des réfugié.es et plus difficile les conditions de vie, pas seulement pour les sans-papiers, mais pour l’ensemble des personnes d’origine étrangère.
Nous dénonçons l’ouverture de nouveaux « Camps » de rétention administratif (CRA), qui sont des lieux d’enfermement et de privation de liberté pour des familles avant l’expulsion, comme celui qui vient d’ouvrir à Olivet (45).
En conséquence nous appelons à une nouvelle mobilisation le samedi 3 février à 15 h place de la Liberté à Tours pour l’abrogation de la Loi Immigration.
Contre le racisme, la xénophobie et pour défendre une politique migratoire d’accueil et de solidarité, pour une véritable égalité des droits humains et des papiers pour tous·tes.
Notre collectif s’inscrit dans les mobilisations unitaires nationales initiées depuis le 14 janvier jusqu’à l’abrogation de cette loi scélérate.
Collectif Interorga unitaire contre la Loi immigration.
Signataires :
Associations et collectifs : Action Féministes Tours, AMMI-Val d'Amboise, ATTAC 37, Chrétien Migrants, CIMADE37, Collectif des Intermittent•es et Précaires d'Indre-et-Loire - CIP37, Collectif Notre Santé en Danger 37, Collectif Pas d’Enfants à la Rue, Convergence Services Publics 37, Dernière Rénovation Tours, Emmaüs 100 pour 1, Extinction Rébellion, FEUTRE, ICEM - Pédagogie Freinet 37, Le CAT, LISTE, Organisation de Solidarité Trans Tours, Réseau Féministe 37, RESF 37, La Retirada 37, LDH 37, Le collectif des sports et loisirs pour les migrants chinonais, Les Soulèvements De La Terre Touraine, Naya, Stop Harcèlement De Rue Tours, La Table de Jeanne Marie, Tours Antifa, Utopia 56, Le Mouvement de la Paix.
Syndicats : FSE, SET, SOLIDAIRES 37, Solidaires étudiant.es, USL 37, UD CGT 37.
Organisations politiques : C'est au Tour(s) du Peuple - CATDP, Les Ecologistes 37, GES37, Les Jeunes Ecologistes 37, Les Jeunes Insoumis·es 37, Jeunes Socialistes Touraine, LFI37, MJCF37, NPA37, Parti des Travailleurs 37, PCF 37, PCOF37, Parti de Gauche 37 - PG37, POI37, PS37, UCL37.
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Argentine : Dès maintenant, enrayer la tronçonneuse
L’accession au pouvoir de Javier Milei va considérablement aggraver la situation sociale d’une Argentine déjà à bout de souffle. Les premières annonces plantent le décor : suppression de postes dans le public, augmentation des prix de l’énergie et des transports (+900 %), inflation brutale et licenciements annoncés... Contrairement à ce qu’il affichait dans ses discours, ce n’est donc pas « la caste politique » mais bien les pauvres qui vont devoir payer. La question se pose alors : comment va-t-il tenir ?
Il ne faut pas commettre l’erreur de penser que Javier Milei est un nouveau Trump. Ce n’est pas un fasciste au sens classique, mais un vrai libertarien. Son objectif n’est pas de renforcer l’État, mais de l’affaiblir en vue d’une société plus autoritaire, certes, mais dévouée aux profits et aux lois du marché. Pas moins de neuf ministères ont été supprimés, regroupant tout ce qui concerne le secteur public dans deux super-ministères fourre-tout, tandis que quatre des ministères restant seront dédiés à la sécurité et à la justice.
Sur le plan économique, on pourrait rapprocher le programme de La Libertad Avanza (LLA) de celui de Trump, mais l’Argentine a plus à perdre que les USA. Même si le pays vit une situation sociale et économique catastrophique et que les services publics souffrent énormément, ces derniers existent encore et représentent l’un des ultimes remparts dans cette situation extrêmement fragile. On imagine bien que Milei ne pourra pas supprimer d’un coup l’ensemble du système public, mais il s’attaquera à son démantèlement par tous les moyens.
En matière de privatisation, il a déjà annoncé ses premiers objectifs : YPF (le pétrole) et Aerolíneas Argentinas (l’aviation civile), deux secteurs stratégiques.
Côté social, le ministère dédié aux droits des femmes et des minorités a été supprimé et le droit à l’avortement est remis en question. La rhétorique antiféministe de Milei ou de sa vice-présidente, Victoria Villaruel, catholique intégriste, laisse également présager de graves attaques contre la communauté LGBTI.
Dans les jours suivant l’élection, on a d’ailleurs pu observer la détérioration de plaques commémoratives, des agressions homophobes et la dégradation d’un bar LGBTI.
Victoria Villaruel, plus fasciste que libérale
Villarruel représente la face sécuritaire et nostalgique de la dictature de LLA. Ses opinions et ses antécédents familiaux soulèvent des préoccupations quant à son influence sur la politique argentine. Sa position de vice-présidente lui confère le poste clé de présidente du Congrès (l’assemblée nationale), une place de choix qui la met au centre de l’échiquier politique. Fille de militaire et négationniste, elle conteste le chiffre des 30 000 disparu·es de la dictature, revendiquant un chiffre moindre d’environ 8 000, et défend la théorie dite des « Deux démons » selon laquelle les crimes commis pendant la dictature étaient une réponse proportionnée au « terrorisme de gauche », et ce pour justifier les crimes et les tortures à l’encontre des opposant·es.
Elle mobilise les éléments les plus dangereux de l’électorat de LLA et est à bien des égards sa facette fascisante. C’est ce que montrent divers posts sur les réseaux sociaux tel que celui d’un tiktokeur d’extrême-droite qui a menacé plusieurs représentants du mouvement social en déclarant au sujet des futures mobilisations : « portez des gilets, car de notre côté, les balles ne seront pas en caoutchouc ».
Cependant, il est nécessaire de prendre du recul sur quelques points. Le vote en faveur de Milei a largement bénéficié du ras-le-bol général de la population face à des années d’inflation et de dévaluation, qui ont culminé en une année 2023 record : 145 % d’inflation et 40 % de la population sous le seuil de pauvreté.
Désaveux en perspective
Il y a donc une attente de la part de son électorat qui espère voir ses promesses se concrétiser, notamment celle de la dollarisation, l’un des arguments majeurs de sa campagne. De notre point de vue, il est certain que tout ne fera qu’empirer pour celles et ceux qui se trouvent déjà dans des situations intolérables. Les multinationales ont commencé à profiter de l’occasion en augmentant les prix de leurs produits jusqu’à +100 %, arguant une future dérégulation du marché. Le mécontentement d’une partie de son électorat risque donc de se manifester rapidement, et il n’est pas impossible de voir un embrasement général.
Mais une explosion sociale ne sera pas sans danger. Les menaces émanant des secteurs les plus réactionnaires de la société sont à prendre au sérieux. Et l’envie des militaires et de la police, ayant voté à environ 90 % pour Milei, d’en découdre avec le mouvement social est évidente. Les politiciens de droite et d’extrême-droite n’hésitent pas à encourager leurs partisans à descendre dans les rues pour empêcher par la force les futures mobilisations.
Il faut donc espérer, d’une part, que Milei ne pourra pas mettre trop vite en place certaines de ses mesures.
N’ayant pas la majorité à l’Assemblée, c’est probable. Et d’autre part, qu’une grande partie de son électorat, déçu, fera rapidement volte-face. Notre camp s’organise déjà pour faire face et n’a pas l’intention de baisser les bras. Mais un fort soutien internationaliste sera crucial, notamment pour faire face aux attaques contre le droit à l’avortement.
L’Argentine a pour elle une longue histoire de résistance et une société fortement politisée. Les organisations sociales sont capables d’instaurer un rapport de force, notamment le secteur piquetero [1] qui, même s’il est déjà dans le viseur, est capable d’organiser une riposte, se liant avec toutes les organisations défendant les droits humains et les secteurs syndicaux combatifs tel que les deux CTA (Centrale des travailleurs d’Argentine). Tout n’est donc pas joué d’avance.
Bast (Commission Internationale)
[1] Mouvement de travailleurs « sans emploi » dont les actions prennent souvent la forme de coupage de route au moyen de piquetes (barrages). Voir le dossier Argentine d’Alternative libertaire n°142 – juillet-août 2005.
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Syndicalisme étudiant : Le renouveau ou l’impasse ?
Le syndicalisme étudiant est aujourd’hui en pleine recomposition. Ces dernières années ont en effet vu la création de nouveaux syndicats, dont une majorité se réclamant du syndicalisme de lutte. Malgré cela les étudiant·es n’ont pas été une force fortement impliquée dans les mobilisations du mouvement social contre la réforme des retraites. Dès lors, cette recomposition montre-t-elle les faiblesses du militantisme étudiant ou est-elle annonciatrice d’une nouvelle dynamique ?
Un retour récurrent de la dernière mobilisation contre la réforme des retraites est le faible niveau d’investissement des étudiant·es. Bien que l’intersyndicale ait réalisée des chiffres records de mobilisation depuis 1995, sa contrepartie étudiante n’a pas su montrer un même niveau d’unité ni de mobilisation. Pourtant, depuis 2019 ce n’est pas les syndicats étudiants qui manquent : avant 2019 il y en avait deux (SESL et l’UNEF) en 2023 il y en a cinq !
Ces différentes organisations présentent plusieurs approches du militantisme étudiant qui se distinguent. D’abord, l’Union Étudiante (UE) se place dans la continuité réformiste de l’UNEF. La FSE, aussi issue de l’UNEF, incarne une ligne d’avantage idéologisée et revendiquée communiste. Les CGT-SELA montrent une certaine dynamique mais cette structure souffre de divisions en interne menant à l’existence de deux entités nationales : la CN-SELA et l’UN-SELA.
Enfin, Solidaires Étudiant-e-s, (SESL) peine à se renouveler depuis 2013. Porteuse du syndicalisme autogestionnaire et rattaché à l’Union Syndicale Solidaires, SESL incarnait un syndicalisme de lutte face à la vieille UNEF. Mais aujourd’hui SESL semble ne plus arriver à suivre les nouveaux enjeux du syndicalisme étudiant.
Solidaires Étudiant-e-s dépassé
Née de la fusion de SUD étudiant et de la première FSE, SESL n’a depuis pas réussit à s’accaparer une victoire d’ampleur. Alors que son prédécesseur SUD étudiant avait réussi à sortir son épingle du jeu en 2006 lors de la mobilisation contre la loi LRU en étant les derniers à ce mobiliser jusqu’au bout. SESL est depuis en manque de victoire et ce malgré sa participation à plusieurs mouvements sociaux étudiant. Cela peut s’expliquer par une incapacité de SESL de se doter d’une stratégie commune en pleine mobilisation, menant à devoir naviguer à vue et laissant les syndicats locaux s’organiser de leur côté.
De plus, il existe un profond problème de formation au sein de SESL, que ce soit les nouveaux et nouvelles militant·es qui ne suivent pas toujours de cycle de formation de base ou les secrétaires fédéraux/locaux qui n’ont pas besoin d’avoir suivi de formation adéquats pour prendre des responsabilités. Créant de nombreux et nombreuses primo-militant·es à SESL, ce qui s’explique, entre autres, par le fort turn-over que connaît le syndicalisme étudiant, qui mène à la montée de prise de responsabilité trop rapidement, mais également par le manque de politique de formation fédérales forte.
Toujours à la recherche d’une identitée propre
Ce manque entraîne une confusion sur ce qu’est le rôle de SESL, beaucoup s’y investissent comme si elles et ils étaient dans une organisation politique et non dans un syndicat. Solidaires étudiant-e-s con-naît également une division politique interne que l’on pourrait illustrer dans un clivage « Autonomiste vs Fédéraliste ». Les deux s’opposent sur la nature du fédéralisme de SESL, les « autonomistes » défendent son décentralisme et l’autonomie des syndicats locaux. Alors que les « fédéralistes » souhaitent plus de centralisme et faire de la fédération l’entité principale de SESL.
Cette opposition née d’un repli localiste que connaît un certain nombre de syndicats SESL se désintéressant des affaires fédérales, cette dérive ne fait qu’amplifier les problèmes structurants de la fédération tout en ne cherchant pas à les résoudre. En effet, le fonctionnement actuel de la fédération demande une participation active des syndicats en son sein et s’en éloigner entraîne un blocage structurel qui ne permet pas de résoudre ce clivage. Face à ce constat, Solidaires étudiant-e-s ne pourra sortir de cette crise que par la victoire d’une de ces lignes sur l’autre.
Une recomposition du milieu militant étudiant
Le paysage étudiant est désormais le suivant : un pôle réformiste rangé sous la bannière de l’UE, produit de la fusion de l’Alternative et des tendances réformistes de l’UNEF et un pôle de lutte divisé entre SESL, la FSE, l’UNEF-TACLE et les CGT-SELA. Néanmoins, ces différences sont complètements invisibles, rendant la multiplication des syndicats sur les universités absurdes aux yeux des étudiants, qui ne comprennent pas l’intérêt ou la différence entre chaque.
En l’absence de réelles victoires, au vu des méthodes limitées permises par le syndicalisme étudiant, les syndicats étudiants sont de plus en plus vus comme des associations de jeunes politisé∙es de gauche et non comme des structures d’entraide, d’organisation pour les étudiants face à la fac. Pour l’année scolaire 2022-2023, année de mobilisation pour la jeunesse, SESL revendiquait… 500 syndiqués (soit 0,05% des étudiant·es). SESL est ainsi plus proche d’une organisation groupusculaire que d’un syndicat. La première préoccupation du syndicalisme étudiant doit être sa massification.
Le syndicalisme étudiant est face à un triple enjeu : la transformation profonde de l’ESR et du profil étudiant avec la libéralisation de l’ESR ; la fragmentation des organisations par le militantisme libéral, et le manque d’organisation de la jeunesse dans des cadres syndicaux.
Certaines organisations semblent prendre la mesure de ces enjeux et entame des processus d’unification comme la FSE et l’UN-SELA. D’autres, comme l’UE, prennent le pari du réformisme et embrasse la dynamique du militantisme individuel. Timoré et tiraillé entre ces deux tendances SESL et à un croisement historique de son développement. SESL doit être en capacité de se réformer pour éviter les dérives localistes et promouvoir une attitude unificatrice des forces syndicales plutôt qu’une attitude sectaire et libérale et ne pas se confondre avec une simple organisation de jeunesse. Elle doit se concentrer sur la massification et les enjeux politiques touchant les étudiants pour créer une conscience « de classe » parmi ces derniers afin de pouvoir répondre efficacement en tant que syndicat sur nos lieux d’études.
Léora (UCL Nantes), Akhane (UCL Amiens) et Lou G. (UCL Grenoble) de la Commission jeunesse de l’UCL
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Face à l’urgence écologique : Pas de COP28, sortons du capitalisme
Du 30 novembre au 12 décembre 2023 s’est tenue la 28e Conférence des Parties (COP28) à Dubaï. Deux semaines de discussions qui, sans surprise, n’ont été ni engageantes, ni concluantes pour apporter des solutions concrètes au dérèglement climatique causé par les activités industrielles. Pour lutter contre le réchauffement de la planète, la seule solution possible c’est de sortir du capitalisme.
Chaque année, avec le dérèglement climatique, des nouveaux records sont atteints : record de l’année la plus chaude jamais enregistrée, record d’émissions de CO2, record de températures atteintes... Aujourd’hui, ce sont des millions de personnes qui en subissent les effets et ce nombre ne va cesser de croître au fur et à mesure que l’impact se déploiera partout sur la Terre. Le GIEC rappelle que chaque hausse de température de 0,1°C entraîne le décès d’au moins 100 millions de personnes.
L’augmentation de la chaleur rend les conditions de vie et de travail insoutenables et est l’une des sources de l’insécurité alimentaire et de l’augmentation de la fréquence de phénomènes météorologiques extrêmes et meurtriers ainsi que de la diffusion accélérée de maladies. Face à cela, les gouvernements enchaînent les COP les unes après les autres, affirmant chercher des accords pour limiter le désastre écologique. Mais une fois encore, la COP28 s’est montrée incapable de proposer des solutions réelles et s’est pliée et alignée aux exigences des lobbys d’énergies fossiles.
COP28, au service des énergies fossiles
Dès le choix de Sultan Al Jaber comme président de la COP28, PDG du groupe pétrolier émiratie ADNOC et ministre de l’industrie, le peu d’intérêt accordé à la sortie des énergies fossiles était clair. Surtout, lorsqu’on voit les positions qu’il a prises. En effet, selon lui, il n’y aurait pas de preuves scientifiques indiquant qu’une sortie des énergies fossiles permettrait de limiter l’augmentation des températures mondiales à 1,5°C et sans énergies fossiles, on retournerait à l’époque des hommes des « cavernes » [1]. Ce sont ces positions qui sont sorties victorieuses puisque, dans le document consensuel final, il n’est pas question de sortir des énergies fossiles, mais seulement de leur réduction, et de limitation des forages.
Ce n’est qu’un petit pas, rien d’ambitieux ni d’engageant, et c’est bien, là, le résultat des pressions des pays pétroliers sur les négociations pour ne pas cibler les énergies fossiles [2]. Pour ne pas froisser l’industrie pétrolière, les pistes de solutions envisagées résident dans des innovations technologiques qui n’existent pas encore... Le capitalisme vert a de beaux jours devant lui : deux jours après la COP28, Total Énergies a annoncé signer un nouveau permis d’exploration au Suriname pour développer un projet pétrolier produisant 200 000 barils par jours [3].
L’urgence d’un nouveau modèle de société
Par essence, capitalisme et écologie ne fonctionnent pas de paire, la preuve en est avec cette COP qui est celle ayant réuni le plus de lobbyistes des énergies fossiles (six représentants Total Énergies accrédités par la France !). Le capitalisme, c’est la concentration des ressources par une minorité privilégiée, qui cherche à toujours en accumuler plus pour s’enrichir davantage en y implantant des activités industrielles néfastes pour l’environnement.
Il est vital de diffuser massivement un projet de société anticapitaliste où cette minorité ne dicte plus la façon dont les activités économiques, agricoles, énergétiques s’implantent mais les personnes qui vivent et travaillent sur ces terres. Elles seront plus à-même de gérer les ressources pour répondre aux besoins de la société. La lutte pour préserver l’environnement est aussi internationaliste ! Soyons solidaires des peuples qui vivent déforestations et accaparements des ressources au profit d’entreprises occidentales, comme le projet Total en Ouganda dénoncé par de nombreuses associations comme Human Rights Watch.
Elsa (UCL Grenoble)
[1] Carrington, Damian et Stockton, Ben, « Cop28 president says there is ‘no science’ behind demands for phase-out of fossil fuels », The Guardian, 3 décembre 2023.
[2] Le secrétaire général de l’OPEP a demandé à ses membres de pas signer les documents ciblant les énergies fossiles, comme le rappelle Mickaël Correia, « COP28 : un accord en deçà de l’urgence climatique », Mediapart, 13 décembre 2023.
[3] « Crise climatique : TotalEnergies signe un nouveau permis d’exploration offshore au Suriname, deux jours après la fin de la COP28 », France Info, 16 décembre 2023.
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Lois racistes : la mobilisation populaire est notre rempart, pas la Constitution 28/01
Ce 25 janvier, le Conseil constitutionnel a censuré 32 des 86 mesures de la loi Darmanin-RN. Tant mieux. Mais il serait extrêmement dangereux de croire qu’un tel « bouclier juridique » peut contenir durablement la furie nationaliste montante. La mobilisation populaire est notre rempart, pas la Constitution.
Tout ceci n’est que manœuvre politique. Il faut se rappeler que le président lui même, dépassé par sa droite, avait saisi en dernier recours le Conseil constitutionnel, afin de se dédouaner d’avoir passé une des pires lois depuis des décennies en terme de répression et de racisme. Le Conseil constitutionnel a donc joué le rôle de garde-fou en retirant le pire de la loi, mais rien n’est terminé. Les motifs de censure par le Conseil reposent sur la forme et non sur le fond. Ils ne sont pas rejetés comme étant non conformes à la Constitution et rien n’empêcherait que ces même mesures d’un racisme hideux ne soient repris dans un autre texte de loi.
Parmi les mesures racistes restantes :
– la déchéance de nationalité pour les Français binationaux coupables de meurtre sur personne dépositaire de l’autorité publique ;
– la non-délivrance ou le non-renouvellement du titre de séjour en cas de « non respect des principes de la république » ;
– la fin de la collégialité des jugements de demande d’asile ;
– l’exclusion des enfants d’origine étrangère de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) faisant l’objet d’une OQTF à leur majorité.
Cette loi, dans ses différentes versions, marque un tournant certain, de fascisation de notre société, d’un président prêt à inscrire la préférence nationale et la déchéance de nationalité en s’alliant avec le RN, d’une radicalisation du gouvernement vers l’extrême droite et d’un racisme immonde qui se déverse sur les plateaux télé, pour parler d’« antisémitisme couscous », de la manière dont devraient s’habiller les lycéennes, ou encore la justification des morts sous les coups de la police.
L’impunité du policier responsable du viol de Théo s’ajoute au spectacle. Face à cela, la mobilisation politique n’aura pas amené autant de monde qu’impliquerait la gravité de cette loi.
Il est pourtant crucial de ne pas s’installer dans l’idée démobilisante que le Conseil constitutionnel est un « filet de sécurité » qui sera toujours là pour bloquer la dérive autoritaire d’un futur gouvernement nationaliste. Un cadre constitutionnel peut être brisé ; une partie de la police et de l’armée, dont les velléités putschistes sont connues, ne demandent que cela.
La mobilisation populaire, solidaire, massive, est le meilleur rempart pour les en dissuader.
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25 novembre 2023 à Paris : La question palestinienne percute le féminisme
Ce 25 novembre, des manifestations se tenaient partout en France contre les violences faites aux femmes, parfois de manière unitaire, et parfois dans un climat de divisions. À Paris, la manifestation a été représentative de ces divisions qui marquent parfois le mouvement féministe, sur lesquelles se sont ajoutées, cette année, des différences d’appréhension de la violences faites aux femmes en Palestine et Israël.
La manifestation parisienne du 25 novembre cette année a été marquée par l’attention particulière portée sur les souffrances subies par les femmes palestiniennes, mais également par des dissensions de plusieurs natures.
Le cortège, massif et regroupant près de 50000 manifestant·es, disposait de 3 pôles : le premier, les organisations et collectifs féministes, était le plus fourni et insistait notamment sur les violences subies par les enfants et adolescent·es trans, le second était en soutien à la Palestine, venu à l’appel d’Urgence Palestine, et le troisième regroupait les syndicats et organisations politiques.
Bien que toutes présentes au sein d’une même manifestation, les différentes organisations ont peiné à travailler de concert en amont. En effet, des divisions entre NousToutes, des syndicats et d’autres associations furent à déplorer, et ont conduit à des appels séparés entre NousToutes et le mouvement syndical. Ce manque d’unification du cortège montre également que le travail de jonction entre le féminisme, l’anti-impérialisme et le soutien à la cause palestinienne reste à faire pour aboutir à un mouvement uni et vigoureux. Ces dissensions, bien que présentes dans plusieurs ville, ne représentent heureusement pas toute la réalité, puisque, dans plusieurs villes, un travail unitaire de long-terme a pu aboutir.
« Féministes à la Hamas »
Par ailleurs, dès le début de la manifestation, des rumeurs, qui se sont avérées fausses, avaient annoncé la venue du groupe fémonationaliste Némésis. Finalement, ce sont 150 personnes qui, à l’initiative du collectif conservateur Nous vivrons, sont venues perturber la manifestation avec des slongans tels que « féminicide de masse, féministes à la Hamas » (au sujet de l’attaque du 7 octobre) et « féministes complices ». Ce collectif se défini comme un collectif citoyen d’action contre l’antisémitisme, il s’agit vraisemblablement d’ancien·nes militant·es de l’UEJF (Union des Étudiants Juifs de France) et de SOS Racisme.
Bien qu’aucun heurt n’ait été à déplorer, ce moment doit être analysé dans le contexte actuel d’une extrême droitisation général des discours. Si les personnes qui y ont pris part ne semblent pas être d’extrême droite, elles ont néanmoins tenté de créer une opposition entre femmes israéliennes et palestiniennes. En instrumentalisant les violences subies par les femmes israéliennes, elles ont affirmé que soutenir les femmes palestiniennes serait faire le jeu du Hamas, empêchant ainsi la convergence entre lutte féministe, lutte anticoloniale et soutien au peuple palestinien.
Cette action, qui a été largement diffusée dans la presse bourgeoise, a justifié un déchaînement de violences sexistes envers les militant·es féministes (cyberharcèlement, menaces…). Pour conclure, cette marche fut un succès par le nombre de personnes présentes, la tentative d’intersection avec le mouvement palestinien et la pertinence des mots d’ordre. Mais nous savons aussi que les luttes antipatriarcales, antiracistes, anti-impérialistes et antifascistes sont liées et nous pensons que ces combats ne pourront être victorieux que par l’existence de cadres unitaires larges et solides.
Des membres de l’UCL Paris Nord-Est
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#Anarchismus #Kommunismus #antikapitalismus #KlassenKampf #ArbeiterWiderstand #feminismus #IchBinArmutbetroffen
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Des solutions radicales pour le monde agricole !
Depuis janvier, le monde agricole est en ébullition. La faute au productivisme, qui a créé un modèle terriblement fragile : solitude, endettement, surconsommation de carburants, d’engrais et de pesticides toujours plus chers… Comme l’épuisement des ressources et le dérèglement climatique font grimper les tarifs, le système craque. Il est temps d’en imaginer un autre.
Les paysans et paysannes nourrissent la société, donc il est évident que la société leur doit une juste et digne rétribution. Il n’y a rien de choquant à ce que de l’argent public alimente un secteur productif vital.
Le problème est qu’aujourd’hui, les subventions de la Politique agricole commune (PAC) sont utilisées pour conformer l’agriculture à un modèle mortifère et sans avenir : investir sans fin (et en vain) dans la mécanisation, les mégabassines, les intrants chimiques, les pesticides, l’agrandissement des structures... Les exploitations les plus vastes sont les plus subventionnées. Les petites et petits paysans sont laissés pour compte.
Le système actuel fonce dans le mur
Des exploitations toujours plus vastes. Entre 1988 et 2020, le nombre d’exploitations agricoles a été divisé par 2,6 ; leur surface a été multipliée par 2,4 [1] ;
Toujours moins de travailleuses et de travailleurs. Si l’on additionne exploitant·es, salarié·es permanent·es et saisonnier·es, leur nombre a été divisé par 2,6 : 2 millions en 1988, contre 759.000 en 2020 [2]. Cela signifie un temps de travail démesuré : 55 heures par semaine en moyenne, les samedis, les dimanches, parfois la nuit [3]..
Une rétribution toujours plus faible. Sur la même période, le revenu net de la branche agricole (RNBA) a globalement baissé de 40% [4], avec des inégalités croissantes : 18% des paysannes et paysans vivent sous le seuil de pauvreté, et jusqu’à 25 % chez les éleveurs bovins, ovins et caprins, et les producteurs de fruits.
Une détresse palpable. Cette logique conduit à l’endettement et à la solitude. En 2020, le risque de suicide chez les agriculteurs-trices était supérieur de 30,9% à celui du reste de la population [5].
Une fuite en avant dans la mécanisation, les intrants chimiques, les pesticides, l’accaparement des semences et de l’eau… En France, 90% des semences sont la propriété de six entreprises. Les volumes d’intrants chimiques continuent d’augmenter chaque année... mais ne parviennent qu’à maintenir le rendement de terres épuisées et stérilisées par cette surenchère.
La fragilité du système, révélée par le dérèglement climatique et la crise énergétique. Le capitalisme épuise les ressources de la planète. La hausse du prix du gaz, du pétrole, de l’électricité, la raréfaction de l’eau, sont structurelles et vont se poursuivre. Le prix des intrants chimiques grimpera en conséquence. Continuer à investir dans des engrais, des pesticides, des mégabassines, s’entêter dans un système sans avenir, c’est condamner les paysannes et paysans à l’étranglement.
Des revendications qui mènent à l’impasse
Revendiquer des subventions ou des détaxes pour pouvoir continuer à acheter du carburant, des engrais et des pesticides, c’est une solution de survie, mais à moyen terme, c’est foncer dans le mur. C’est la logique à laquelle poussent les banques, les semenciers, l’industrie chimique, la FNSEA, la Coordination rurale et l’extrême droite, par soif de profit, démagogie électorale, ou les deux à la fois.
Des revendications qui proposent une autre trajectoire
La Confédération paysanne propose des alternatives : des prix agricoles garantis pour sécuriser les revenus paysans ; l’abrogation des traités de libre-échange, antisociaux et anti-écologiques ; des aides conséquentes pour la transition agroécologique, la priorité à l’installation de jeunes paysans, plutôt que l’agrandissement des structures, l’arrêt de l’artificialisation des terres agricoles, la création d’une « Sécurité sociale de l’alimentation ».
La nécessité d’une transformation anticapitaliste
Mais dans le secteur agricole comme ailleurs, la nécessité est celle d’une sortie du capitalisme.
- comme les autres secteurs économiques vitaux, l’agriculture devrait devenir un service public, fondé sur des normes sanitaires et écologiques qui respecteraient la santé des travailleurs et des consommateurs ;
- toutes les fermes et collectifs de travail volontaires devraient pouvoir s’insérer dans ce service public ;
- le revenu y serait garanti, encourageant l’installation d’agriculteurs et agricultrices, leur accroissement, l’élargissement des collectifs, la réduction du temps de travail ;
- une planification démocratique, selon des échelons territoriaux cohérents, devrait éviter la surproduction ;
- l’importation de produits agricoles devrait être limitée à ce qui ne peut être produit localement.
Il ne s’agirait donc pas de créer des kolkhozes avec un travail caporalisé, mais d’aller vers une socialisation libre et volontaire de l’agriculture, qui corresponde à la fois aux aspirations paysannes à l’autonomie, et aux besoins de la population.
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